Accueil > Financement et politiques publiques > Financement de l'innovation > Start-up de la e-santé : près de 400 M€ levés en 2020, en France Start-up de la e-santé : près de 400 M€ levés en 2020, en France En 2020, plusieurs importantes levées de fonds ont eu lieu sur le secteur, qui gagne en maturité. La crise liée à la COVID-19, si elle a freiné les investissements pendant un temps, a surtout été un accélérateur de la digitalisation de la santé. La tendance va se poursuivre dans les années qui viennent. Par Valérie Moulle. Publié le 26 janvier 2021 à 16h39 - Mis à jour le 29 novembre 2021 à 16h56 Ressources Les fonds levés par les start-up françaises de la e-santé ont dépassé 391 millions d’euros en 2020, selon nos estimations, contre 516 M€ un an plus tôt. Il est vrai qu’en 2019, la levée de 150 M€ réalisée par Doctolib (près d’un tiers du total) avait largement contribué à booster les résultats de l’année. A contrario, pour EY, qui n’intègre pas Doctolib dans son champ d’analyse (les contours du secteur restent mal définis), 2020 affiche une progression par rapport à l’année précédente. Sur la petite cinquantaine de sociétés ayant collecté des fonds (voir la liste complète dans notre espace Data), cinq jeunes pousses ont franchi la barre des 30 M€ : Withings (53 M€), Alan (50 M€), Medadom (40 M€), Robocath (40 M€) et Owkin (39 M€). Parmi elles, seule Medadom réalisait sa première levée. Derrière ce peloton de tête, la fourchette se situe entre 12 et 20 M€ pour les refinancements de quatre entreprises : Stilla Technologies, H4D, CardioLogs et Inato. Au total, 74 % des sommes collectées en 2020 l’ont été par ces neuf sociétés. Dans l’espace Data : la liste des levées de fonds des start-up françaises de la e-santé depuis 2018 Ces start-up appartiennent à 14 activités différentes. En cette année de crise sanitaire, la plus représentée est la télémédecine (Medacom, H4D, Medaviz…) devant la recherche & développement (Owkin, Inato, Kayentis…) et l’aide au diagnostic (Cardiologs, Sensome, Gleamer…). Effet accélérateur de la crise Ce montant (391 M€) représente 7,3 % des sommes levées au global par l’ensemble des start-up de la French Tech (5,39 Md €, +7 % par rapport à 2019 selon le bilan 2020 du baromètre EY du capital-risque en France), contre 11 % en 2019. “L’écosystème a bien résisté, après une légère baisse au 1er semestre liée à la crise de la Covid-19. Quant à la e-santé, c’est un des secteurs qui a été le plus résilient en 2020, enregistrant une forte activité”, pointe Franck Sebag, associé chez EY. De fait, après une période d’attentisme, “un coup d’accélérateur a été donné à la digitalisation de l’économie, notamment en santé, au centre des préoccupations et des attentions”, explique Stanislas Subra, responsable des investissements en capital-risque à la MACSF. L’année 2020 a créé une formidable caisse d’accélération pour la santé digitale, estime Valéry Huot, associé en charge de l’expertise venture / santé digitale chez LBO France : “nous sortons de 2020 avec une évangélisation très forte des citoyens / patients ainsi que des professionnels de santé qui ont réalisé à quel point certaines innovations pouvaient améliorer leurs pratiques médicales, leur faire gagner du temps et favoriser l’accès aux soins des patients”. Ces opportunités pour les jeunes pousses du secteur ont été confortées par le soutien des institutions françaises et européennes à la constitution d’un écosystème dynamique. Montée en puissance de Bpifrance Bpifrance a été un acteur incontournable de la e-santé en 2020, participant à près d’une vingtaine de levées de fonds, notamment à travers ses fonds Patient Autonome, Digital Venture et Large Venture. Chahra Louafi, directrice du fonds Patient Autonome, pointe une tendance à la hausse des investissements sur le secteur, qui peuvent désormais atteindre 5 M€ en amorçage, le marché gagnant en maturité. Pour les tours suivants, “l’année 2020 a montré qu’après une série A, il faut pouvoir lever une série B de l’ordre de 20 M€, voire plus, pour accélérer le déploiement et ne pas casser la dynamique de croissance”, souligne-t-elle, précisant en outre que la présence de Bpifrance rassure les autres acteurs : “nous sommes un investisseur avisé au sens où nous sommes un acteur institutionnel spécialiste de l’innovation en santé, qui respecte les règles de marché. De plus, nous nous positionnons sur le long terme, ce qui stabilise une filière en construction”. Côté investisseurs, les acteurs en présence restent variés, avec des fonds Tech, santé et Corporate industriels / mutuelles. “Certains fonds Medtech ont fait la transition vers le digital et savent financer ce secteur, et les fonds Tech généralistes font eux-mêmes leur apprentissage de la santé : cela va donner de plus en plus d’opportunités aux entrepreneurs de la e-santé”, estime Antoine Zins, directeur Investissement chez Idinvest Partners. De son côté, Franck Sebag pointe la présence, dans les gros tours, de nombreux fonds Tech intéressés