Accueil > Industrie > Les laboratoires pharmaceutiques ont largement augmenté leur influence sur LinkedIn pendant la pandémie Les laboratoires pharmaceutiques ont largement augmenté leur influence sur LinkedIn pendant la pandémie Pour mieux comprendre la place de LinkedIn, Facebook et Twitter dans la stratégie de communication des laboratoires pharmaceutiques, mind Health a étudié les comptes sur ces réseaux d’une trentaine de groupes. LinkedIn tient un rôle de plus en plus central, en particulier pour les comptes corporates. Par Aymeric Marolleau et Camille Boivigny. Publié le 16 novembre 2021 à 9h10 - Mis à jour le 08 décembre 2021 à 14h05 Ressources Les réseaux sociaux ont joué un rôle clé dans le partage de l’information de santé pendant la pandémie. Les laboratoires pharmaceutiques y ont pris la parole pour garder le contact avec leurs collaborateurs, les patients et le grand public. Comment y communiquent-ils ? En quoi cette communication a-t-elle évolué ces dernières années, en particulier pour s’adapter à la pandémie ? Pour la deuxième fois, mind Health a étudié la présence de quelques-uns des principaux laboratoires pharmaceutiques mondiaux et français sur les plateformes sociales. Nous avons inclus dans notre analyse 206 comptes créés sur Facebook, Twitter et LinkedIn par 27 groupes (voir méthodologie). [Data] La liste des comptes réseaux sociaux des laboratoires pharmaceutiques En juillet 2021, les laboratoires de notre panel comptaient au total 59 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux, contre 38 millions en juillet 2019, soit 21 millions de plus. LinkedIn est le site où ils ont la plus grande influence, puisque 40 millions de professionnels suivent les publications de leurs pages, soit 68 % du total, devant Facebook (15 millions) et Twitter (4 millions). C’est aussi sur le site dédié aux professionnels que l’évolution a été la plus forte, avec 18,3 millions d’inscrits gagnés en seulement deux ans, contre 1,8 million sur Facebook et 1 million sur Twitter. Comment expliquer cette progression ? “La pandémie a favorisé le développement de l’usage des réseaux sociaux pour toutes les parties prenantes de la santé, analyse David Réguer, directeur général de RCA Factory, une agence de communication spécialisée dans la santé. Par exemple, les équipes de vente ne pouvaient plus se déplacer pour rencontrer les médecins et LinkedIn s’est donc naturellement imposé comme un point de contact privilégié. Les dirigeants y ont également trouvé une nouvelle tribune pour s’adresser à leurs salariés. En outre, les laboratoires n’ont jamais été mis autant en avant auprès du grand public, ils ont donc dû affirmer leur présence”. Novo Nordisk est le laboratoire qui compte le plus d’abonnés : 10 millions pour 10 comptes, soit 17 % du total. Le laboratoire spécialisé dans le traitement du diabète le doit surtout à l’équipe sportive cycliste exclusivement constituée d’athlètes diabétiques qu’il sponsorise depuis 2013. Team Novo Nordisk, qui partage notamment des photos et vidéos de courses et d’entraînements, est en effet suivi par 8 millions de fans sur Facebook et 266 000 sur Twitter. “C’est une façon intelligente de faire le lien entre les valeurs de l’entreprise et celles du sport et de l’engagement, note David Réguer. Le laboratoire danois n’a pourtant réalisé que 18,03 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2019, bien loin de Johnson & Johnson, qui réunit 9,3 millions d’abonnés pour 82,1 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2019, et de Pfizer, qui a 5,4 millions d’abonnés pour 51,75 milliards de dollars de chiffre d’affaires (voir graphique). À l’inverse, la puissance de Merck & Co., Roche et AbbVie laissaient supposer une plus forte influence sur les réseaux sociaux. Ils n’ont en fait, respectivement, “que” 1 million, 2,8 millions et 1,5 million d’inscrits. 11 des 13 comptes qui dépassent le million d’abonnés sont des comptes corporates mondiaux sur LinkedIn, avec en particulier 6,9 millions d’inscrits pour celui de Johnson & Johnson. Son contenu ? Des messages pour rappeler son engagement pour le travail des femmes à l’occasion du “Women Equality Day”, des conseils pratiques pour construire son réseau professionnel, le relai d’une interview de médecin sur une maladie de peau et son traitement, ou encore pour renforcer sa marque employeur auprès des étudiants et des jeunes diplômés. “Les laboratoires sont en concurrence pour attirer des profils qui ont des compétences très spécifiques sur un marché du travail tendu. Or, presque