Accueil > Financement et politiques publiques > Dominique Pon (Ministère): “D’ici 2 ans, la France sera leader de la e-santé en Europe” Dominique Pon (Ministère): “D’ici 2 ans, la France sera leader de la e-santé en Europe” Cet été, de nombreux projets de la feuille de route "Accélérer le virage numérique en santé" se sont concrétisés. L’occasion de revenir avec Dominique Pon, responsable ministériel au numérique en santé, sur les avancées, les défis à venir et les ambitions de la stratégie française. Par Romain Bonfillon. Publié le 15 septembre 2021 à 0h05 - Mis à jour le 14 décembre 2021 à 15h08 Ressources Trois départements vont expérimenter dans les prochaines semaines l’ENS (Espace numérique de Santé ou Mon Espace Santé). Qu’attendez-vous de cette phase expérimentale? Pendant cette phase, nous voulons mener beaucoup de tests pour débuguer tous les soucis techniques que nous pourrions identifier. La version de l’outil est encore minimale au niveau des fonctionnalités, mais les briques techniques y sont. Peut-on bien stocker un document dans son DMP ? Est-ce que la messagerie fonctionne ? Dans ce test technique, nous attendons des retours utilisateurs sur ces fonctions de base. Un décret paru au JO le 7 août 2021 précise la mise en œuvre de l’ENS. Les applications de santé seront référencées par une commission. Quel est la vision qui préside au choix des applications qui seront présentes dans le catalogue? L’idée générale est de proposer en France un numérique en santé qui soit souverain. Nous ne voulons pas dépendre que des GAFAM. Mais nous avons aussi souhaité que cette plateforme soit ouverte pour laisser les citoyens choisir les applications qu’ils connecteront à Mon Espace Santé. A charge donc pour les industriels, les éditeurs, les hôpitaux de développer des applications pour les brancher sur la plateforme d’État, à condition qu’elles respectent le cadre éthique et de sécurité que nous avons fixé. Notre mission est semblable à celle des pouvoirs publics qui, dans une ville, supervisent tous les communs (ponts, routes, réseaux d’électricité, de gaz, etc.) et décernent pour les habitations des permis de construire, lorsqu’ils respectent le code d’urbanisme. L’Agence du Numérique en Santé (ANS) a annoncé fin août l’ouverture d’un guichet de référencement de solutions logicielles. A qui s’adresse-t-il et quel est son fonctionnement? Le programme de financement “Ségur numérique” est à destination des professionnels et des établissements de santé. Il les aidera à s’équiper d’outils qui puissent communiquer avec Mon Espace Santé, donc avec le patient. L’État, en s’appuyant sur l’expertise de professionnels de santé de terrain, a construit un cahier des charges appelé DSR (Dossier de spécification de référencement) qui permet d’obtenir un label de l’ANS. Nous devons nous assurer que le logiciel sait se connecter sur les services socles régaliens (le DMP, MSSanté, l’INS, Pro Santé Connect,…). Une fois le logiciel labellisé et installé chez un professionnel ou un établissement de santé, il existe deux modes de financement. Le premier est le “financement à l’équipement” : l’État fait de l’achat pour compte et paye directement l’éditeur. Le second consiste à inciter les hôpitaux, généralistes, radiologues, biologistes, etc. à utiliser les logiciels qu’ils ont choisis pour partager leurs données via la messagerie sécurisée et le DMP. Ils pourront alors bénéficier d’un “financement à l’usage”. Au 16 décembre 2020, 230 solutions étaient enregistrées dans l’outil en ligne Convergence. L’Agence du Numérique en Santé avait à l’époque fait un bilan contrasté de ces solutions. Quel diagnostic faites-vous aujourd’hui? Le constat n’est ni catastrophique, ni parfait. L’outil Convergence a permis de mesurer la conformité ou non des solutions à la doctrine technique nationale du numérique en santé. Les industriels ont ainsi pu être sensibilisés à la nécessité d’intégrer tous les services socles de l’État (le DMP, MSSanté, la e-prescription, la e-Vitale, l’INS) dans leurs logiciels. Le Ségur rend désormais l’intégration de ces services socles obligatoire. Aussi, j’ai la conviction qu’ils vont aller très vite pour être conformes à la doctrine nationale, et être ainsi référencés dans le cadre du Ségur numérique. L’outil Convergence est donc devenu obligatoire? Cet outil fait partie du processus de référencement. Vous devrez saisir des données dans cet outil pour être référencé. Mais le Ségur est un système itératif, avec une gradation croissante