Accueil > Financement et politiques publiques > SNDS : quelles données sont convoitées, à quelles fins et avec quels délais de traitement ? SNDS : quelles données sont convoitées, à quelles fins et avec quels délais de traitement ? Regroupant les données de près de 68 millions de citoyens, le Système national des données de santé (SNDS) représente une véritable aubaine pour tous les acteurs (industriels, CRO, académiques) qui souhaitent mener des études cliniques, des études de risque, des analyses d'impact, des campagnes de prévention ciblées, etc. La cellule Data de mind Health a eu accès, auprès du Health Data Hub (HDH), au fichier détaillant l'ensemble des demandes d'accès à cette base, ainsi qu'à l'ensemble des sources (dossiers médicaux, registres, cohortes...) de données dont le HDH gère l'accès. Intéressons-nous, dans le second volet de ce dossier, à la nature des données convoitées et aux délais de traitement des dossiers. Par Aymeric Marolleau, Coralie Baumard, Clarisse Treilles et Romain Bonfillon. Publié le 02 octobre 2023 à 16h30 - Mis à jour le 09 janvier 2024 à 16h12 Ressources Cet article est le deuxième d’un dossier en deux parties consacré à l’analyse du répertoire des demandes d’accès au SNDS déposées auprès du Health Data Hub (HDH) depuis 2017. La semaine dernière : quels types d’acteurs déposent des demandes auprès du HDH ? Quels sont les industriels qui en ont déposés le plus ? Quels sont les CRO les plus actifs ? Avec quels industriels ces CRO travaillent-ils ? Cette semaine : quelles données sont convoitées ? Quels objectifs ces études poursuivent-elles ? Quelle est l’issue des demandes ? Quels sont les délais de traitement des dossiers ? Comme mind Health l’a montré dans la première partie de ce dossier, à partir de l’analyse du répertoire public du Health Data Hub (HDH), plus de 7 000 demandes d’accès à des données de santé lui ont été notifiées depuis 2017, principalement par des établissements de soins et des industriels de santé, souvent accompagnés par des CRO. Le répertoire public des projets ne recense pas seulement les demandes d’accès au SNDS, mais toutes celles qui portent sur des données de santé dès lors qu’elles nécessitent l’accord du CESREES et/ou de la CNIL, ou qu’elles font l’objet d’une procédure simplifiée dans le cadre de laquelle les porteurs de projet doivent détailler leur demande dans le répertoire public. Cela recouvre donc la consultation de dossiers médicaux, le lancement d’enquêtes (passation de questionnaires à des patients), les cohortes (suivre une population dans le temps, sur un territoire précis), les registres (recenser le parcours de soin pour une pathologie précise, sur un périmètre local, régional ou national), ou autres (données issues de dispositifs médicaux, statistiques publiques, etc.). Parmi toutes les demandes d’accès aux données présentes dans le répertoire du HDH, quelles sources apparaissent comme les plus convoitées ? Il s’agit des dossiers médicaux des patients (55 % des requêtes), devant le SNDS (10 %) et le PMSI seul (8 %), c’est-à-dire les données des hôpitaux (voir encadré). Dans notre espace Data, consultez la liste des demandes d’accès à des données de santé déposées auprès du Health Data Hub Quelles données le SNDS contient-il ? Le Système national des données de santé (SNDS) est alimenté par cinq sources de données : Les données de l’assurance maladie, c’est-à-dire la base SNIIRAM (pour Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie), gérée par la Cnam. Cette base regroupe les informations issues des remboursements effectués par l’ensemble des régimes d’assurance maladie pour les soins du secteur médical. Les données des hôpitaux, c’est-à-dire la base PMSI (pour Programme de médicalisation des systèmes d’information), gérée par l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (Atih). Cette base contient l’ensemble des données relatives aux hospitalisations en médecine, chirurgie et obstétrique, en soins de suite et réadaptation, en psychiatrie et les hospitalisations à domicile. Les causes médicales de décès, c’est-à-dire la base CépiDC, élaborée par l’Inserm en collaboration avec l’Insee, sont disponibles dans le SNDS depuis le deuxième semestre 2017. Deux de ses objectifs sont d’étudier l’évolution de la mortalité en France et de faire des comparaisons internationales. Les données relatives au handicap, en provenance des maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH) et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), ne sont pas encore disponibles dans le SNDS. Elles devraient l’être fin 2023. L’échantillon