Accueil > Financement et politiques publiques > Magali Lemaitre (AFCROs) : “Le SNDS est une des plus belles bases au monde” Magali Lemaitre (AFCROs) : “Le SNDS est une des plus belles bases au monde” Magali Lemaitre est l’actuelle vice-présidente de l’Association Française des CROs (AFCROs) intégrant les entreprises de la recherche clinique et plus largement les bureaux d’études en santé. Elle est représentante du Collège des industriels au Conseil d’Administration et de l’Assemblée Générale du Health Data Hub avec Stéphane Bouée. Elle nous éclaire sur l’usage que font les CROs des données du Système National des Données de Santé (SNDS), une “mine d'or” qui souffre aujourd’hui de délais d’accès décourageant parfois les acteurs privés. Par Romain Bonfillon. Publié le 26 septembre 2023 à 22h10 - Mis à jour le 26 septembre 2023 à 15h42 Ressources Quel type d’informations regroupe le SNDS ? Il faut tout d’abord rappeler que le SNDS n’est pas composé d’une base unique mais de plusieurs sources de données : le SNIIRAM (Système National d’Information Inter-Régimes de l’Assurance Maladie) qui comprend les données individuelles pseudonymisées de l’ensemble des remboursements effectués par l’assurance maladie et les données administratives sur les bénéficiaires, le PMSI (Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information), qui regroupe l’ensemble des données hospitalières des hôpitaux publics et privés; les données des causes médicales de décès issues du CepiDc. Les données du SNIIRAM sont appariées aux données du PMSI de façon déterministe via le NIR (numéro de sécurité sociale) tandis que les données du CepiDc sont appariées de façon probabiliste via des variables clés (date de décès, date de naissance, sexe…). D’ici la fin de l’année, les données en provenance des MDPH (Maisons Départementales pour les Personnes Handicapées) devraient venir enrichir le SNDS. Ce SNDS est réputé être une “mine d’or” en termes de richesse des données, pourquoi ? Le SNDS a l’énorme avantage d’être une base exhaustive sur la France entière. Même si certains pays nordiques peuvent aussi se prévaloir d’avoir une base de données de santé exhaustive intégrant en plus des données biologiques, aucun n’a une base aussi conséquente, portant sur 68 millions de personnes. C’est inédit à l’échelle internationale. Avoir une telle puissance présente un avantage concurrentiel en permettant la réalisation d’études épidémiologiques y compris sur des événements rares. Vous parlez d’avantage concurrentiel, mais les industriels de santé peuvent-ils avoir accès à ces données ? L’accès des industriels de santé de santé est fortement encadré : ils doivent, soit passer par un bureau d’études ou un organisme de recherche indépendant, soit démontrer que les modalités techniques d’accès ne permettent en aucun cas d’utiliser le SNDS pour des finalités interdites (exemple : promotion des produits de santé en direction des professionnels de santé…). Les industriels (responsable de traitement des projets) contractualisent en général avec des bureaux d’études – les CROs – (responsable de mise en œuvre du traitement) et ce sont eux qui travaillent sur les bases de données. Nous sommes quelques-uns seulement à avoir développé une expertise sur ces bases. Les CROs qui utilisent ces bases doivent avoir suivi les formations délivrées par la Cnam, leur permettant ainsi d’être habilitées à travailler sur ces bases. Néanmoins, l’expertise de ces bases de données s’acquiert uniquement “par la pratique”, elles sont extrêmement complexes et nécessitent un important travail de nettoyage (datamanagement) avant la mise en œuvre de l’analyse statistique. Comment les CRO utilisent ces données ? Les CRO utilisent ces données pour répondre à des problématiques de santé d’intérêt public. Par exemple, avant l’arrivée sur le marché d’un médicament ou d’un vaccin, ou encore à la demande des autorités européennes, les industriels doivent fournir aux autorités (HAS, Commission de transparence, CEESP, EMA) des données robustes. Les CROs accompagnent les industriels dans les réflexions méthodologiques afin de développer des projets permettant au mieux d’apporter ces éléments attendus en termes de fardeau d’une pathologie, de caractérisation de sa prise en charge, d’évaluation de l’efficacité de traitement ou bien encore en termes de sécurité de celui-ci. Par la suite, notre travail est de développer les algorithmes à partir de l’ensemble des données disponibles dans ces bases (délivrance de traitement, actes traceurs, hospitalisations, ALD…) et développer les analyses statistiques adéquates pour répondre aux objectifs de l’étude. D’un point de vue médical, ces bases sont extrêmement utiles et elles intéressent autant