tous les candidats s’informent désormais sur les réseaux avant de postuler”, note Eliott Siegler, co-fondateur et président d’AmazingContent, une agence spécialisée dans l’accompagnement des dirigeants à la prise de parole en ligne. Sur le compte corporate de Pfizer, qui a 4,2 millions d’abonnés, un message rappelant l’héritage du laboratoire dans les vaccins en a reçu plus de 1 700, un autre annonçant le début de la phase trois de l’essai clinique d’un vaccin candidat a reçu près de 3 000 likes de commentaires. AmazingContent vient de publier une étude qui porte notamment sur l’utilisation de LinkedIn par les dirigeants français du secteur de la santé : “Les services communication des laboratoires se sont emparés, bien plus que d’autres, de la fonctionnalité “LinkedIn Pulse”, qui représente 10 % des articles du secteur. Alors que les “Posts” les limitent à 2 500 caractères, le format “Pulse” leur permet de détailler très précisément leurs annonces. Cela correspond bien à leur tradition de recherche et de publication scientifique”, analyse Eliott Siegler. Le succès des publications LinkedIn s’explique aussi parce qu’ils trouvent un relais naturel chez les collaborateurs des laboratoires, “qui sont de plus en plus accompagnés dans des démarches “d’employee advocacy” au cours desquelles ils sont formés à interagir avec les comptes de l’entreprise pour la promouvoir et la défendre sur les réseaux sociaux”, remarque David Réguer. Les 10 comptes qui ont gagné le plus d’abonnés depuis l’été 2019 sont d’ailleurs tous des comptes LinkedIn corporate mondiaux : + 3,6 millions pour celui de Johnson & Johnson, + 1,6 million pour celui de Pfizer et + 1,3 million pour celui de Sanofi, par exemple. Les comptes Twitter et Facebook qui ont gagné le plus d’abonnés appartiennent tous deux à Pfizer, avec respectivement 193 000 et 158 000 inscrits supplémentaires. “À l’occasion d’une étude sur les comptes réseaux sociaux des dirigeants du SBF 120, nous avons remarqué que si 55 % d’entre eux sont présents sur LinkedIn, ils ne sont que 20% à s’exprimer sur Twitter. Ce chiffre tombe à 3% pour les dirigeants de la santé”, remarque Eliott Siegler, d’AmazingContent. Twitter est un média qui peut intimider ceux qui le maîtrisent mal, car ils redoutent le “bad buzz”. La tonalité des conversations sur Twitter semble aussi se prêter moins bien à la culture de discrétion et aux contraintes réglementaires qui accompagnent les laboratoires pharmaceutiques. L’activité de 67 CEO France sur les réseaux sociaux passée au crible Les comptes corporate, premiers vecteurs d’influence Près d’un compte sur deux étudiés sont des comptes corporates. Leur contenu ? Des actualités, les initiatives des filiales, des informations sur les pathologies… Ils concentrent 76 % des abonnés. 21,3% des comptes sont liés à une filiale ou un département. Il s’agit par exemple de ceux de Sanofi autour de Genzyme (290 000 suiveurs sur LinkedIn) et Pasteur (65 000 followers sur Twitter) ou de Servier avec Biogaran (104 000 fans sur Facebook). Ils ne représentent toutefois que 5% des abonnés. 18 des 206 comptes (8,7% des comptes mais 1,6% des abonnés) concernent des aires thérapeutiques et permettent aux laboratoires qui les ont créés de partager des informations sur une pathologie en particulier et d’animer une communauté de patients ou de leurs proches. Il s’agit par exemple de “Novartis Oncology” (225 000 abonnés sur LinkedIn), Takeda Oncology (123 000 sur Facebook et 79 000 sur LinkedIn) ou encore “Above MS”, pour “multiple sclerosis”, de Biogen (117 000 sur Facebook). Comment Amgen et Roxane ont construit une stratégie de communication sur Twitter “Facebook est le réseau social privilégié par les communautés de patients, créées autour d’une pathologie. Bohringer et Pfizer sont particulièrement actifs dans ce domaine, remarque Rémy Teston, fondateur du site Buzz-esanté. Ces communautés ont plusieurs dizaines de milliers d’abonnés qui publient tous les jours, ce qui suppose une besoin important de modération, souvent délégué à un prestataire externe, notamment pour la pharmacovigilance pour laquelle des réponses-types sont élaborées.” Quant aux comptes Twitter, les laboratoires sont en train de professionnaliser leur gestion, selon le baromètre #BeyondTheScore d’avril 2021. Les sept laboratoires français ont 5 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux Nous avons inclus sept groupes français à notre analyse : Sanofi (dont Genzyme et Sanofi Pasteur), Servier (dont Biogaran et WeHealth), Pierre Fabre, BioMérieux (dont