des données du SNDS (ESND), qui remplace depuis janvier 2023 l’échantillon généraliste des bénéficiaires (EGB) du SNIIRAM. Le nouvel échantillon des données du SNDS, de taille plus importante que le précédent, rassemble les parcours de soins en ville (base du SNIIRAM) et à l’hôpital (base du PMSI) de 2 % de la population présente dans la base principale du SNDS. L’utilisation de cet échantillon permet notamment de “mieux connaître et comprendre le recours aux soins, les trajectoires de soins et les dépenses de santé des assurés sur une période donnée”, selon la CNIL. Plus de précisions sur le site du Health Data Hub. Le répertoire public des projets ne recense pas seulement les demandes d’accès au SNDS, mais toutes celles qui portent sur des données de santé dès lors qu’elles nécessitent l’accord du CESREES et/ou de la CNIL, ou qu’elles font l’objet d’une procédure simplifiée dans le cadre de laquelle les porteurs de projet doivent détailler leur demande dans le répertoire public. Cela recouvre donc la consultation de dossiers médicaux, le lancement d’enquêtes (passation de questionnaires à des patients), les cohortes (suivre une population dans le temps, sur un territoire précis), les registres (recenser le parcours de soin pour une pathologie précise, sur un périmètre local, régional ou national), ou autres (données issues de dispositifs médicaux, statistiques publiques, etc.). Pourquoi un tel intérêt pour les dossiers médicaux ? “Parce que les données qu’ils renferment sont beaucoup plus fines que celles des bases disponibles au sein du SNDS, explique Alexandre Vainchtock, cofondateur et directeur associé du cabinet d’étude HEVA. Certes, celles de l’Assurance maladie couvrent 68 millions d’individus et 95 % des soins remboursés par la Sécurité sociale, et permettent de connaître l’historique du parcours d’un patient (son passage chez un pneumologue, un oncologue…) mais cela reste des données de remboursement. Par exemple, elles permettent de savoir qu’une personne est allée consulter un médecin généraliste, puis qu’elle s’est rendue dans une pharmacie qui lui a délivré du paracétamol ou du Rhinofluimucil. Mais seuls les dossiers médicaux permettent de savoir qu’il s’agissait de soigner une rhinite, une rhinopharyngite, une grippe ou une bronchite.” Pour obtenir une vision complète de la prise en charge des patients, les professionnels interrogés placent donc beaucoup d’espoir dans l’appariement des données du SNDS avec celles issues des dossiers patients et des registres cliniques. L’entreprise de télésurveillance bordelaise Satelia (NP Medical) a eu recours à l’appariement de données pour démontrer les gains médico-économiques de sa solution, baptisée Satelia Cardio. En pratique, les données de 5 000 patients insuffisants cardiaques suivis par le dispositif de Satelia ont été couplées aux données de 15 000 patients du SNDS. “Notre objectif est de démontrer le bénéfice médico-économique de notre solution en analysant la réduction des coûts d’hospitalisation des patients que nous suivons. Cette étude nous aide dans nos démarches pour obtenir un remboursement. C’est aussi un atout majeur pour nous implanter dans d’autres pays européens”, explique Nicolas Pagès, cofondateur et CEO de la start-up. NP Medical a déposé sa demande auprès du HDH en décembre 2021 et a obtenu l’autorisation de la Cnil en juin 2022. La société est accompagnée par le cabinet d’étude Horiana. L’appariement avec les dossiers médicaux est également un passage obligé pour publier dans certaines revues scientifiques, selon Pierre Hornus, CEO de Sêmeia, une entreprise spécialisée dans la télésurveillance ayant effectué une quinzaine de demandes d’accès au SNDS. “Nous publions facilement dans des revues spécialisées en intelligence artificielle car le volume des données du SNDS nous permet de produire des modèles complexes. Mais pour les revues scientifiques, l’absence de données cliniques est un frein, c’est pourquoi nous couplons ces données avec celles issues de CHU.” Dans le détail, les établissements de soins sont particulièrement intéressés par les dossiers médicaux, tandis que les demandes des industriels de santé concernent aussi beaucoup les données hospitalières seules et le SNDS. Une seule demande recensée concerne la base OSCOUR des passages aux urgences. Elle a été déposée en mai 2020 par le ministère de la Santé pour “analyser le recours aux soins et le suivi de la crise sanitaire du Covid-19”. Les données de Si-DEP (système d’information et de dépistage), qui contiennent des informations, notamment, sur les personnes