des exigences. La première vague est sortie cet été, c’est un premier niveau à franchir pour être référencé. Il y aura une deuxième vague, avec un niveau exigé un peu plus élevé. Modifier tous les logiciels de santé en France est un chantier titanesque. Dominique Pon, responsable ministériel au numérique en santé Où en êtes-vous du déploiement de la feuille du route du numérique en santé? Quels seront pour vous les défis des prochaines semaines? Je voudrais d’abord rappeler que sur les 30 actions fixées en avril 2019 dans la feuille de route, tous les engagements pris ont été tenus, à la semaine près. Ce n’est pas une fierté personnelle. Nous le devons à une volonté partagée avec tous les acteurs de l’écosystème. Nous devons maintenant bien accompagner le démarrage du Ségur numérique. Modifier tous les logiciels de santé en France est un chantier titanesque. Notre deuxième priorité est de corriger les bugs et peaufiner les versions pilotes de Mon Espace Santé. L’objectif est que la première version de l’application qui sera proposée à tous les Français le 1er janvier 2022 soit très simple d’utilisation. Et ensuite, d’ici 24 mois, qu’elle accède automatiquement aux données de santé émanant des professionnels de santé. Quel regard portez-vous, en tant que créateur de l’incubateur de start-up Hi-Lab, sur le dynamisme du numérique en santé en France? Nous avons aujourd’hui en France un écosystème de start-uper, de créateurs d’innovations, d’industriels et d’éditeurs hyper dynamique. Dans le même temps, l’État a une vision, propose des financements comme le programme stratégie d’accélération “Santé numérique”, permet aux industriels de se rendre visibles grâce au store de Mon Espace Santé. Nous avons la chance d’être au début d’une histoire numérique en France portée par les professionnels de santé, les industriels et la puissance publique, et je suis convaincu que d’ici 2 ans, nous serons un leader de la e-santé en Europe. Est-il utopique d’imaginer des recommandations communes et une interopérabilité des systèmes à l’échelle mondiale, ou au moins européenne ? Les standards techniques que nous poussons en France sont des standards mondiaux largement diffusés. Il sera en revanche beaucoup plus long d’harmoniser la façon de décrire les données de santé, ce que l’on appelle les standards métiers ou standards d’interopérabilité sémantique. Il y aura d’abord une convergence européenne avant qu’il y ait une convergence mondiale. L’actualité de cet été a été marquée par la multiplication des cyberattaques des établissements de santé. Dès 2018, dans le rapport Pon-Couty vous pointiez du doigt ces problèmes de sécurité des systèmes d’information…A-t-on réellement progressé sur ce sujet ? Il y a 3 ans, la sécurité des systèmes d’information des hôpitaux était loin d’être une priorité politique, même si tous les acteurs de terrain savaient que nous étions vulnérables. Il y a eu depuis une prise de conscience. Des supports techniques, des moyens informatiques et financiers ont été apportés par l’État pour que l’on s’améliore. Mais cela ne se fait pas en six mois, ni même en un an. Nous ne verrons un vrai saut qualitatif en matière de sécurité informatique que dans 2 ou 3 ans. Personne dans le monde ne peut dire qu’il a créé un logiciel impossible à pirater. Il faut donc rester humble mais déterminé, et avoir conscience que ce ne sera jamais parfait. La sécurité informatique est une course de longue haleine qui n’est jamais complètement finie. Dominique Pon Depuis 2018 : Responsable ministériel au numérique en santé 2015 : Fondateur du Hi-Lab, incubateur de start-up, accélérateur d’innovation numérique en santé Depuis 2011 : Directeur Général de la clinique Pasteur (1ère clinique de France en CA) 2001 – 2010 : Responsable informatique, Directeur technique et Directeur adjoint de la Clinique Pasteur Romain Bonfillon Application mobileCybersécuritéIncubateursInteropérabilitémessagerie sécuriséeMinistèreOutils numériquesPlateformesPolitique de santé Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Dossier Groupements hospitaliers de territoire : de nouveaux enjeux de cybersécurité Entretien Hubert Béchart (Pierre Fabre) : "Nous alimentons nos décisions par des faits et non plus des intuitions" Entretien Karine Samama (Microsoft France): “D’ici 2025, la recherche aura séquencé 100 millions de génomes humains, soit 20 milliards de gigabytes de données” Les start-up françaises de la e-santé ont levé 229 millions d'euros au deuxième trimestre 2021