les industriels de santé que les académiques. L’ANSM, par exemple, va travailler sur ces données pour réaliser des études de risque sur des médicaments. Elle transmettra si nécessaire les résultats à l’Agence européenne des médicaments (EMA), ce qui peut engendrer des modifications sur les résumés caractéristiques des produits. Concrètement, lorsqu’un effet secondaire survient, il est déclaré à la base nationale de pharmacovigilance. Par sa puissance statistique, le SNDS est un très bon outil pour identifier un réel signal ou non. De la même façon, Santé Publique France va aussi s’appuyer entre autres sur ces données dans le cadre de ses missions de surveillance des pathologies (évolution de l’incidence, prévalence, couvertures vaccinales…). Cette base a-t-elle cependant des limites ? Le SNDS est une base de données de remboursement. Elle n’a donc pas été conçue initialement pour faire de l’épidémiologie. Nous ne pouvons par exemple pas connaître le motif de consultation en médecine de ville, nous n’avons pas les résultats des tests biologiques, ni ceux des actes d’imagerie, uniquement l’information que l’acte a bien eu lieu. Néanmoins, via les algorithmes développés, des méthodes d’intelligence artificielle, et des appariements avec d’autres bases de données, il est possible de pallier cette limite. Les délais d’accès à la base SNDS constituent également un handicap… Le SNDS est une des plus belles bases au monde, mais lorsque les maisons mères de multinationales ou les agences européennes (dans le cadre d’études multi-pays) apprennent nos délais d’accès, il arrive qu’elles renoncent à faire la demande auprès des industriels de santé. Il existe certes des accès permanents pour les académiques permettant de conduire des études scientifiques dans le cadre de leur mission, mais le goulot d’étranglement demeure pour l’ensemble des acteurs privés limitant le potentiel et la reconnaissance de cette base de données unique en France et à l’international. À quoi est-il dû ? La Cnam dispose d’une équipe, la cellule DEMEX qui, initialement, n’avait pas pour vocation de réaliser des extractions du SNDS pour les demandes d’accès sur projet faits par les bureaux d’études. A ce jour, l’intégralité des extractions du SNDS repose sur cette équipe. Elle est en charge de la mise à disposition de ces données, travaille à la fois sur le conventionnement (qui permet de s’assurer d’une bonne cohérence entre tous les documents de soumission et les documents transmis à la Cnam), la validation de l’extraction des besoins, ainsi que sur le ciblage des patients pour réaliser l’extraction. Cette étape peut s’avérer complexe et chronophage selon la méthodologie de l’étude… Tant qu’une copie du SNDS ne sera pas mise en place sur la plateforme du Health Data Hub (HDH – la situation est aujourd’hui bloquée pour des raisons politiques de souveraineté des données, le HDH ayant comme hébergeur le cloud Azure (Microsoft), ndlr), ou que la cellule DEMEX* ne sera pas réellement renforcée, celle-ci ne pourra probablement pas être en capacité d’améliorer sa réactivité. Des ressources lui ont été mises à disposition par le HDH (deux personnes selon nos sources, ndlr) mais cela n’a pas suffit à améliorer considérablement ces délais. Aussi, le nombre de demandes d’accès au SNDS provenant d’acteurs privés a explosé ces dernières années, mais ce nombre semble stagner, s’expliquant probablement par les délais d’accès qui freinent les industriels de santé. Tous savent désormais qu’il faut s’y prendre très en amont pour accéder à ces bases. * Contactées par mind Health, la cellule DEMEX et la Cnam n’ont pas souhaité répondre à nos questions. L’AFCROs dénonce les délais d’accès au SNDS Magali Lemaitre Avril 2023 : Est élue vice-présidente de l’AFCROs Depuis 2021 : Membre du Comité directeur de l’AFCROs et membre représentante de l’AFCRO’s auprès du Health Data Hub. 2021 : Cofondatrice et responsable du département données secondaires de la CRO Horiana 2017 – 2021 : Épidémiologiste en charge du développement de l’activité sur les données du SNDS, IQVIA France 2017 : Intègre l’AFCROs et son groupe de travail “Données de santé en vie réelle” 2013 – 2017 : Épidémiologiste à l”ANSM, où elle travaille sur les bases de données du SNDS 2010-2012 : Post Doctorat NIH 2006-2010 : Thèse en Épidémiologie des maladies infectieuses Romain Bonfillon AlgorithmesAssurance Maladiebase de donnéesDonnées de santédonnées de vie réelleEssais cliniquesHôpitalLaboratoires Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire La Cnil lance une formation sur le SNDS L’AFCROs publie son livre blanc sur les essais cliniques décentralisés Le HDH poursuit la standardisation de la base principale du SNDS au format OMOP-CDM