par la thèse du rapprochement Tech / santé. L’absence de grands fonds spécialisés en santé numérique n’est selon lui pas un frein : “des fonds généralistes et des fonds étrangers parviennent largement à accéder au deal-flow. La structuration des fonds viendra avec une augmentation de la taille de l’écosystème”. Des perspectives positives L’optimisme est de mise sur le secteur, en plein essor, et la compétitivité s’accroît : “les plus belles sociétés n’ont aucun problème de financement, au contraire. De plus en plus de fonds d’investissement américains viennent en Europe, c’est un très bon signe”, note ainsi Stanislas Subra. Certes, de grands leaders peinent encore à émerger mais il existe de belles réussites, comme Doctolib, qui alimentent l’ambition des entrepreneurs et investisseurs. De plus, les sorties attendues vont venir renforcer le marché : “il va y avoir un certain nombre de beaux rachats d’entreprises françaises et d’entrées en bourse dans les 3 ou 4 ans qui viennent”, indique ainsi Valéry Huot, pour qui la digitalisation va transformer ce secteur en profondeur et créer un marché très important. Une analyse confortée par Franck Sebag : “le sujet de la santé est clé, probablement sous-investi, et la thèse de sa digitalisation reste prégnante dans l’investissement, au niveau mondial”. Philippe Peltier pointe également différents facteurs favorables : le vieillissement de la population, la tension sur le système de soins, l’évolution des comportements, la prise de conscience de l’importance de la prévention, du diagnostic et du suivi des patients. Enfin, pour Chahra Louafi, la dynamique positive ne fait aucun doute : “de plus en plus de fonds s’intéressent à la e-santé car les sociétés lèvent de l’argent en série B, ce qui montre que d’autres acteurs prennent le relais”. Elle insiste sur la nécessité pour les entreprises d’accélérer leur business plan, y compris par la croissance externe, pour bénéficier de l’impact positif de la crise et saisir l’instant : “il faut profiter du momentum car des besoins vont être couverts. C’est une course de vitesse”. Pour autant, si la France et l’Europe restent dans le jeu, les défis sont nombreux : ainsi, la régulation sur les données dans l’UE (avec le RGPD notamment) complexifie les opportunités de développement pour les start-up. De même, le temps d’adoption des nouveaux outils par les professionnels de santé et la nécessité de rendre interopérables les systèmes d’information pour optimiser la gestion des données de santé constituent d’importants challenges à relever pour accélérer la croissance du secteur. En Europe, tous secteurs confondus, le Royaume-Uni a enregistré plus de 12,7 Mds € de fonds levés en 2020 (+11 %) selon EY. L’Allemagne, avec 5,2 Mds €, talonne la France et a franchi un pas en santé numérique en votant, en novembre 2019, le Digital Care Act : celui-ci autorise, depuis le 1er janvier 2020, le remboursement d’applications numériques de santé prescrites par des médecins. Une mesure susceptible de donner une impulsion décisive au secteur. Mais les États-Unis restent de loin le leader mondial avec 14,1 Mds $ levés en 2020 dans la santé numérique, versus 7,4 Mds $ en 2019, selon le fonds d’investissement américain Rock Health. 440 deals ont été enregistrés sur ce marché en 2020 (378 en 2019), soit une valeur moyenne de près de 32 M$ par opération. Au-delà de ces montants, le marché se caractérise par son gigantisme, son caractère privé et moins protecteur sur les données de santé que l’Europe, des besoins élevés, la présence d’investisseurs institutionnels prêts à prendre le relais des fonds de capital-risque. Pour les start-up, il s’avère aussi plus simple à analyser que le marché européen, très hétérogène. Des investissements en série A ou après pour Idinvest Idinvest se positionne principalement dans les start-up digitales et dans la e-santé et a participé en 2020 aux levées de fonds de Withings, Stilla Technologies, CardioLogs, Sensome et Ambler. Antoine Zins explique investir principalement avec des partenaires, en série A ou dans des 2e tours, avec des tickets oscillant entre 5 et 15 M€ lui permettant d’être leader sur des tours. Deux fonds interviennent sur la e-santé : le fonds digital (350 M€) et un fonds levé avec Malakoff Humanis (80 M€). En termes de stratégie, Idinvest s’intéresse à différents types de dossiers : le “Wellness” (outils permettant aux usagers / patients de suivre leur santé), les technologies visant à générer, contextualiser et partager des données de santé, les outils de machine learning appliqués au diagnostic et, enfin, les innovations autour du drug discovery. Les investissements sont réalisés en Europe, dont la moitié en France. Kurma Partners accompagne la création des entreprises Kurma Partners, spécialisé dans la santé, a participé l’an passé aux levées de fonds de Stilla Technologies, CardioLogs, Sensome et Lucine. Philippe Peltier, directeur associé, indique que “Kurma investit dans des sociétés en création et uniquement