Accueil > Financement et politiques publiques > Stéphanie Combes (HDH) : “La présidence française du Conseil de l’Union européenne est une opportunité pour avancer sur les données de santé” Stéphanie Combes (HDH) : “La présidence française du Conseil de l’Union européenne est une opportunité pour avancer sur les données de santé” 2022 promet d’être une année cruciale pour le Health Data Hub. Outre l’objectif de publier son catalogue de données, attendu depuis plusieurs mois, le HDH entend porter le sujet des données de santé au niveau européen. Pour mind Health, sa directrice, Stéphanie Combes, détaille la feuille de route du HDH. Par Sandrine Cochard. Publié le 05 janvier 2022 à 6h30 - Mis à jour le 01 février 2022 à 14h52 Ressources En mai dernier, vous annonciez dans mind Health que le catalogue de données serait prêt à l’automne. Où en est-il aujourd’hui ? Même si nous ne sommes effectivement pas au rendez-vous des ambitions fixées début 2021, nous avons bien avancé. Cet été, nous avons proposé la liste des bases pressenties au comité stratégique au Système national des données de santé (SNDS). Le comité stratégique a sélectionné une vingtaine de bases qui ont vocation à être les premières à rejoindre le catalogue. Nous avons quelques bases relatives à l’épidémie de Covid, d’autres portent sur des pathologies diverses, sont de nature différente, certaines administratives ou d’autres cliniques (provenant des registres hospitaliers par exemple)…. Nous en sommes désormais à l’étape réglementaire de l’instruction par la Cnil, qui doit rendre son avis sur l’arrêté portant la liste de bases. J’ai bon espoir que cela aboutisse très prochainement, mais la balle n’est pas dans mon camp. Combien de projets le Health Data Hub accompagne-t-il aujourd’hui ? Le Health Data Hub accompagne une cinquantaine de projets, dont 10 à un stade avancé. Il s’agit souvent de projets ambitieux qui demandent de croiser plusieurs sources de données. Par exemple, le projet REXETRIS, porté par le CHU de Limoges, vise à étudier les effets secondaires à long terme des médicaments anti-rejet dans le cadre d’une greffe. Pour mener ce projet à bien, il faut chaîner une base de l’Agence de biomédecine, une base interne au CHU et les données de la CNAM. Ces projets sont complexes et nécessitent un accompagnement, notamment au niveau réglementaire, pour vérifier la conformité RGPD de chaque base, caler la circulation des données et savoir comment faire le croisement puisque les données doivent être alignées au niveau d’un même patient… tout ceci sans avoir dans la base finale les données nominatives relatives au patient ! Le montage d’un dossier prend un certain temps, sans compter l’appariement des bases en lui-même. Le projet Hydro est le projet le plus avancé. La réalisation du chaînage entre les bases de l’Assurance Maladie et de la start-up Implicity, le porteur du projet, a pris plusieurs mois. C’était un travail collectif entre l’Assurance maladie et ses experts du SNDS, ceux du HDH, et bien sûr l’équipe d’Implicity. Au démarrage, le premier appariement testé fonctionnait à 65% ce qui est insuffisant pour garantir la fiabilité des algorithmes développés. La qualité de l’appariement atteint aujourd’hui plus de 85%. J’ai espoir que des projets comme celui-là aboutissent à des résultats concrets en 2022. Avec Hydro, Implicity investit l’espace projet du Health Data Hub Le HDH sera présent au sein de PariSanté Campus (PSC). Qu’y ferez-vous ? Nos équipes ne travailleront pas sur le site au quotidien mais nous aurons une permanence toujours ouverte. Nous serons présents à tour de rôle pour répondre aux questions des personnes installées sur le site, en matière de conformité et d’accès aux données par exemple (procédures de référencement, RGPD…), de démarches administratives ou pour montrer les fonctionnalités de notre plateforme technologique. Nous proposons également une offre de formations sur laquelle nous avons travaillé avec les autres membres de PSC et que je souhaite publier sur notre site internet mi-janvier. Quelles formations proposerez-vous ? Nous souhaitons décliner les offres de formations du HDH pour Paris Santé Campus, en présentiel, avec du contenu spécifique pour les acteurs qui seront présents sur le site. Nous aurons des formations très vulgarisées à destination des citoyens non avertis et des formations destinées à de futurs utilisateurs (chercheurs, entrepreneurs…) qui ont besoin de plus de détails pour pouvoir traiter les données. Nous aurons également des formations pour expliquer aux personnes qui le souhaitent comment contribuer à la documentation ouverte. Autre point qui nous intéresse beaucoup : l’un des axes du programme scientifique de PSC concerne la médiation numérique, la vulgarisation scientifique et la diffusion d’une culture scientifique. Cela fait partie des missions légales du HDH d’informer les personnes, de les accompagner dans l’exercice des droits mais aussi de vulgariser l’enjeu autour de la réutilisation des données de santé. C’est en ce sens que nous avons lancé une consultation citoyenne sur la seconde vie des données de santé. Avec PSC, nous devrions pouvoir mener des actions plus ambitieuses, parce que nous serons plusieurs et parce que le rayonnement de PSC pourra leur donner de la visibilité au niveau national et international. Le HDH a récemment pris la tête d’un consortium candidat pour répondre à l’appel à candidature lancé par la Commission européenne visant à mettre en place une version test de l’Espace européen des données de santé… L’enjeu aujourd’hui est de porter le sujet des données de santé au niveau européen ? Dès notre feuille de route stratégique approuvée par notre assemblée générale en janvier 2020, nous avions identifié parmi nos 4 grands enjeux un axe relatif au rayonnement international du Health Data Hub. Et à la manière dont il pourrait contribuer à la structuration du paysage européen. Je pensais que ce sujet arriverait après les enjeux nationaux, que l’international viendrait de façon assez naturelle plus tard. En réalité, cela ne se passe pas comme ça ! L’Europe est très dynamique sur ces sujets, il y a donc une opportunité pour le HDH et pour la France d’accélérer et de se positionner. Nous avons souhaité saisir cette opportunité en se positionnant sur la première action européenne qui est l’action conjointe TEHDaS (Towards a European Health Data Space). Il s’agit d’un travail plus institutionnel avec des livrables qui vont permettre de formuler des recommandations en prévision des textes réglementaires qui pourraient être pris dès 2023. Ensuite, la Commission européenne a annoncé qu’elle souhaitait aller plus loin et prototyper l’espace commun des données de santé européen, donc préfigurer la manière dont cela pourrait marcher. Nous avons donc proposé à un certain nombre de pays (Norvège, Finlande, Danemark, Allemagne, Belgique et Espagne) et des institutions européennes de se joindre à nous dans cette aventure. Nous pensons que l’on a de bonnes chances d’être retenus comme candidat dans la mesure où on a fédéré les acteurs les plus avancés en Europe. Quel sera le rôle du HDH ? Notre rôle sera de co-piloter certains des work-packages et de contribuer à d’autres, c’est un travail très ambitieux. Ensuite, nous nous positionnons comme un des nœuds nationaux. Notre rôle sera à la fois de mettre à disposition des données de santé pour des cas d’usage dans lesquels nous intervenons en tant que leaders, contributeurs ou même pas du tout. L’idée c’est d’explorer la manière d’exploiter des données au-delà des frontières nationales. Plusieurs cas de figures sont envisagés pour rendre cela possible sur le plan opérationnel. Par exemple, on peut envisager de standardiser toutes les données de la même manière et qu’elles restent au niveau des nœuds. On les exploite en faisant tourner un algorithme sur chaque nœud et on agrège les résultats. Parfois, cette approche ne va pas fonctionner parce que les données sont trop différentes et dans ce cas, il faut que nous identifions comment les faire voyager d’un noeud à l’autre, c’est à dire d’un pays à l’autre, avec des réglementations nationales et des normes de sécurité différentes. Si demain on souhaite créer un véritable espace européen des données de santé, il faut relever ces défis. Cet enjeu existe aussi au niveau national. Dans une interview récente à mind Health, Jean-Marc Aubert, président d’IQVIA France, soulignait le manque de standards et d’harmonisation des données de santé… Le fait d’observer une dynamique européenne peut créer une émulation au niveau national. Un des work-packages que l’on propose pour cette candidature porte sur l’interopérabilité. On s’intéresse déjà à certains standards, dans le cadre de la réutilisation secondaire des données, qui ne sont pas forcément les mêmes standards que ceux des logiciels de soins qui peuvent être promus du côté du Ségur du numérique. En effet, il y a des standards pour le soin et d’autres pour la recherche comme le modèle OMOP sur lesquels nous travaillons pour convertir les données de l’Assurance maladie dans ce format. Nous interagissons également avec des établissements de santé qui font la même chose sur des données cliniques. Il s’agit de voir si on peut, avec ce modèle commun, faire communiquer les différentes bases de données entre elles et réutiliser des approches qui seraient développées à l’étranger par exemple. La présidence française du Conseil de l’Union européenne est une opportunité pour avancer sur ces sujets. Dans une tribune publiée dans Le Monde le 20 octobre, les membres du Conseil scientifique consultatif du Health Data Hub tirent la sonnette d’alarme sur les difficultés que rencontre le HDH, notamment en matière d’accès aux données. Quelle a été votre réaction à la lecture de cette tribune ? Et comment surmonter ces obstacles ? Notre conseil scientifique réunit des médecins et des chercheurs éminents de cet écosystème de la santé. Ils ont souhaité partager leur ressenti par rapport aux enjeux du HDH et aux difficultés que nous rencontrons. Ce qu’ils expriment dans cette tribune est leur point de vue et ne me choque pas. L’ambition affichée au début du HDH était d’obtenir de premiers résultats dès la fin de l’année 2019, ce qui était un peu naïf et résolument optimiste ! Nous sommes en 2022 et notre enjeu majeur est de terminer au moins la mise en place de tout le dispositif juridique et technique pour que le HDH puisse apporter sa véritable valeur. En 2021, d’importants jalons ont été franchis, notamment avec la publication du décret, mais nous attendons toujours l’arrêté catalogue. Le projet initial du HDH portait sur 2019-2022. Il est donc nécessaire, en 2022, de terminer la mise en place du projet qui pourra ensuite fonctionner en régime continu. Ce qui est sûr, c’est que les équipes du HDH sont très investies et impliquées mais font face à des difficultés plus larges que le HDH lui-même : il y a des difficultés réglementaires, les démarches d’accès aux données de santé sont extrêmement complexes, notamment quand on veut faire des croisements car cela fait intervenir plusieurs acteurs qui ne sont pas forcément disposés à faire de ces sujets-là une priorité. Et il y a tous les enjeux culturels autour du partage de la donnée, en particulier dans certaines institutions qui considèrent que les données représentent une source de valeur économique potentielle dans un contexte où les infrastructures sont peu ou pas financées… Toutes ces barrières sont à lever. Quelle est votre position sur ce sujet ? Il ne faut pas tout investir sur les modèles économiques des données de santé. D’abord parce que c’est un patrimoine commun, ce sont les données des Français et cela soulève des questions éthiques de mettre des modèles économiques sur l’utilisation de ces données, en tout cas au delà d’un certain point. Une redevance pour contribuer à l’effort de collecte, oui, mais est-ce que l’on peut faire plus ? C’est une vraie question. Parce que ce patrimoine commun est un actif de grande valeur pour le pays, il doit, à mon sens, être financé par la puissance publique. Ce financement doit s’assortir d’une stratégie nationale en la matière : quel est notre patrimoine de données de santé à 3 ans, à 5 ans, à 10 ans ? Les données de l’Assurance maladie dont tout le monde parle, sont une première réponse