ayant fait l’objet d’un examen de dépistage virologique ou sérologique de la covid-19, ont été demandées en février 2023 par le Centre Hospitalier du Bassin de Thau pour vérifier les “intérêts d’une consultation de vaccination pour les patients en post-hospitalisation”. Quels objectifs ces études poursuivent-elles ? Les responsables de traitement indiquent parfois, au moment de formuler leur demande, l’objectif poursuivi par leur étude. Malheureusement, cette information n’est renseignée que dans un cas sur deux. Lorsqu’elle l’est, il s’agit surtout d’étudier la prise en charge des patients, la “prévention et traitement”, et les diagnostics. Quelle issue pour les demandes ? Depuis 2019, le Health Data Hub reçoit donc les demandes d’accès au SNDS, les transmet pour avis au CESREES, puis à la Cnil pour autorisation. Il s’agit de la procédure standard dite HDH – CESREES – Cnil. Toutefois, l’analyse des données du répertoire montre que dans près de 70 % des cas, les demandeurs ont préféré avoir recours à une “Méthodologie de référence” (MR). Il s’agit d’une procédure simplifiée où le responsable de traitement n’adresse à la Cnil qu’un engagement de conformité à la méthodologie, au lieu d’une demande d’autorisation, dont le circuit peut prendre plusieurs mois (voir plus loin). Le Health Data Hub précise sur son site qu’“en contrepartie de cet allégement des formalités d’accès, le responsable de traitement doit tenir à jour une liste des traitements qu’il réalise, sous couvert de son engagement de conformité, et doit les enregistrer dans [le] répertoire public tenu par le Health Data Hub.” Valérie Edel, directrice du guichet du Health Data Hub Les méthodologies de référence sont particulièrement utilisées pour accéder aux données de santé, notamment celles des hôpitaux, précise Valérie Edel, directrice du guichet du Health Data Hub. “Ces méthodologies permettent par exemple de mettre en œuvre des études sans autorisation Cnil dès lors qu’elles respectent l’ensemble des dispositions listées dans ces référentiels. Ces études sont souvent circonscrites et réalisées sur des délais courts, et permettent de mettre en œuvre des traitements sur des registres, des cohortes, voire des dossiers médicaux, dès lors que les établissements de santé sont en capacité d’informer individuellement l’ensemble des patients concernés”, explique-t-elle. Toutefois, ces procédures simplifiées comportent des limites : “Les méthodologies de référence ne couvrent pas l’accès aux données de la base principale du SNDS en tant que telle, ni les projets pour lesquels un appariement vers d’autres sources est nécessaire. Dès lors qu’un chaînage entre une source de données et la base principale du SNDS est requis, une autorisation Cnil est nécessaire” souligne Valérie Edel. Même simplifiée, la procédure MR demande quelques ajustements du côté des CRO : “En pratique, nous avons signé une convention avec l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), qui gère le PMSI, de façon à être considérés comme un bureau d’étude agréé, explique Alexandre Vainchtock, de HEVA. À chaque demande d’un client concernant le PMSI, nous nous assurons que les finalités poursuivies par l’étude sont conformes à la réglementation, et qu’il s’est déclaré conforme à la méthodologie de référence 6 (MR 006). Il reçoit ensuite un récépissé et signe à son tour une convention avec l’ATIH. Nous rédigeons alors un protocole et un résumé de l’étude que nous déposons au Health Data Hub. Nous pouvons alors commencer à consulter et analyser les données du PMSI, sans avoir à demander l’autorisation du CESREES ou de la Cnil et sans passer par la Cnam.” Une minorité de projets suivent donc la procédure standard HDH – CESREES – Cnil. Cette dernière a attribué une “autorisation propre au projet” à 13,5 % des demandes. Et 901 demandes n’ont pas été obtenues, ont été classées sans suite ou requalifiées, soit près de 12 % d’entre elles. L’État et une soixantaine de ses agences, établissements publics et organismes chargés d’une mission de service public bénéficient d’un accès permanent au SNDS, avec des listes de produits et une profondeur d’historique variables. 