sur des produits de santé réglementés, dans le diagnostic et les thérapies digitales : nous cherchons des approches de ruptures technologiques pour apporter de nouvelles solutions de diagnostic, de prévention ou de suivi de patients”. Les investissements se font en général en syndicat et une ligne ne peut représenter plus de 10 % du fonds. En 2020, la société a levé un nouveau fonds, Kurma Diagnostic 2 (successeur de Kurma Diagnostic, d’un montant de 35 M€), qui devrait atteindre 80 M€, et dont un tiers sera investi dans l’UE, surtout en Allemagne, au Benelux et en Espagne. L’accompagnement des entreprises en fortes croissance pour LBO France Dans son activité de capital-risque, LBO France est spécialisé dans la santé digitale et a investi en 2020 dans Stilla Technologies, H4D, Kayentis et Meditect. Sa stratégie consiste pour l’essentiel à accompagner des entreprises en forte croissance, réalisant plusieurs millions d’euros de chiffre d’affaires, pour accélérer leur développement international. “Nous investissons des tickets compris entre quatre et une dizaine de millions d’euros au 1er tour, et jusqu’à 20 M€ en plusieurs tours”, explique Valéry Huot. Quelques investissements peuvent aussi être effectués plus en amont, sur des sociétés au potentiel élevé. Ses domaines d’intérêt sont essentiellement la télémédecine, les données de santé et les logiciels de santé. “Nous voulons créer des sociétés qui soient des leaders potentiellement mondiaux dans leur domaine et pas simplement des acteurs locaux”. Les investissements se font à travers deux fonds, dont un en cours de levée, au closing prévu mi-2021 et qui devrait atteindre 200 M€. La MACSF s’adosse à des fonds de capital-rique La MACSF (Mutuelle d’Assurances du Corps de Santé Français) a démarré son activité d’investisseur en 2018, sur le modèle d’un fonds de capital-risque classique. “L’objectif est de comprendre et financer des innovations médicales et des outils appelés à prendre une place croissante dans la vie professionnelle de nos sociétaires”, indique Stanislas Subra. La mutuelle investit en partenariat avec des fonds de capital-risque (pour pouvoir refinancer les sociétés), plutôt en série A, avec des investissements de plusieurs centaines de milliers d’euros lors des premiers tours. Ses domaines d’intérêt concernent plus particulièrement l’amélioration du parcours de soins et de la pratique médicale grâce à des outils digitaux faisant appel à l’IA, ainsi que les thérapies digitales permettant des parcours de soins personnalisés. En 2020, elle a participé aux levées d’Owkin, Gleamer, Synapse Medicine et Wellium. Sept start-up se démarquent Avec les levées en 2020 de Withings, Alan, Robocath et Owkin, la e-santé française compte désormais sept sociétés qui ont levé plus de 50 millions d’euros depuis leur création. Avec 234 millions d’euros levés depuis 2013, dont 150 millions rien qu’en 2019, Doctolib est évidemment la première de cette liste. Il n’a fallu que quatre ans à trois de ces sociétés, créées en 2016, pour dépasser les 50 millions d’euros : Alan (125 millions d’euros levés au total, dont 50 millions en 2020), Owkin (68 millions, dont 39 millions l’an dernier) et Dental Monitoring (65 millions au total, dont 45 millions en 2019). Deux des entreprises prises en compte ont plus de 10 ans. Withings, qui a été créée en 2008, a été rachetée par Nokia en 2016 pour 170 millions d’euros, avant d’être reprise par son cofondateur Eric Careel en 2018. Elle a levé 53 millions d’euros l’an dernier, après 3 millions en 2010 et 23,5 millions en 2013. Robocath, qui propose des solutions robotiques pour les cardiologues, a été créée en 2009 à Rouen. Elle a levé près de 55 millions d’euros, dont 40 l’an dernier, notamment auprès de l’industriel chinois MicroPort. Aymeric Marolleau Méthodologie Notre baromètre annuel des levées de fonds par les start-up de la e-santé ne prend en compte que les opérations qui ont été annoncées publiquement. Depuis 2018, outre les levées de fonds de sociétés non cotées, nous avons également pris en compte les augmentations de capital des sociétés cotées en bourse (Pixel Vision par exemple), ainsi que les levées de fonds à l’occasion des IPO. Si des levées de fonds ont échappé à notre vigilance, n’hésitez pas à nous le signaler : redaction@mindhealth.fr Valérie Moulle Fonds d'investissementInnovationLevée de fondsstart-up Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Investissements records en 2020 dans le numérique en santé Jean-Marc Bourez (EIT Health) : “L’enjeu du programme VCoE est d’être capable de proposer à une start-up trois sources de financement en equity” Le montant levé par les start-up en France se maintient au 1er semestre 2020 Start-up de la e-santé : plus de 500 M€ levés en 2019, en France Près de 15 Mds $ levés par les start-up du numérique dans la santé en 2018 Start-up de la e-santé : plus de 200 M€ levés en 2018, en France Le suivi des levées de fonds des start-up de l'e-santé L'open innovation en e-santé