Accueil > Industrie > Éric Carreel (Withings) : “Nous voulons accompagner la transition de la santé curative vers le suivi en vie réelle” Éric Carreel (Withings) : “Nous voulons accompagner la transition de la santé curative vers le suivi en vie réelle” Après l’avoir dévoilé au CES de Las Vegas en 2023, Withings commercialise désormais U-Scan, son laboratoire miniaturisé d’analyse d’urine. Éric Carreel, cofondateur et président de Withings, détaille à mind Health la stratégie liée à ce lancement, ainsi que les perspectives ouvertes par la filiale BtoB. Par Coralie Baumard. Publié le 28 octobre 2025 à 23h30 - Mis à jour le 28 octobre 2025 à 18h04 Ressources Withings a officialisé le lancement de U-Scan, un dispositif permettant de réaliser une analyse d’urine à domicile, comment est né ce produit ? U-Scan est le fruit de sept années de développement, il a débuté à la suite d’une rencontre avec un urologue il y a dix ans. L’objectif était de créer un laboratoire miniaturisé d’analyse d’urine qui s’intègre directement dans les toilettes. Le 29 octobre, nous lançons U-Scan en Europe et aux États-Unis, il sera disponible à la vente via notre site internet. Nous avons développé deux cartouches différentes pour équiper notre lecteur intelligent. La première, U-Scan Nutrio, est destinée aux sportifs et aux personnes souhaitant optimiser leur nutrition. Elle permet de mesurer les niveaux de quatre biomarqueurs urinaires : les cétones, la vitamine C, le pH urinaire et la densité urinaire. Nous avons également développé U-Scan Calci, une cartouche dédiée aux personnes souffrant de calculs rénaux. L’objectif est de contrôler les niveaux de calcium, le pH ainsi que la densité urinaire afin de surveiller l’éventuelle apparition de nouveaux calculs. Après la phase de bêta test, nous avons opté pour un soft launch (un programme d’accès anticipé réservé à un public restreint, ndlr), 1000 personnes sont déjà utilisatrices de U-Scan. Quels prochains développements envisagez-vous ? L’objectif est que U-Scan devienne une plateforme permettant de monitorer différents aspects de la santé. Pour les usages actuels, nous n’avons pas besoin d’obtenir la certification obligatoire pour les dispositifs médicaux. Elle sera nécessaire à l’avenir si nous nous lançons sur d’autres thématiques comme le suivi de la santé féminine. Le sujet nous intéresse beaucoup. En septembre, nous avons annoncé à l’occasion du lancement de la nouvelle version de notre montre connectée, la ScanWatch 2, un partenariat avec Clue, l’application de suivi du cycle menstruel. Concernant U-Scan, nous avons commencé il y a deux ans à travailler sur la détection d’autres composants déjà mesurés par les bandelettes urinaires prenant en charge un grand nombre de paramètres. Nous essayons d’accroître le nombre d’années de vie en bonne santé alors que nous faisons face à une explosion du nombre de malades chroniques. Nous voulons accompagner la transition de la santé curative vers le suivi en vie réelle. Notre objectif est également de connecter davantage les patients et le corps médical. Pour certaines personnes, prendre un rendez-vous avec un médecin représente un effort énorme. Aux États-Unis, nous permettons à nos utilisateurs de prendre rendez-vous automatiquement avec des cliniques du sommeil. Avec U-Scan Calci, le défi est de se faire connaître des patients souffrant de calculs rénaux. Nous espérons pouvoir travailler avec les réseaux de pharmacies sur cette question. Comment fonctionne U-Scan ? Le dispositif de Withings est composé d’un lecteur intelligent qui se place dans la cuvette des toilettes. Il collecte automatiquement les échantillons d’urine à l’aide d’un capteur thermique. Un échantillon est ensuite analysé grâce à des capteurs biochimiques miniaturisés, intégrés dans une cartouche interchangeable. Les résultats sont traités directement sur l’appareil en quelques minutes et transmis par Wi-Fi à l’application Withings. Ces mesures sont ensuite traduites en recommandations personnalisées. U-Scan est protégé par 32 familles de brevet. En 2019, vous avez créé votre filiale BtoB Withings Health Solutions, quels sont vos clients aujourd’hui ? Cette entité nous permet de vendre nos produits à des professionnels de santé afin que leurs patients les utilisent. Cela fonctionne surtout aux États-Unis où nous avons une cinquantaine de clients, principalement des réseaux d’hôpitaux ou de cliniques. Les États-Unis ont développé le remote patient monitoring bien avant que nous lancions la télésurveillance. Sur la question des instruments motivationnels pouvant amener un patient à changer de comportement, ils sont en avance. Ils se sont aperçus que pour qu’un changement durable s’instaure dans notre vie, un accompagnement de deux à trois ans est nécessaire. Il doit également s’appuyer sur des données, facilement récoltées via une montre ou un pèse-personne afin que le patient dispose d’indications d’évolution. Vous avez indiqué que les LLM peuvent jouer un rôle dans la création de ces instruments motivationnels, est-ce un levier que vous