11,6 % des demandes des établissements de soins ont essuyé un refus, contre 5,6 % pour les industriels de santé. Les avis défavorables sont généralement prononcés par le CESREES “après un deuxième, voire un troisième examen” souligne Valérie Edel, qui rappelle que les avis rendus par le comité sont toujours formalisés. “Les projets refusés présentent souvent des manquements de méthodologies ainsi que des biais de population majeurs” justifie-t-elle. Lorsque le comité éthique et scientifique rend un avis “réservé”, il apporte “un ensemble de points d’attention à la connaissance du porteur de projet, s’agissant d’un doute sur sa finalité, les objectifs poursuivis ou bien la méthodologie employée” note Valérie Edel. Libre alors aux candidats de soumettre un nouveau projet qui tienne compte de ces conseils formulés, sous peine de se voir refuser définitivement l’accès. La Cnil suit généralement les avis rendus par le CESREES. La Commission nationale informatique et libertés a ainsi accordé une autorisation à 430 projets qui avaient reçu un avis favorable du Comité éthique et scientifique, pour neuf refus. Seuls deux projets pour lesquels le comité a émis un avis défavorable ont reçu une autorisation de la commission. Outre celui du groupe hospitalier Paris Saint Joseph, détaillé plus loin, il s’agit d’une demande présentée par le magazine Le Point en décembre 2019 d’accéder au PMSI afin de réaliser son traditionnel palmarès des hôpitaux et cliniques. En novembre 2022, la Cnil lui en a finalement retiré l’accès. Il semble que la plupart des projets qui essuient un avis défavorable ne poursuivent pas leurs démarches au-delà. Quels délais de traitement des dossiers ? Dans le cas des “méthodologies de référence”, – des “EGB simplifiées”, désormais nommé “ESND”, pour échantillon SNDS – qui permettent d’accéder aux données dans un délai de 15 jours – et lorsque le demandeur a un accès permanent au SNDS, seule la date de dépôt de la demande auprès du Health Data Hub est indiquée dans le répertoire. Pour les autres, dont ceux qui ont reçu une “autorisation Cnil propre au projet” ou un refus, il est parfois possible de calculer les délais de traitements en comparant les dates de dépôt, de complétude du dossier, de transmission au CESREES, celle où le CESREES a rendu son avis, puis celui où la demande a été envoyée à la Cnil, et enfin la date où le responsable de traitement et/ou son responsable de mise en œuvre ont finalement eu accès aux données. Il est toutefois important de noter que toutes ces dates ne sont pas renseignées pour toutes les demandes. Les calculs ci-dessous s’appuient donc uniquement sur les données disponibles dans le répertoire. Entre le dépôt de la demande auprès du Health Data Hub et la mise à disposition des données, il s’écoule en moyenne 424 jours, soit environ 14 mois. Le délai le plus courant est de 295 jours (près de 10 mois) et le délai maximum observé est de 1 241 jours, soit plus de 3 ans. Il s’agit d’une demande déposée par le Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph en juin 2018, visant à évaluer un programme d’accompagnement de retour à domicile chez des sujets hospitalisés pour insuffisance cardiaque. Bien qu’il ait essuyé un avis défavorable du CESREES en décembre 2018, la Cnil lui a accordé une autorisation le 29 octobre 2020, mais il n’a finalement eu accès au SNDS qu’en novembre 2021, selon le répertoire des projets. Avec une moyenne de 325 jours, c’est la période qui sépare le transfert de la demande à la Cnil de la mise à disposition des données par la Cnam qui est la plus longue. Combien de temps la Cnil, qui dispose de deux mois renouvelables, met-elle à rendre sa décision ? Le répertoire public des projets ne permet pas de répondre à cette question. Toutefois, un récent rapport sénatorial sur les données de santé constate que les délais ont surtout une dangereuse tendance à s’allonger après la décision de la Commission, lorsque la Caisse nationale d’assurance maladie doit donner l’accès effectif aux données. “Si le CESREES et la Cnil parviennent globalement à respecter les délais qui leur sont impartis, la mise à disposition, par la Cnam, de ses données peut prendre entre 10 et 12 mois” notent les membres de la commission des Affaires Sociales. “Compte tenu des moyens dont elle dispose, la Cnam ne peut pas répondre à toutes les demandes” Alexandre Vainchtock, cofondateur et directeur associé du cabinet d’étude HEVA “Compte tenu des moyens dont elle dispose, la Cnam ne peut pas répondre à toutes les demandes”, regrette Alexandre Vainchtock, de HEVA. “Si le HDH obtenait une copie de la base principale du SNDS, il nous serait aussi possible de mettre les données à disposition, et cela réduirait les délais”, souligne Valérie Edel. Problème : le sujet est au point mort après que le HDH a retiré sa demande d’autorisation auprès de la Cnil en janvier 2022, et en l’absence de la publication du référentiel de sécurité du SNDS à jour. Sans compter qu’une solution d’hébergement souveraine fait toujours défaut