Accueil > Financement et politiques publiques > La part de la téléconsultation s’érode dans l’offre de soins La part de la téléconsultation s’érode dans l’offre de soins Dans un rapport récent, la Cour des comptes a porté son attention sur le modèle de la téléconsultation en France, qui a vu ses parts de marché diminuer fortement depuis cinq ans. L’absence d’une stratégie politique coordonnée et la réticence des professionnels n’ont pas permis à ce sous-segment de la télémédecine de se développer dans les aires géographiques et auprès des populations qui gagneraient le plus à en bénéficier. Par Clarisse Treilles. Publié le 09 avril 2025 à 18h04 - Mis à jour le 11 avril 2025 à 18h08 Ressources Auditionné devant la commission des Affaires sociales du Sénat mardi 8 avril 2025, Bernard Lejeune, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a présenté un marché de la téléconsultation en perte de vitesse en France, avec 11,5 millions d’actes recensés en 2023 (soit 3% des activités en médecine de ville) contre 18,6 millions en 2020, au pic de la crise sanitaire. “Nous observons une chute plus sévère du côté des médecins généralistes libéraux, avec une montée des plateformes relative” a-t-il indiqué. Cette tendance à la baisse ne se reflète pas nécessairement à l’étranger, comme au Danemark, où la téléconsultation fait partie d’une stratégie coordonnée du gouvernement pour inciter les médecins à prendre en charge les patients à distance. En 2023, les montants remboursés des téléconsultations ne représentaient que 3 % des remboursements de l’ensemble des consultations (contre 5,5 % en 2020), à savoir 266 M€ sur 8,1 Mds €. En France, la téléconsultation semble d’abord être l’apanage des jeunes urbains, comme le souligne la Cour des comptes. L’Ile-de-France est concernée au premier chef, avec une moyenne de 10,5% de téléconsultations réalisées dans la région, un chiffre révélateur de l’enjeu de désert médical. “La téléconsultation pourrait être une réponse dans les territoires où nous manquons de médecins. Les conventions entre la Cnam et les professions libérales définissent bien la téléconsultation, mais nous avons constaté qu’elles étaient peu utilisées dans les zones prioritaires par les généralistes et les spécialistes”, évoque Bernard Lejeune. La Cour des comptes recommande dans son rapport un assouplissement des règles de territorialité dans les zones “sous-denses”, dans lesquelles peu de médecins résident. Pour piloter les actions au niveau national, la Cour des comptes encourage l’adoption d’une “nouvelle stratégie autour de la téléconsultation”, avec la définition “d’objectifs prioritaires poursuivis, associés à des indicateurs de résultats”. Des assises de la téléconsultation, appelées de ses vœux par la Cnam en juillet 2024, devraient avoir lieu à l’été 2025. Un remède aux situations d’urgence ? La Cour des comptes fait aussi valoir le rôle à jouer de la téléconsultation dans les situations prioritaires, comme les urgences. “Le fait de passer par des médecins en téléconsultation permet, parfois, d’éviter d’aller aux urgences. Mais nous disposons de très peu d’études sur le sujet. Nous avons calculé que près de 19 à 30% de téléconsultations, dont certaines plutôt le soir et le week-end, permettraient d’éviter les urgences” indique Bernard Lejeune. La Cour des comptes estime que si 10% des téléconsultations réalisées contribuent à éviter les urgences, l’Assurance maladie pourrait économiser jusqu’à 113 millions d’euros. Alors que de plus en plus de Français n’ont pas de médecins traitants, 7% d’entre eux accèdent à un médecin libéral. La Cour des comptes estime que la téléconsultation pourrait être privilégiée pour ces cas de figure. Près de 19% des patients aujourd’hui qui passent par les plateformes de téléconsultation n’ont pas de médecin traitant (le recours à ces plateformes est utilisé par exemple pour le renouvellement d’ordonnance, les arrêts de travail, les consultations le week-end ou les jours fériés, etc.). Le modèle tarifaire décroche Remontant au 15 septembre 2018, la tarification des téléconsultations est récente mais a déjà connu d’importantes évolutions. La Cour des comptes pointe un “décrochage” depuis le 1er novembre 2023, date à laquelle le tarif de consultation d’un médecin généraliste a atteint 26,50 € (30 € à compter du 22 décembre 2024), alors que celui d’une