Ceeram), Ipsen, Guerbet et LFB Biomedicaments. Sans surprise, Sanofi (40,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2019) est celui qui compte le plus d’abonnés : 3,6 millions via 11 comptes. Il devance Servier (5,17 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2019), qui en a 632 000 pour huit comptes. Les cinq comptes les plus suivis sont des pages LinkedIn (Sanofi, Servier, Sanofi Genzyme, Pierre Fabre Group, bioMérieux). La page Facebook la plus suivie est celle de Servier, avec 164 000 abonnés. Le profil Twitter le plus suivi est celui de Sanofi, avec 142 000 followers. Pour leur communication, les laboratoires français peuvent aussi s’appuyer sur le Leem. Le syndicat professionnel qui les représente a en effet créé des comptes sur LinkedIn, Facebook, Twitter et Instagram, en particulier pour faire de la pédagogie. Frédéric Collet, son président, poste ainsi régulièrement des tribunes sur le compte LinkedIn de l’association, qui a 71 000 abonnés. Le profil Twitter, actif depuis 2011, a 31 000 followers ; il permet notamment de diffuser en direct les webinaires “#RienAcacher”, où des experts du Leem interagissent avec le grand public et les professionnels de santé. Sa dernière édition, fin octobre, a été visionnée par plus de 440 internautes. La page Facebook, dédiée à l’information grand public sur les médicaments, leur usage, ou encore la recherche, est baptisée “Le médicament et moi” et a plus de 15 000 fans. Le compte Instagram, créé en septembre 2020, a près de 1 000 abonnés. Explorez toutes ces données dans notre graphique interactif : Quid des réseaux sociaux émergents ? Aux côtés de Linkedin, Twitter et Facebook, où les laboratoires sont très présents, notamment via leurs comptes corporates ou ceux de leurs dirigeants, la santé est également présente sur d’autres plateformes, en particulier YouTube, Instagram et plus récemment TikTok, où les conversations sont plutôt portées par des influenceurs. Rémy Teston, fondateur du site Buzz-e santé, précise les particularités de chacune : “Les communautés de patients, autour du diabète, de la sclérose en plaque ou du cancer comptent jusqu’à 20 000 à 30 000 abonnés sur Instagram. YouTube est surtout utilisé comme plateforme d’hébergement de vidéos qui seront ensuite diffusées sur d’autres réseaux, à destination des jeunes médecins. Sur TikTok, des internes ou de jeunes praticiens publient quotidiennement sur leurs pratiques ou pour aider des pairs.” À l’instar de Carla Valette, qui se présente sur son compte comme étant “en sixième année de médecine”, suivie par 2,5 millions d’internautes, ou le Dr Never, qui a 2,3 millions d’abonnés. “Les laboratoires eux-mêmes y sont encore peu présents car le format – des vidéos courtes, avec une ligne éditoriale fondée sur le visuel -, se prête peu à leur communication, et l’audience, qui a en grande majorité moins de 25 ans, ne correspond pas à leur cible”, explique Rémy Teston. Par Camille Boivigny Méthodologie Nous avons pris en compte, dans cette étude, une vingtaine de laboratoires pharmaceutiques parmi les plus importants par leur chiffre d’affaires, selon les différents classements disponibles. Nous avons également intégré une demi-douzaine de laboratoires français de taille plus modeste (bioMérieux, Guerbet, Ipsen, LFB Biomédicaments, Pierre Fabre, Servicer et Thea). Puis nous avons recensé les comptes, monde et France, que chacun de ces 27 acteurs possédait sur Facebook, Twitter et LinkedIn, en juillet 2021. Nous avons également pris en compte les comptes de leurs principales filiales et départements, fondations… Nous avons exclu de l’analyse les comptes qui étaient suivis par moins de 1 000 internautes, sauf s’il s’agissait du compte principal du laboratoire ou de sa filiale, s’il s’agissait d’un compte “carrière”, ou s’il concernait une aire thérapeutique spécifique. Pour chacun des 206 comptes ainsi obtenus, nous avons récupéré des informations aussi variées que le nombre d’abonnés, de posts, de likes… Certains comptes ont pu nous échapper, ou une erreur se glisser dans notre travail. Une remarque, une question ? N’hésitez pas à nous contacter : datalab@mind.eu.com Aymeric Marolleau et Camille Boivigny FacebookLaboratoiresRéseaux sociauxStratégie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire La liste des principaux comptes sur les réseaux sociaux des laboratoires pharmaceutiques Avec 223 comptes, la présence sur les réseaux sociaux de 27 laboratoires pharmaceutiques décryptée Déployer sa stratégie sur les réseaux sociaux en sept points clés