avez déjà intégré à vos produits ? Les LLM sont une révolution. Ils nous permettent aujourd’hui avec une grande facilité de nous adresser de manière personnalisée à un utilisateur en fonction de ses mesures. Nous sommes également en train d’apprendre à parler de manière personnalisée à chacun en fonction de ce qui le touche. Pour cela, nous étudions ce que lit ou ne lit pas un utilisateur, si les conseils sont suivis ou non d’action. Nos abonnés Withings+ ont accès via les LLM à des analyses de leurs mesures et de leur statut de vitalité quotidien basées sur les données recueillies via nos appareils ou des données qu’ils intègrent eux-mêmes afin de reconstituer leur historique de santé. Quelle est la présence de Withings Health Solutions en Europe ? En Europe, ce service est également utilisé par des cliniques de santé. En France, nous commençons aussi à avoir des clients. Les trois plus gros acteurs de la télésurveillance (Satelia, Implicity et Semeia) utilisent aujourd’hui nos produits. Dans combien de pays êtes-vous commercialisé aujourd’hui ? Nos produits sont vendus dans plus d’une quarantaine de pays, les États-Unis représentent aujourd’hui notre premier marché (40%) suivi par l’Allemagne et la France. Le marché européen constitue 55% de nos ventes. Nous fonctionnons également très bien dans d’autres zones géographiques comme en Australie. Le fabricant de bague connectée Oura a clôturé ce mois-ci une levée de fonds de 900 M$. Votre dernière levée de fonds remonte à 2020, envisagez-vous un nouveau tour de financement ? Je pense qu’Oura bénéficie d’un effet de mode. Je me souviens que Jawbone, le fabricant de bracelet connecté, avait lui aussi suscité un engouement massif. L’entreprise a aujourd’hui disparu. Je ne pense pas que cela arrivera à Oura, car c’est une entreprise sérieuse. Mais je ne sais pas jusqu’à quand durera cet engouement. De notre côté, à court terme, nous ne prévoyons pas de levée de fonds. Concernant les études cliniques, quelle est aujourd’hui votre implication ? Nous participons à énormément d’essais cliniques, entre 200 et 300 études. Mais pour beaucoup, nous sommes présents de manière passive, c’est-à-dire que nous fournissons nos appareils, nous envoyons les données aux responsables de l’étude et, parfois, nous les aidons à analyser les données. Nous nous impliquons dans certaines études portant sur des thématiques nous intéressant particulièrement. Nous travaillons beaucoup avec l’Université de Flinders en Australie, ce centre de recherche est à l’origine du masque à pression positive continue pour traiter l’apnée du sommeil. Vous avez annoncé en décembre 2024 le lancement du projet DEEP, représentant un investissement de 20,7 M€ et soutenu par Bpifrance dans le cadre du plan France 2030. En quoi consiste-t-il ? Il s’agit d’un projet de recherche portant sur les maladies cardiométaboliques. Le déclenchement d’une maladie chronique est lié à des comorbidités, par exemple l’obésité entraîne du diabète mais également de l’apnée du sommeil dont découlent des problèmes cardiaques car le cœur se fatigue. Nous allons sortir dès l’année prochaine des premiers produits développés dans le cadre de ce projet. Ils vont nous permettre d’avoir une analyse plus profonde et des mesures afin de construire des scores pouvant prédire le déclenchement ou l’évolution d’une maladie. Vous avez lancé en février 2023 un appel à manifestation d’intérêt avec @Hotel Dieu. À quelle étape en êtes-vous ? Nous arrivons à la fin de ce projet, qui consistait à encourager les structures hospitalières à accompagner le patient quand il rentre chez lui. Sur certaines pathologies, comme la crise cardiaque sur laquelle nous travaillons beaucoup aux États-Unis, le risque de rechute à trois ou 12 mois est particulièrement élevé. Or, aux Etats-Unis, un séjour à l’hôpital coûte en moyenne 13 000 $. L’objectif est donc d’éviter aux patients de faire une rechute et de faire économiser cette somme au système en nous appuyant sur une mesure réalisée grâce à notre pèse-personne. Avec cet AMI, le but était de sensibiliser les structures et d’organiser le système d’information pour que ces actes puissent se faire simplement. Plusieurs études sont en cours et devraient se terminer à la fin de l’année 2026. Les informations clés de Withings Fondée en 2008 Vendue à Nokia en 2016 puis rachetée par Éric Carreel en 2018 15 millions d’utilisateurs 2 millions de fibrillations auriculaires et 5 millions d’apnées du sommeil détectées grâce à ses produits 53 M€ levés en 2020 Près de 400 salariés avec des bureaux à Issy-les-Moulineaux, Boston, Hong Kong et Shenzen Éric Carreel en cinq dates Depuis 2018 : Président de Withings Depuis 2017 : Membre de l’Académie des technologies Depuis 2016 : Membre du conseil d’administration de l’Institut national de la propriété industrielle Depuis juin 2010 : Président d’Invoxia 2008-2016 : Cofondateur et président de Withings Coralie Baumard AlgorithmesDispositif médicalia générativeobjets connectésPréventionStratégie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind