Accueil > Parcours de soins > Accès aux données du SNDS : qui sont les acteurs qui en font la demande ? Accès aux données du SNDS : qui sont les acteurs qui en font la demande ? Réputé pour sa richesse et son exhaustivité - il regroupe les données de près de 68 millions de citoyens - le Système national des données de santé (SNDS) représente une véritable aubaine pour tous les acteurs (industriels, CRO, académiques) qui souhaitent mener des études cliniques, des études de risque, des analyses d'impact, des campagnes de prévention ciblées, etc. La cellule Data de mind Health a eu accès, auprès du Health Data Hub, au fichier détaillant l'ensemble des demandes d'accès à cette base. Intéressons-nous, dans le premier volet de ce dossier, à la nature des acteurs ayant fait cette requête. Par Aymeric Marolleau avec Coralie Baumard, Clarisse Treilles et Romain Bonfillon. Publié le 25 septembre 2023 à 18h01 - Mis à jour le 09 janvier 2024 à 15h52 Ressources Cet article est le premier d’un dossier en deux parties consacré à l’analyse du répertoire des demandes d’accès au SNDS déposées auprès du Health Data Hub (HDH) depuis 2017. Cette semaine : quels types d’acteurs déposent des demandes auprès du HDH ? Quels sont les industriels qui en ont déposés le plus ? Quels sont les CRO les plus actifs ? Avec quels industriels ces CRO travaillent-ils ? La semaine prochaine : quelles données sont convoitées ? Quels objectifs ces études poursuivent-elles ? Quelle est l’issue des demandes ? Quels sont les délais de traitement des dossiers ? SNIIRAM (données de l’Assurance Maladie), PMSI (celles des hôpitaux), BCMD (causes médicales de décès), données relatives au handicap… Depuis la loi de modernisation du système de santé de 2016, ces bases sont réunies au sein du Système national des données de santé (SNDS) pour en faciliter l’accès dans le cadre d’études et de recherches. D’abord géré par l’Institut national des données de santé (INDS), son accès est organisé, depuis 2019, par le Health Data Hub (HDH), qui réceptionne les demandes, les transmet pour avis au comité éthique et scientifique des recherches, études et évaluations en santé (CESREES), puis à la CNIL pour autorisation. Il s’agit de la procédure standard HDH – CESREES – CNIL. Toutefois, dans la plupart des cas, les demandeurs ont recours à des procédures simplifiées, dites “Méthodologies de référence”, qui leur épargne ce chemin qui peut retarder de plusieurs mois l’accès aux données (voir plus loin). L’utilisation de ces données est multiple. Il peut s’agir, pour un industriel, d’évaluer l’efficacité d’un traitement ou de connaître, avant d’investir un marché, ce que représente une pathologie en termes de coûts pour l’Assurance maladie et de modalités de prise en charge. Les organismes publics y ont aussi massivement recours. Ainsi, l’ANSM s’en sert pour mener des études de risques sur des médicaments. Santé publique France s’appuie aussi sur le SNDS pour mener à bien sa mission de surveillance des pathologies (évolution de l’incidence, prévalence, couvertures vaccinales…) Quelles sociétés souhaitent accéder à quelles données de santé ? Quelles entreprises de la recherche clinique (CRO) sont sollicitées par les hôpitaux et les laboratoires ? Quel pourcentage des demandes aboutissent ? Quels sont les délais de traitement ? En avril, le HDH a transmis à mind Health le répertoire des demandes reçues depuis 2017. Pour la deuxième fois, nous l’avons analysé afin de mieux comprendre l’identité des demandeurs et leurs objectifs (voir méthodologie). Dans notre espace Data, consultez la liste des demandes d’accès à des données de santé déposées auprès du Health Data Hub Quelles données le SNDS contient-il ? Le Système national des données de santé (SNDS) est alimenté par cinq sources de données : Les données de l’assurance maladie, c’est-à-dire la base SNIIRAM (pour Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie), gérée par la Cnam. Cette base regroupe les informations issues des remboursements effectués par l’ensemble des régimes d’assurance maladie pour les soins du secteur médical. Les données des hôpitaux, c’est-à-dire la base PMSI (pour Programme de médicalisation des systèmes d’information), gérée par l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (Atih). Cette base contient l’ensemble des données relatives aux hospitalisations en médecine, chirurgie et obstétrique, en soins de