mais on peut également se fixer une ambition en matière de données hospitalière, de ville, de registres. Les données de ville ont cruellement manqué pendant la crise sanitaire. Tout cela, il faut l’écrire et le financer, sinon ça ne va pas se faire. Dominique Pon et Laura Létourneau l’ont fait pour le numérique en santé, il faudrait le faire pour les données de santé. Pour accélérer les projets et l’accès aux bases de données, faut-il passer d’un modèle d’autorisation à un système de déclaration ? C’est une question de philosophie. En France, le cadre réglementaire prévoit un régime d’autorisation pour l’accès aux données de santé. Cela apporte une sécurité au responsable de traitement parce qu’il délègue la responsabilité à la Cnil d’une certaine manière. Mais d’un autre côté, il faut composer avec un certain délai et parfois, les sujets de recherche en santé n’attendent pas. D’une manière générale, la recherche repose sur des investissements humains et financiers. Ceux-ci peuvent être perdus entre le moment où le porteur dépose son projet et le moment où il a accès aux données. Ce n’est d’ailleurs pas le fait de la Cnil, il y a plusieurs étapes y compris le conventionnement avec les acteurs dépositaires des données et la récupération physique des données. Toute la chaîne fait qu’à la fin, on peut attendre un an et demi à deux ans avant d’accéder aux données, ce qui peut être dissuasif dans certains cas. On sait très bien que des acteurs privés vont chercher des données aux Etats-Unis et en Chine parce que ce délai n’est pas acceptable ou compatible avec la vie d’une start-up. La Cnil travaille à faciliter l’accès aux données de santé par le biais de méthodologies de référence, ce qui est une bonne chose. Mais si on se place dans une logique européenne, on risque d’observer un millefeuille de procédures administratives qui risquent d’être un peu difficiles à suivre. Il faudra certainement à terme se poser la question entre appliquer de nombreuses méthodologies de références et disposer d’une réglementation plus souple et cohérente avec nos pays voisins. Quels sont vos autres grands enjeux de 2022 ? Nous dévoilerons notre feuille de route en début d’année. Le conseil d’administration a approuvé le programme de travail qui portera sur plusieurs axes : enrichir les bases de données, mettre en œuvre le catalogue, réduire les délais d’accès aux données, enrichir notre offre technologique. La plateforme technologique met à disposition des environnements informatiques et plus ils sont riches en outils pour traiter les données, plus ils seront intéressants pour eux. Nous allons également poursuivre tout le travail mené vis-à-vis de la société civile, avec notre direction citoyenne dont l’équipe s’étoffe. Nous contribuerons aux travaux du comité stratégique du SNDS sur la question de la nécessité de financer les infrastructures de données. Enfin, un autre enjeu est de poursuivre la structuration de notre équipe, que l’on souhaite porter à une centaine de personnes. Enfin, il s’agira de sécuriser le financement pluriannuel du HDH. Le projet avait bénéficié d’un financement du fonds de transformation de l’action publique qui est un financement d’amorçage pour des actions innovantes. STÉPHANIE COMBES2019 : Directrice du Health Data Hub2017 : Responsable du lab d’innovation en données de santé et responsable du projet Health Data Hub à la Drees (ministère des Solidarités et de la Santé) 2014 : Datascientist senior à l’Insee2010 : Économiste au ministère de l’Économie et des Finances2010 : Master APE (Analyse et politique économiques) de l’école d’Économie de Paris2009 : Diplômée de l’ENSAE2008 : Diplômée de l’école Polytechnique en mathématiques appliquées Sandrine Cochard base de donnéesDonnées de santéEuropeHealth data hubInteropérabilité Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Partenariat AP-HP & Heath Data Hub : 10 projets pilotes se concrétisent Le HDH et Unicancer lancent un AMI commun Le HDH et Findata signent un accord de collaboration Les 4 projets choisis par le HDH pour la Bibliothèque ouverte d’algorithmes en santé Les données de santé