à la plateforme, dont le choix de Microsoft Azure est pointé du doigt dans le débat public autour du cloud de confiance. Au-delà des délais, les industriels ont parfois du mal à anticiper les exigences des évaluateurs en fonction des projets. “Lors de l’évaluation par le comité éthique et scientifique des recherches, études et évaluations en santé (CESREES), nous devons expliquer ce que nous faisons mais aussi pour quelles raisons des hôpitaux nous donnent des données supplémentaires ? Comment cela fonctionne ? Il faut se mettre d’accord avec les hôpitaux pour faire le protocole et l’expliquer, détaille Pierre Hornus, le CEO de Sêmeia. Sauf qu’au CESREES, il n’y a pas vraiment d’homogénéité d’analyse, le même dossier n’aura pas forcément la même réponse, selon la personne qui l’étudie. Certains vont demander des précisions sur le modèle mathématique, d’autres sur le RGPD ou l’exploitation des données, il est difficile de savoir ce qu’il faut détailler ou non. Il peut y avoir trois ou quatre allers-retours. Au niveau de la Cnil aussi, cela peut devenir compliqué, il est arrivé que nous n’ayons pas de retour sur certains projets. Certes, au bout de quatre mois sans réponse, nous bénéficions d’un accord tacite, mais la Cnam demande alors une attestation d’accord tacite signée par les responsables de traitement attestant que nous n’avons pas reçu d’accord, ce qui n’est pas très sécurisant pour l’Assurance maladie.” L’appariement des données peut également complexifier la procédure. “De plus, les conventions d’appariement peuvent être tripartites, voire quadripatrites, ce qui ne simplifie pas la compréhension pour la Cnam. Sur de tels dossiers, le délai de traitement des demandes s’échelonne entre 18 mois et deux ans. Pour les médecins avec lesquels nous travaillons, c’est une situation incompréhensible, d’autant qu’il arrive parfois que cela leur porte préjudice, car des chercheurs d’autres pays vont ainsi réussir à publier avant eux”, explique Pierre Hornus. Sylvie Troy constate également que ces délais ont un impact sur la compétitivité française : “ Nous ne sommes plus dans un monde franco-français mais dans un univers où le développement d’une spécialité, d’un médicament est mondial et nous avons besoins des données à toutes les étapes : en amont de la solution thérapeutique et après, dans le cadre de son suivi. Dans certains cas, nos collègues à l’international vont privilégier des bases d’autres pays car elles sont accessibles plus rapidement”, ajoute Sylvie Troy. Pour une start-up, ce délai peut également avoir des conséquences financières non négligeables. “Nous avons fait face à un retard de neuf mois au total sur les délais annoncés, cela nous a fortement affecté et nous a obligé à emprunter de manière importante auprès de fonds d’investissement ou de banques”, indique Nicolas Pagès. Le HDH travaille à la mise en place d’un concentrateur pour “industrialiser les appariements et l’exercice des droits” Valérie Edel, directrice du guichet du Health Data Hub Dès lors, comment accélérer l’accès à ces données ? En attendant de pouvoir tirer parti de son rôle d’hébergeur d’une copie de la base du SNDS, le HDH ne reste pas inactif. La plateforme a noué avec la Cnam un partenariat dans le cadre duquel le HDH mobilise quelques collaborateurs, qui ne sont pas mis à disposition de la Cnam à 100% et dont le temps de travail auprès de la cellule DEMEX évolue selon la charge de travail (nombre de demandes d’extractions, complexité de la tâche, etc.) indique Valérie Edel. “En échange, dit-elle, les collaborateurs du HDH se forment auprès des experts de la Cnam”. Le HDH travaille également à la mise en place d’un concentrateur pour “industrialiser les appariements et l’exercice des droits”, poursuit la responsable. “En attendant que le HDH puisse jouer son rôle, il faudrait que les acteurs privés agréés par la Cnil et reconnus par la communauté scientifique, aient un accès permanent au même titre que les acteurs publics. Je ne vois pas en quoi des CRO comme Horiana, IQVIA, Cemka ou HEVA sont moins légitimes qu’une structure comme EPI-PHARE (un groupement d’intérêt scientifique constitué par l’ANSM et la Cnam pour apporter une expertise publique en épidémiologie des produits de santé, ndlr) pour avoir un accès permanent aux données du SNDS”, considère Alexandre Vainchtock. Également Membre Personnalité Qualifiée de l’AG du HDH et responsable du groupe données de santé en vie réelle de l’AFCROs, il doute de la volonté politique d’élargir l’accès aux acteurs privés. “Cela va faire 10 ans que les discussions ont débuté, en