Jonathan Benhamou (Resilience) : “Nous voulons devenir le partenaire de collecte des données des laboratoires pour leurs essais cliniques”

Quelles sont les raisons de cette acquisition ? 

Notre plateforme intègre des outils permettant de suivre les patients en temps réel. Nous faisons remonter leurs données via les patients-reported outcome measures (PROMS). Nous avons ensuite ajouté d’autres points de données venant des déterminants de santé, par exemple les fragilités sociales des patients, ainsi que des questionnaires de qualité de vie. Nous faisons de la donnée de vie réelle de manière assez holistique. Notre challenge était de faire correspondre les données de vie réelle que nous collectons avec des données cliniques, ce qu’aujourd’hui personne ne fait. Les DTx permettent de faire remonter de la donnée de vie réelle, mais elle n’est pas vérifiée d’un point de vue clinique et les acteurs qui travaillent sur la donnée clinique n’ont pas de données de vie réelle. 

Pour nous, le moyen de répondre à ce défi était d’aller chercher la donnée dans les comptes rendus médicaux plutôt que dans les dossiers patients, car ils contiennent toutes les données cliniques et les informations sur l’évolution des tumeurs. Nous avons étudié le marché afin de trouver l’entreprise qui pourrait nous aider et c’est comme cela que nous avons identifié Gimli. Sa solution basée sur le traitement automatique du langage (NLP) permet d’extraire les données des comptes rendus médicaux, de les analyser et de créer une ontologie de l’oncologie, c’est-à-dire un champ lexical de l’oncologie permettant de comprendre les informations écrites dans les comptes rendus médicaux comme les dates, le traitement des patients, l’évolution d’une tumeur… Grâce à cela nous pouvons retracer le parcours de soins d’un patient, améliorer la compréhension de ce parcours, ainsi que sa prise en charge. Nous pouvons également mettre ces données au service de la recherche, afin de comprendre les liens entre la toxicité d’un médicament et le parcours de soins et de prédire la progression de la maladie. 

Pourquoi avoir opté pour une acquisition plutôt qu’un partenariat ?

Le sujet est tellement stratégique que nous ne voulions pas l’externaliser :  soit nous faisions une acquisition, soit nous développions une solution en interne. L’investissement nécessaire pour un développement interne était très important et nous voulions travailler avec Gimli, nous leur avons donc proposé de poursuivre l’aventure avec nous. C’est amusant, car, à l’origine, j’ai présenté Alexandre et Anthony (Alexandre Yazigi et Anthony Dubois, les cofondateurs de Gimli, ndlr). À l’époque, je leur avait dit : “Je ne suis pas sûr que vous réussirez, car ce que vous voulez faire est très compliqué.” Mais ils ont réussi et je devais savoir comment ils avaient fait.

Plusieurs entreprises développent des solutions de NLP, la spécialisation de Gimli en oncologie était-elle un atout majeur ? 

Comprendre le contenu d’un compte rendu médical est très compliqué, en fonction de la pathologie, deux mots peuvent dire deux choses complètement différentes. La progression d’une maladie n’est pas identique tout comme l’utilisation d’un médicament, le fait que la solution de Gimli soit dédiée à l’oncologie était donc essentiel pour nous. 

Gimli est désormais intégrée dans la plateforme Resilience, quelles opportunités offre-t-elle aux centres équipés ? 

Les centres ont un problème de structuration de la donnée. Aujourd’hui, les solutions sur le marché sont capables de récupérer de la donnée dans le dossier patient, mais pas dans  des comptes rendus médicaux non structurés. Grâce à sa technologie reposant sur le traitement automatique du langage et le machine learning, la solution de Gimli permet de collecter et de structurer ces données brutes. Les centres peuvent donc récupérer cette donnée, extrêmement importante, et l’exploiter. Ils vont pouvoir mener des études en partenariat ou non avec Resilience. Nous pouvons également intégrer Gimli dans des centres qui ne sont pas clients de Resilience. L’avantage de Gimli est qu’elle permet de garder la donnée dans les centres. La solution est directement placée sur les serveurs des établissements et garantit une collecte sécurisée des données. 

L’objectif est-il de s’appuyer sur cette solution pour multiplier les essais ?

Effectivement, Gimli peut nous permettre de coupler de la donnée de vie réelle à de la donnée clinique, mais nous pouvons également imaginer que cela nous permettent de récupérer les données et de les intégrer directement dans des eCRF (logiciel utilisé pour les essais cliniques, ndlr).

Vous avez un positionnement multipathologie la solution de Gimli est-elle aujourd’hui applicable à d’autres domaines que l’oncologie ?

Pas pour le moment, mais c’est effectivement un de nos objectifs de développer en interne des ontologies sur plusieurs pathologies.

Comment cette acquisition s’inscrit-elle dans votre stratégie ?

Un des axes de notre stratégie est de développer la composante recherche clinique de l’entreprise. Nous travaillons avec plusieurs laboratoires afin de devenir leur partenaire de collecte de données dans les essais cliniques. Nous avons déjà signé des partenariats avec Roche, Pfizer, Danone et nous en finalisons de nouveaux.

Combien de personnes composent aujourd’hui votre équipe dédiée à l’activité recherche clinique ? 

Une vingtaine de personnes travaillent aujourd’hui sur l’activité recherche clinique, mais c’est une activité qui est vouée à grandir fortement. Nous préparons notre lancement en Allemagne et nous sommes en train de valider un lancement aux États-Unis pour 2026, cela coïncide avec notre ambition d’accélérer sur la partie recherche. Gimli représente un avantage concurrentiel très important pour se développer à l’étranger. 

Quels sont les prochains jalons de Resilience ?

Au premier trimestre 2025,nous débuterons une étude randomisée contrôlée (RC-102) sur l’usage de notre solution de télésurveillance incluant 1458 patients de 45 centres français. Cette étude va nous permettre de consolider notre dossier de remboursement en France (l’inscription de Resilience en nom de marque a été validée pour trois ans, à l’issue de ce délai, l’entreprise devra présenter de nouvelles données à la HAS, ndlr). Nous lancerons également l’essai clinique de GutyCare en début d’année prochaine. Par ailleurs, nous voulons déployer Resilience en Allemagne dans les prochains mois, où nous visons aussi le remboursement de notre solution, avec l’ouverture de huit centres allemands début 2025