suite et réadaptation, en psychiatrie et les hospitalisations à domicile. Les causes médicales de décès, c’est-à-dire la base CépiDC, élaborée par l’Inserm en collaboration avec l’Insee. Deux de ses objectifs sont d’étudier l’évolution de la mortalité en France et de faire des comparaisons internationales. Les données relatives au handicap, en provenance des maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH) et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). L’échantillon des données du SNDS (ESND), qui remplace depuis octobre 2022 l’échantillon généraliste des bénéficiaires (EGB) du SNIIRAM. Le nouvel échantillon des données du SNDS, de taille plus importante que le précédent, rassemble les parcours de soins en ville (base du SNIIRAM) et à l’hôpital (base du PMSI) de 2 % de la population présente dans la base principale du SNDS. L’utilisation de cet échantillon permet notamment de “mieux connaître et comprendre le recours aux soins, les trajectoires de soins et les dépenses de santé des assurés sur une période donnée”, selon la CNIL. Plus de précisions sur le site du Health Data Hub. Le répertoire public des projets ne recense pas seulement les demandes d’accès au SNDS, mais toutes celles qui portent sur des données de santé dès lors qu’elles nécessitent l’accord du CESREES et/ou de la CNIL, ou qu’elles font l’objet d’une procédure simplifiée dans le cadre de laquelle les porteurs de projet doivent détailler leur demande dans le répertoire public. Cela recouvre donc la consultation de dossiers médicaux, le lancement d’enquêtes (passation de questionnaires à des patients), les cohortes (suivre une population dans le temps, sur un territoire précis), les registres (recenser le parcours de soin pour une pathologie précise, sur un périmètre local, régional ou national), ou autres (données issues de dispositifs médicaux, statistiques publiques, etc.). De qui les demandes émanent-elles ? En avril 2023, le Health Data Hub a ainsi reçu 7 692 demandes depuis 2017. 1 651 dossiers ont été déposés en 2022, ce qui représente une baisse de 10 % par rapport au pic de 2021 (1 803). Les demandes émanent d’une douzaine de familles d’acteurs différentes : des établissements de soins (AP-HP, CHU, CH… pour près de 50 %), des industriels de santé (un peu moins de 20 %), des Universités ou écoles (un peu moins de 10 %) ou encore des centres de lutte contre le cancer (CLCC, 6 %). Parmi les établissements de soins qui apparaissent le plus souvent dans le répertoire, citons l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), le CHU Grenoble Alpes ou encore celui de Nîmes. Les 1 331 demandes déposées par des industriels proviennent d’environ 300 groupes différents, principalement des laboratoires pharmaceutiques et des fabricants de dispositifs médicaux français, américains, suisses… L’identité des industriels à l’origine de 118 des demandes n’est pas précisée dans le répertoire. Certains n’ont fait qu’une ou deux demandes, à l’instar de Sivan Innovation, qui a déposé en décembre 2022 un dossier pour mener une “étude rétrospective de l’impact clinique et organisationnel de l’application Moovcare Poumon lors du suivi des patients avec un carcinome bronchique.” En juillet 2019, la CNIL l’avait déjà autorisé à s’appuyer sur les données du SNIIRAM (système national d’information interrégimes de l’Assurance Maladie) pour disposer de données médico-économiques relatives aux patients inclus dans son essai clinique. D’autres acteurs ont fait plusieurs dizaines de demandes. Le laboratoire suisse Roche est ainsi celui qui a déposé le plus grand nombre de dossiers, 64, via neuf filiales ou orthographes différentes (Roche, Roche SA, Roche Diabetes Care France, Roche Diagnostics France, F. Hoffmann-La Roche Ltd, etc.), devant le Français Sanofi et l’Américain Pfizer. “Le SNDS a de nombreux points forts, souligne Sylvie Troy, directrice médicale adjointe de Pfizer France. C’est une base de consommation de soins qui couvre les plus de 67 millions d’individus de la population française. Il est possible d’y suivre le parcours du patient, sans qu’il soit perdu de vue, grâce à l’exhaustivité des consommations de soins remboursées par l’Assurance maladie. Nous disposons également d’un historique long, sur une dizaine d’années. De plus, le SNDS inclut la population adulte et la population enfant, ce que l’on ne retrouve pas forcément dans d’autres bases. Quand