amont de la loi Touraine (2014) et j’ai l’impression de ne pas être entendu. Nous prenons du retard par rapport à nos voisins”, désespère-t-il. Lorsqu’il nous arrive dans un congrès européen de discuter avec des industriels et de leur expliquer le temps qu’il faut pour accéder à nos données nationales de santé, ils nous répondent qu’ils vont “finalement travailler avec un registre” (une base anonymisée et sécurisée de données nominatives, ciblant généralement une pathologie précise dans une population géographiquement définie, à des fins de recherche et de santé publique, ndlr). C’est moins exhaustif mais cela a le mérite d’être accessible tout de suite, sur étagère”. “L’absence de visibilité sur les délais d’accès ou de mise à disposition peut effrayer, voire conduire les porteurs de projet à se détourner de cette source” reconnaît Valérie Edel. C’est le cas notamment pour Pfizer France : “Le délai est une question fondamentale souligne Sylvie Troy, directrice médicale adjointe du laboratoire pharmaceutique. Lorsque nous répondons à une demande de suivi des autorités de santé, les dates auxquelles nous sommes tenus de rendre nos rapports sont extrêmement précises. Et, dans le cycle de vie ou de développement d’une de nos solutions thérapeutiques, obtenir deux ans après en avoir fait la demande les données épidémiologiques sur une nouvelle pathologie n’a pas grand intérêt. Cette situation pourrait nous amener à terme à modifier nos choix de sources de données. Il faut trouver des systèmes pour obtenir un accès plus rapide. Nous réfléchissons par exemple à une base SNDS fils qui permettrait d’obtenir un premier accès et réinterroger plus facilement la base.” Des améliorations pourraient cependant déjà être apportées pour faciliter le parcours des industriels. Pierre Hornus propose ainsi de “mettre en place un système où nous pourrions savoir à quelle étape se trouve notre demande. Aujourd’hui, nous ne savons pas si un dossier n’avance pas parce que la Cnam est submergée, ou parce qu’il présente un problème.” En qualité de guichet unique, le HDH prête l’oreille aux retours d’expérience. En juillet dernier, il a interrogé pour la première fois 300 porteurs de projets “pour en suivre le devenir” annonce Valérie Edel. Ce baromètre, qui va s’élargir progressivement à l’ensemble des porteurs de projet, a vocation à “suivre les évolutions et repérer les difficultés rencontrées pour identifier les actions à mener pour les résorber” précise-t-elle. Méthodologie Le Health Data Hub (HDH) propose en téléchargement, sur son site, un “répertoire public des projets” contenant la liste des demandes d’accès aux données de santé du Système national des données de santé (SNDS). Malheureusement, au moment où nous avons entamé cette étude, les données disponibles dans ce répertoire s’arrêtaient à février 2022. Au début du printemps 2023, nous avons donc contacté le HDH qui nous a transmis un répertoire avec les données à jour jusqu’en avril 2023. Les biais possibles Le répertoire public des projets peut ne pas être tout à fait exhaustif. Par exemple, quoique les porteurs de projet sont tenus de remplir le répertoire public des projets lorsqu’ils optent pour une méthodologie de référence, rien ne garantit qu’ils aient tous suivi cette règle. Les données de ce répertoire ont parfois été remplies par plusieurs personnes sur une période très longue, si bien que certaines, par exemple le nom des entités qui ont présenté une demande, ou le nom des responsables de mise en œuvre, ne sont pas harmonisés. Nous avons fait de notre mieux pour les nettoyer. Dans le cas des laboratoires pharmaceutiques, nous-nous sommes aussi efforcés de réunir les filiales sous une même entité légale. Par exemple pour Roche : Roche SA, Roche Diabetes Care France, Roche Diagnostics France, F. Hoffmann-La Roche Ltd, etc. Par ailleurs, l’identité de tous les responsables de traitement n’est pas renseignée dans le fichier, car cette information n’était pas restituée dans la première version du répertoire, que gérait l’INDS. Vous avez une question ou souhaitez apporter une précision ? Contactez-nous : datalab@mind.eu.com Aymeric Marolleau, Coralie Baumard, Clarisse Treilles et Romain Bonfillon Assurance Maladiebase de donnéesCNILDonnées de santédossier patient informatiséHealth data hubTélésurveillance Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire La liste des demandes déposées auprès du Health Data Hub analyses Accès aux données du SNDS : qui sont les acteurs qui en font la demande ? Magali Lemaitre (AFCROs) : “Le SNDS est une des plus belles bases au monde”