Accueil > Financement et politiques publiques > PECAN : un avis défavorable de la HAS pour le premier dossier DTx PECAN : un avis défavorable de la HAS pour le premier dossier DTx Le 2 août dernier, la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS) de la Haute Autorité de santé a émis un avis défavorable à la prise en charge anticipée numérique (PECAN) d’HelloBetter Insomnie. mind Health en dévoile les raisons et a interrogé Daphné Petrich, la directrice France d’HelloBetter, sur la stratégie de la DTx. Par Coralie Baumard. Publié le 14 août 2024 à 8h00 - Mis à jour le 27 août 2024 à 17h16 Ressources Le premier refus pour le remboursement d’une thérapie numérique (DTx) a été prononcé. Le 2 août, la Haute Autorité de santé (HAS) a mis en ligne l’avis défavorable de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS) à la prise en charge anticipée numérique (PECAN) d’HelloBetter Insomnie. La start-up basée à Berlin est la première entreprise développant des DTx à avoir déposé une demande de PECAN depuis la création du dispositif par l’article 58 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022. La procédure d’obtention de la prise en charge anticipée a été précisée dans le décret n° 2023-232 du 30 mars 2023 et les tarifs fixés pour les DTx par l’arrêté paru au Journal officiel le 26 avril 2024. Pour rappel, la PECAN vise à accélérer l’accès au marché des dispositifs médicaux numériques (DMN) de télésurveillance ou à visée thérapeutique en leur permettant de bénéficier d’un remboursement dérogatoire de l’Assurance Maladie pour une durée d’un an non renouvelable. Deux critères d’éligibilité ont été définis : le DMN bénéficie du marquage CE dans l’indication revendiquée et doit être présumé innovant, notamment en termes de bénéfice clinique ou de progrès dans l’organisation des soins. Le délai pour l’évaluation de la CNEDiMTS, et en parallèle celle de l’ANS pour le certificat de conformité au référentiel d’interopérabilité et de sécurité, est fixé à 60 jours avec une suspension maximum de 30 jours. Le délai pour publier l’arrêté du ministère validant la PECAN est de 30 jours. Les entreprises obtenant la PECAN s’engagent à faire une demande d’inscription sur la liste des activités de télésurveillance médicale (LATM) dans un délai de neuf mois ou sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) dans un délai de six mois pour les DTx. Du DiGA à la PECAN Spin-off universitaire fondée en 2015, HelloBetter a six thérapies numériques spécialisées dans le domaine de la santé mentale (Stress et burn-out ; Insomnie ; Trouble panique ; Diabète et dépression ; Douleur chronique ; Vaginisme) enregistrées sur le DiGA, le système de remboursement mis en place en Allemagne. Toutes bénéficient d’un remboursement permanent à l’exception d’HelloBetter Insomnie inscrite pour le moment jusqu’au 17 décembre 2024. “Au lancement officiel de PECAN, nous avons décidé de focaliser notre stratégie d’internalisation sur la France car cette prise en charge a été développée en s’inspirant du DiGA. Nous avons observé beaucoup de similarités avec ce que nous avions construit en Allemagne et nous sommes dits que cela était très prometteur”, explique Daphné Petrich, directrice France d’HelloBetter, à mind Health. En octobre dernier, l’entreprise décide donc de préparer une demande de prise en charge anticipée pour HelloBetter Insomnie. “Nous avons sélectionné cette thérapie car nous avons une étude clinique contrôlée randomisée en cours qui nous permettait d’être éligible à la PECAN et que nous avions plusieurs essais déjà publiés. Cette forte base de preuves allait ensuite nous permettre de bien nous positionner pour un dépôt LPPR”, précise Daphné Petrich. La HAS sanctionne l’absence de diagnostic clinique confirmé Daphné Petrich, directrice France de HelloBetter. Pour préparer sa demande, HelloBetter a mis en place un task force interne de six personnes. “Il ne s’agit pas juste de préparer un dossier de prise en charge. Il faut traduire le dispositif médical et s’assurer que la traduction soit bonne sur le plan utilisateur comme sur le plan clinique : le contenu est-il aussi facile à comprendre pour une personne allemande qu’une personne française et préserve-t-il tous les principes thérapeutiques actifs ? Ensuite, il faut s’intéresser au processus de distribution : comment est-ce que les professionnels de santé comprennent et connaissent les thérapies numériques ? Comment vont-ils prescrire ? En France, se pose également le sujet des mutuelles qui n’existent pas en Allemagne”, détaille la directrice France d’HelloBetter. L’entreprise a collaboré avec des cliniciens, des associations de patients et des sociétés savantes pour élaborer sa demande. Déposé en avril, le dossier a été examiné par la CNEDiMTS le 23 juillet 2024. Dans son avis, la Commission motive son refus en s’appuyant sur différents arguments. Elle souligne notamment que les études fournies concernent les précédentes versions