nous travaillons en particulier sur la couverture vaccinale de la population française, le SNDS est parfait puisque l’information “le sujet a-t-il reçu une vaccination ?” y est capturée. Nous avons donc des données très fiables ”,. Pour l’entreprise pharmaceutique, l’accès au SNDS permet de répondre à plusieurs enjeux. “Régulièrement, nous avons des demandes des autorités de santé, comme la HAS, pour réaliser le suivi de nos médicaments en vie réelle et, dans un certain nombre de cas, les informations peuvent être issues du SNDS. Nous pouvons également l’utiliser pour préparer des dossiers que nous transmettons aux autorités de santé. Mais aussi lorsque nous cherchons à améliorer les connaissances sur une pathologie que nous ciblons ou sa prise en charge. Concernant les recherches que nous menons localement en France, toutes bases de données confondues, entre 30 et 40% d’entre elles s’appuient sur le SNDS, ce qui représente une grande part”, précise la directrice médicale adjointe de Pfizer France. Aux côtés des plus grands groupes pharmaceutiques mondiaux, on trouve dans le top 20 plusieurs fabricants de matériels médicaux, comme MENIX, un groupe lyonnais né en 2009 du rapprochement de Serf et Dedienne Santé, qui réunit des marques en orthopédie, implantologie dentaire et chirurgie cranio-maxillo-faciale ; Amplitude, une société fondée en 1997 à Valence qui développe des technologies chirurgicales destinées à l’orthopédie pour les membres inférieurs ; ATF Implants, spécialisée dans la conception, la fabrication d’implants et d’instruments de la hanche. Un accès compliqué pour les jeunes start-up Née l’an dernier, la start-up Solence propose un premier compagnon numérique pour les patientes souffrant du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). L’entreprise est l’une des cinq lauréates de l’appel à projets “Data, IA et Parcours de santé” lancé par le Health Data Hub et l’ARIIS. “Notre objectif d’étude est de décrire le parcours de soins à partir des données du SNDS, d’identifier et de caractériser les errances diagnostiques et thérapeutiques. La finalité est une évaluation de l’impact économique du syndrome des ovaires polykistiques pour le système de santé afin de pouvoir proposer des améliorations, qu’elles soient technologiques (des outils de e-santé) mais aussi organisationnelles”, détaille Mael Mertad, cofondateur et COO de Solence. Avant de déposer sa demande d’accès au SNDS, la start-up doit résoudre deux défis de taille : trouver un responsable de mise en oeuvre (RMO) et un financement. Or, les deux sont intimement liés. “L’étude que nous souhaitions réaliser représente un budget de 300 000 euros et notre objectif est de travailler avec un CHU en tant que RMO. Nous sommes toujours en discussion aujourd’hui. Les équipes des CHU ont leur propre programme de recherche et sont déjà très occupées. Si nous n’arrivons pas avec un financement permettant de recruter des personnes au sein de leurs équipes, le projet ne peut pas se faire”, explique Mael Mertad. Quelles CRO sont les plus sollicités ? À la différence des établissements de santé, les industriels ne peuvent pas accéder directement aux données du SNDS. Ils doivent faire appel à un bureau d’études (une CRO pour Contract research organization) ou un laboratoire de recherche public indépendant. Ces derniers sont qualifiés par le HDH de responsable de mise en œuvre (RMO). Le RMO va s’occuper de la réalisation de l’étude : il accompagne l’industriel dans la phase de conception de l’étude (l’écriture du protocole), la réalisation des analyses statistiques et la valorisation des résultats. Il se distingue du responsable de traitement, à l’initiative de l’étude qui est “souvent un industriel de santé”, précise Magali Lemaitre, vice-présidente de l’AFCROs. En fonction des projets, un laboratoire de recherche public indépendant peut endosser le rôle de RMO ou responsable de traitement. Environ un quart des demandes – 1 857 exactement – ont ainsi impliqué un responsable de mise en œuvre. Les données confirment qu’il s’agit généralement d’entreprises de la recherche clinique (CRO). Le bureau d’étude HEVA, qui appartient à Docaposte depuis 2022, se distingue particulièrement, puisqu’il apparaît 213 fois, devant IQVIA, CEMKA et Stève Consultants (acquis par Cytel en juin 2023). Pour Alexandre Vainchtock, cofondateur et directeur associé de HEVA, cette position s’explique