téléconsultation est resté inchangé à 25 €. “Ce décrochage n’est pas illégitime au vu du temps médical qui est de 9 minutes en moyenne pour une téléconsultation, contre 16 en cabinet” considère Bernard Lejeune. Si cette différence se retrouve également en Allemagne, d’autres pays, comme le Danemark, appliquent des tarifs inverses : la téléconsultation y est mieux rémunérée que la consultation. Par ailleurs, la restriction des majorations devient un handicap dans la pratique, car “un tiers des majorations sont faites par les téléconsultations” précise Bernard Lejeune. Les cotations d’urgence sont utilisées la nuit et le week-end, lorsque la consultation médicale a lieu sur certaines plages horaires. Avec la convention médicale en vigueur qui organise les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie, cette majoration disparaît. Nouvelle convention médicale : quel impact pour les actes de téléconsultation ? La Cnam a mis en place des aides dédiées aux équipements de vidéotransmission et aux appareils médicaux connectés. Pour les médecins, “la Cnam a versé 18,2 millions d’euros à cet effet en 2023, précise Bernard Lejeune, et pour les pharmaciens titulaires d’officine, la Cnam a versé 3,8 millions d’euros en 2023 pour les accompagner”. La Cour des comptes juge que ces aides “gagneraient à être recentrées sur les zones d’intervention prioritaire”. Elle note que les agences régionales de santé financent pour l’heure des expérimentations dont les résultats sont “peu probants” et dont le coût est élevé. “Ces expérimentations sont réalisées sans réflexion d’ensemble sur le public et les territoires” constate Bernard Lejeune. La Cour invite le ministère et les ARS à “recentrer les expérimentations sur les projets les plus à même de déboucher sur des dispositifs généralisables à coût maîtrisé pour les acteurs publics, administrations publiques locales comprises, au regard des actes susceptibles d’être dispensés”. La filière se structure En avril 2024, Medadom était le premier acteur à avoir obtenu l’agrément des sociétés de téléconsultation délivré par le ministère de la Santé. Qare, Medaviz, Tessan Med et Livi ont depuis rejoint la liste. Cet agrément permet aux sociétés de téléconsultation de facturer à l’Assurance maladie les téléconsultations réalisées par leurs médecins salariés. Des contrôles de la Cnam et de la DGCCRF sont réalisés notamment sur le plafond des 20% de l’activité et la facturation des jours fériés et des week-end, et quelques plateformes ont pu être rappelées à l’ordre déjà. Le modèle économique de ces sociétés reste encore fragile, en atteste le placement en liquidation judiciaire de la société H4D en septembre 2024, qui était présente dès 2008 sur le marché des cabines de télémédecine. Les sociétés de consultation n’ont pas seulement perdu en chiffre d’affaires depuis 2020, elles ont aussi perdu des aides et des soutiens à l’investissement, observe le rapport de la Cour des comptes. Agrément ministériel : quel impact pour les sociétés de téléconsultation ? Quels modèles existent en France ? La Cour des comptes relève quatre modèles de téléconsultation qui coexistent en 2025. “Le modèle de l’exercice libéral avec une solution numérique” : lorsque le patient est en contact direct à distance avec un médecin, souvent son médecin traitant. Doctolib, Maiia, Hellocare et MonDocteur font partie de cette catégorie. “Le modèle de la société de téléconsultation non assistée” : lorsque le patient entre en contact avec un médecin salarié via une plateforme. Les sociétés Qare (qui a intégré la société britannique HealthHero en 2021), Livi (filiale de la société suédoise Kry) et MédecinDirect (filiale de l’Américaine Teladoc depuis 2019) proposent ce modèle. Le modèle de la téléconsultation assistée” : lorsque le médecin à distance bénéficie de l’assistance d’un autre professionnel de santé avec le patient (il s’agit essentiellement d’un pharmacien d’officine ou d’une infirmière). Medadom (qui souhaite notamment accélérer sur la téléophtalmologie) et Tessan sont sur ce modèle. “Le modèle à double stratégie” : les mutuelles proposent des téléconsultations à leurs adhérents via des sociétés de téléconsultation. Clarisse Treilles IndicateurParcours de soinsplateformePolitique de santéRèglementairetéléconsultationTélémédecine Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind