Accueil > Financement et politiques publiques > Franck Mouthon (Inserm) : “Pour mesurer le ROI de l’IA, nous pouvons rester sur les fondamentaux de l’industrie pharma” Franck Mouthon (Inserm) : “Pour mesurer le ROI de l’IA, nous pouvons rester sur les fondamentaux de l’industrie pharma” Fondateur de la société Theranexus, ancien président de l’association France Biotech, qui a contribué à structurer de nombreuses filières d’innovation en santé, Franck Mouthon a été nommé directeur exécutif de l'agence de programmes pour la recherche en santé de l'Inserm début mars 2024. Il partage avec mind Health sa feuille de route pour les 18 prochains mois. Par Sandrine Cochard. Publié le 04 juin 2024 à 23h32 - Mis à jour le 05 juin 2024 à 16h53 Ressources Quel bilan tirez-vous de vos 4 années à la présidence de France Biotech ? Nous avons réussi à réduire les silos entre les familles technologiques que sont les biotech, les medtech et le numérique en santé, notamment en nous concentrant sur leurs points de convergence. Cette volonté d’ouverture s’est traduite par une nouvelle approche, qui consiste à travailler les sujets par parcours de soins, en misant sur le partage de travaux et la co-construction avec l’ensemble des parties prenantes, notamment les utilisateurs. C’est une autre façon de penser l’innovation en santé qui a contribué à créer un rapprochement intellectuel entre les écosystèmes du soin, de la recherche, de la formation, de l’industrie et des entreprises. Cette stratégie a répondu à de nombreuses attentes de la filière et a permis de renforcer la base des adhérents (autour de 200 adhérents en 2020, presque 700 aujourd’hui). En parallèle des préoccupations de financement et de structuration d’un écosystème solide sur lesquelles nous avons beaucoup investi, nous nous sommes également emparés de sujets qui étaient jusqu’alors pris modestement par les autres fédérations et associations professionnelles. Je pense notamment aux enjeux de l’innovation dans la création d’actes médicaux et l’incitation à utiliser ces innovations. Enfin, nous avions à cœur de concevoir une forme de pacte sociétal de l’innovation en santé et de redonner ses lettres de noblesse à notre système de santé. Intégrer une responsabilité des entrepreneurs dans cette vision me paraissait importante. Vous intervenez lors du premier mind Health Day qui se tient le 5 juin, sur le thème de l’intelligence artificielle au service du développement du médicament. Quelles sont les principales opportunités offertes par l’IA en la matière ? Les investissements pour développer un médicament et les mettre à la disposition des patients sont encore extrêmement élevés, du fait du taux d’attrition élevé à chaque étape. Or, partout dans le monde, les systèmes de santé ont du mal à se projeter sur des prix de médicaments onéreux pour des populations larges. Tout ce qui peut réduire les temps, les coûts et les risques liés au développement de médicament sera demain une planche de salut pour les systèmes de santé et la performance des fonds d’investissement. Les nouveaux outils permettant d’améliorer le ciblage et l’efficacité des candidats médicaments contribuent à réduire ce taux d’attrition. L’enjeu aujourd’hui est de parvenir à un développement plus efficace et plus rapide du médicament, à toutes les phases (identification, design, essais cliniques, distribution…), pour proposer le bon traitement au bon patient pendant la bonne durée. Le tout à un coût compatible avec les systèmes de santé et assurantiels. Nouvelles méthodologies de recherche clinique : l’AIS et F-CRIN ont avancé Au-delà du drug discovery, deux enjeux relèvent de l’usage de l’IA et l’utilisation de la donnée dans le développement clinique : l’identification du bon patient pour tester le bon candidat médicament d’une part, et la capacité à identifier plus vite des biomarqueurs d’autre part. Cela permettra de se débarrasser plus tôt de candidats médicaments qui n’auraient pas l’efficience souhaitée et de conserver les plus prometteurs. Cela revient à extraire le maximum de valeur le plus tôt possible. A condition évidemment que ces approches n’induisent pas de biais. Un autre aspect qui n’est pas neutre : ces nouvelles approches ont vocation à réduire le nombre d’expériences nécessaires au moment de départager les candidats médicaments. Dans la mesure où on cible mieux le candidat médicament qui va partir en clinique, on limite le nombre de tests (in vivo et in vitro). Cela signifie moins de consommation de plastiques, d’animaux, de cultures cellulaires… Cela a un impact budgétaire et environnemental. Alexandre Malouvier (ICON plc) : “Nous pouvons désormais parler de chercheur augmenté” Comment mesurer le ROI de l’IA en pharma ? Il existe des fondamentaux sur lesquels s’appuie toute l’industrie pharmaceutique : les plans de développement, les coûts de développement et le niveau d’attrition à chaque étape. Pour mesurer le ROI de l’IA, nous pouvons donc rester sur les fondamentaux de cette industrie en se basant sur les changements de taux d’attrition, les coûts, les temps. Pour l’instant, sauf exception, on a du mal à avoir des fast track évidents sur ces aspects-là. Les initiatives de la FDA pour promouvoir les essais cliniques innovants Vous avez été nommé directeur exécutif de l’agence de programmes pour la recherche en santé de l’Inserm début mars 2024. Quel sera son rôle ? L’agence de programmes pour la recherche en santé de l’Inserm a pour ambition de mobiliser et d’animer l’ensemble des acteurs de la recherche en santé en France autour d’une vision programmatique et prospective. Nous visons à encourager une synergie entre les différents acteurs afin d’accélérer l’innovation et de maximiser l’impact des découvertes scientifiques sur la santé publique. Pour atteindre cet objectif, il est indispensable de développer une stratégie nationale commune, alignée avec les politiques de site. Notre mission consiste également à élaborer des programmes ambitieux qui répondent aux besoins de santé publique, tout en menant une veille continue pour identifier nos forces et faiblesses. Cette analyse permettra de guider l’État dans la création de politiques stratégiques visant à renforcer la compétitivité et l’attractivité de notre pays. Comment allez-vous identifier ces programmes ? L’agence a réuni un comité des partenaires composé de représentants des principaux organismes de recherche nationaux, des universités, des grandes écoles, du secteur médical, des agences de santé, et du monde socio-économique. Ce comité, fort d’une trentaine de membres, a émis 46 recommandations, permettant de définir sept thématiques prioritaires. Ces thématiques seront explorées par des groupes de travail temporaires, chargés de formuler des propositions claires et évaluables par un comité scientifique ad hoc. Le comité des partenaires sélectionnera ensuite trois programmes que nous soumettrons à l’État d’ici la fin juillet. Dans ce contexte, nous devons trouver un équilibre entre les enjeux sanitaires ayant un impact scientifique, technologique, sanitaire et économique tout en assurant une capacité d’exécution sur le territoire. Nous allons fonctionner avec un pipeline de programmes : certains seront à maturité pour être lancés,tandis que d’autres nécessiteront des étapes intermédiaires de structuration, en termes de filière ou d’infrastructures. Un des enjeux de cette agence est de gérer ces différentes temporalités et de coordonner ces divers sujets. Quelle est votre feuille de route pour les 18 prochains mois ? Nous devons mener plusieurs actions, dont trois sont prioritaires : la mise en œuvre de France Vaccins, du volet recherche de la stratégie d’accélération de prévention, du programme de recherche sur la fin de vie dans le cadre de la loi sur la fin de vie et l’induction de trois à quatre grands programmes thématiques à ambition internationale. L’État procédera ensuite aux arbitrages pour financer un ou plusieurs de ces programmes. Nous allons également recenser les actifs du territoire français, qu’il s’agisse d’infrastructures ou d’actions de recherche, notamment les PEPR déjà lancés. Cette démarche permettra de produire un retour d’expérience essentiel à la simplification de l’opérationnalisation des prochains programmes. Nous avons également un enjeu fort autour du parangonnage et de la prospective. La dynamique suite à l’arrivée de l’Agence est forte et en quelques semaines, nous disposons d’ores et déjà de près d’une cinquantaine de programmes de recherche et identifié des pistes de propositions à travailler en amont de la soumission à l’État. Quel est le budget de cette agence ? Le budget de fonctionnement pour la première année est d’environ 1 million d’euros. Les grands programmes bénéficient d’un financement à part (un peu plus de 100 M€ pour France Vaccins, autour de 170 M€ sur la stratégie d’accélération prévention). Combien de personnes composent l’équipe de cette agence ? Une petite équipe est en cours de recrutement, mais l’idée est de s’appuyer sur les compétences existantes de nos partenaires. Néanmoins, nous allons nous doter d’outils pour la partie prospective, afin de centraliser les connaissances sur un domaine donné, qu’il s’agisse de publications, brevets, essais cliniques ou encore du sourcing des experts et des atouts français. Il s’agit d’un avantage considérable que cette agence soit rattachée à l’Inserm. C’est une maison qui a d’ores et déjà déjà commencé un virage sur la programmatique, d’une profonde expertise en recherche en Santé, d’une très forte assise internationale et de compétences reconnues dans le montage de programmes ambitieux à l’échelle nationale et internationale. Sandrine Cochard Intelligence ArtificielleLaboratoiresmedicamentPolitique de santéRecherche Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Dataroom Drug Discovery et IA : tour d’horizon des principaux investissements et partenariats de 2023 analyses R&D en oncologie : moins de nouveaux essais, mais des traitements plus ciblés Unicancer et l’INCa lancent les deux premières études du nouveau programme AcSé Oncovita et l’Institut Pasteur créent un laboratoire commun