par un avantage historique. “Sur le PMSI, nous sommes largement devant parce que nous avons été les premiers à nous y intéresser, dès 2005 à la création de la société, donc bien avant que ces données soient à la mode. Aussi, nous avons sans cesse fait évoluer nos méthodes d’analyse. Dès 2013, nous avons été précurseurs dans l’analyse de parcours grâce à l’intelligence artificielle. Sur le SNIIRAM, analyse-t-il également, nous sommes avec IQVIA les deux plus gros bureaux d’étude. Cela peut s’expliquer par l’expérience, l’expertise, mais aussi simplement par la capacité à produire ces études. Aujourd’hui, HEVA regroupe plus de 40 collaborateurs. Nous avons donc la possibilité de mener de front plusieurs études. Le fait que nous ne soyons pas dépendants d’un seul projet nous sauve dans le contexte actuel de longs délais d’attente pour accéder aux données. Heureusement que certains projets se décantent pendant que d’autres attendent. Sinon, nous ne pourrions pas tenir”. À noter que la société HEVA, qui se définit comme un “raffineur de données” ne fait pas de recueil de données primaires, contrairement à d’autres CRO comme Cemka ou IQVIA. Une situation qui devrait bientôt changer avec la récente acquisition d’Axonal-Biostatem, qui doit aboutir prochainement à la création d’une nouvelle entité (dont le nom n’est pas encore connu). Les relations CRO – industriels à la loupe Pour quels industriels de santé ces 20 responsables de mise en œuvre les plus actifs travaillent-ils ? L’analyse du registre montre que les CRO ont rarement de préférence marquée pour un laboratoire pharmaceutique, à l’exception de PKCS, qui a mené neuf de ses 16 projets pour Sanofi, et Hosmedis, qui a mené la totalité de ses 12 projets pour LFB Biomédicaments. Mais HEVA a travaillé avec 68 industriels différents, IQVIA 56 et CEMKA 48. “Cette diversité de clients est le fruit d’une volonté de ne pas trop dépendre d’un seul client”, explique Alexandre Vainchtock. Si trois d’entre eux représentent 80 % de votre chiffre d’affaires, vous êtes à la merci de l’arrêt du développement clinique d’un produit, d’un changement de direction, etc. Les laboratoires demandent d’ailleurs désormais, dans leur processus d’appel d’offres, la part des cinq plus grands clients dans nos revenus. Chez nous, elle dépasse rarement 25%, et ces gros clients changent chaque année”. Méthodologie Le Health Data Hub (HDH) propose en téléchargement, sur son site, un “répertoire public des projets” contenant la liste des demandes d’accès aux données de santé du Système national des données de santé (SNDS). Malheureusement, au moment où nous avons entamé cette étude, les données disponibles dans ce répertoire s’arrêtaient à février 2022. Au début du printemps 2023, nous avons donc contacté le HDH qui nous a transmis un répertoire avec les données à jour jusqu’en avril 2023. Les biais possibles Le répertoire public des projets peut ne pas être tout à fait exhaustif. Par exemple, quoique les porteurs de projet sont tenus de remplir le répertoire public des projets lorsqu’ils optent pour une méthodologie de référence, rien ne garantit qu’ils aient tous suivi cette règle. Les données de ce répertoire ont parfois été remplies par plusieurs personnes sur une période très longue, si bien que certaines, par exemple le nom des entités qui ont présenté une demande, ou le nom des responsables de mise en œuvre, ne sont pas harmonisés. Nous avons fait de notre mieux pour les nettoyer. Dans le cas des laboratoires pharmaceutiques, nous-nous sommes aussi efforcés de réunir les filiales sous une même entité légale. Par exemple pour Roche : Roche SA, Roche Diabetes Care France, Roche Diagnostics France, F. Hoffmann-La Roche Ltd, etc. Par ailleurs, l’identité de tous les responsables de traitement n’est pas renseignée dans le fichier, car cette information n’était pas restituée dans la première version du répertoire, que gérait l’INDS. Vous avez une question ou souhaitez apporter une précision ? Contactez-nous : datalab@mind.eu.com Aymeric Marolleau avec Coralie Baumard, Clarisse Treilles et Romain Bonfillon Données de santéLaboratoiresRecherche Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire La liste des demandes déposées auprès du Health Data Hub SNDS : quelles données sont convoitées, à quelles fins et avec quels délais de traitement ? Magali Lemaitre (AFCROs) : “Le SNDS est une des plus belles bases au monde”