d’HelloBetter et non celle faisant l’objet de la demande. La CNEDiMTS constate également que l’imputabilité de l’effet observé au traitement est “délicate compte tenu de l’absence de description des traitements hypnotiques pris concomitamment et de l’évolution de leur posologie au cours du temps dans chaque groupe de traitement”. Elle pointe également “une limite majeure commune (…) l’absence de diagnostic clinique confirmé d’insomnie chronique”. Concernant l’étude en cours, la Commission indique que l’hypothèse de l’impact organisationnel n’est pas testée dans le protocole fourni. Elle estime que le comparateur n’est pas le traitement de référence et que l’étude “ne permettra pas d’apporter des données suffisantes pour que la CNEDiMTS puisse rendre un avis ultérieur à la demande de prise en charge au titre de la LPPR dans les délais impartis.” PECAN : l’angle mort de la phase contradictoire “PECAN se distingue par son processus d’évaluation accéléré, promettant une évaluation de la HAS en trois mois. Il offre aux industriels la possibilité d’être remboursés sur la base de résultats cliniques prometteurs (présomption d’innovation), avec une étude en cours qui touche bientôt à sa fin. La promesse de PECAN est extrêmement attractive pour les petites structures comme la nôtre. Cependant, nous déplorons l’absence de possibilité de présenter des arguments en réponse aux incertitudes soulevées par la CNEDIMTS. Par exemple, une phase contradictoire avec la HAS, comme cela est possible sous le régime LPPR, aurait pu nous permettre de mieux éclaircir certains points”, regrette Daphné Petrich. Elle rappelait dans un post LinkedIn qu’en Allemagne les “deficiency letters” (lettres de carence ndlr) permettent de tels échanges. Interrogé par mind Health sur une possible évolution de la procédure, la HAS a indiqué que “la procédure d’obtention de la prise en charge anticipée, (…) a été élaborée par le ministère, et non par la HAS. Le législateur a fait le choix de ne pas prévoir de phase contradictoire pour réduire les délais d’évaluation.” “En tant que premier dossier à passer par PECAN, nous avons consacré beaucoup de temps à comprendre les lois et les directives de la HAS. L’avis nous fait constater que certaines zones d’ombre subsistent, ce qui a conduit à différentes interprétations. Nous espérons que cette première étude de cas permettra aux fabricants de DTx ainsi qu’aux autorités réglementaires de s’accorder sur une interprétation commune des lignes directrices. Les évaluateurs doivent également comprendre nos possibilités de présentation de preuves cliniques. Nous ne sommes pas des pharmas, nous avons une modalité de traitement différente et nous n’avons pas les mêmes budgets, notre niveau de preuve va donc lui aussi être différent”, juge la directrice France de HelloBetter. Elle pointe également la moindre reconnaissance des DTx en France par rapport à la télésurveillance. “En Allemagne la situation est inversée. Les thérapies numériques sont reconnues et les solutions de télésurveillance n’ont pas encore de voie de remboursement. Dans les années à venir, je pense que l’on verra une convergence, les Allemands vont intégrer plus de solutions de télésurveillance et la France va s’acculturer aux thérapies numériques”, estime-t-elle. DTx : l’écosystème franco-allemand se met en ordre de marche L’entreprise ne souhaite pas redéposer un dossier dans l’immédiat. “Malgré ce début difficile, nous restons optimistes quant au potentiel de PECAN, en nous rappelant les débuts tumultueux de DiGA. Ma priorité va être de rapprocher les visions de l’écosystème DTx, nous faisons partie de la task force DTx au sein de France Biotech, et des autorités réglementaires. Cet automne, j’espère engager des discussions constructives avec les différents acteurs de l’écosystème pour investir dans la réussite de PECAN”, assure Daphné Petrich. Obtenir la PECAN est la condition sine qua non pour qu’HelloBetter se lance sur le marché français. Les chiffres clés d’HelloBetter 157 salariés 25 M€ de fonds levés dont 12 M€ en 2023 Plus de 33 essais randomisés contrôlés publiés 6 thérapies inscrites au DiGA dont 5 permanentes Plus de 34,000 patients ont commencé une thérapie HelloBetter sous ordonnance de leur médecin Plus de 12,000 professionnels de santé qui ont prescrit une thérapie numérique HelloBetter 1 thérapie a obtenu la “Breakthrough Device Designation” de la FDA (HelloBetter Panic) en 2023 Coralie Baumard Essais cliniquesRemboursementsanté numériquestart-upThérapie digitale Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Guillaume Gaud (Continuum+) : “Aujourd'hui, nous sommes arrivés à un stade de maturité” Continuum +, deuxième solution à obtenir la PECAN PECAN : quatre avis émis par la HAS Pecan : le tarif pour les DTx est connu TENDANCES 2024 - PECAN et droit commun : le marché de la télésurveillance se consolide analyses Les DTx, un marché encore fragile aux États-Unis DiGA, le laboratoire allemand des DTx