Accueil > Industrie > R&D > Pierre Desmarais : comment est interprété le critère d’intérêt public dans la recherche ? Pierre Desmarais : comment est interprété le critère d’intérêt public dans la recherche ? L'avocat Pierre Desmarais revient sur la publication en février 2019 des six principes d'appréciation de l'intérêt public par l'Institut national des données de santé. Par . Publié le 29 mars 2019 à 15h28 - Mis à jour le 29 mars 2019 à 15h28 Ressources La loi Touraine a conditionné l’utilisation de données relatives à la santé à des fins de recherche, d’étude ou d’évaluation à une finalité « d’intérêt public ». Bien que connue des juristes, puisque déjà utilisée dans la loi Informatique et Libertés, la notion d’intérêt public a manifestement laissé l’Institut national des données de santé (INDS) perplexe, celui-ci ayant organisé un appel d’offres en vue de la cerner et de définir une doctrine d’évaluation. L’INDS a pris du temps, pour y parvenir. Le législateur a même dû intervenir en 2018, en précisant que « la garantie de normes élevées de qualité et de sécurité des soins de santé et des médicaments ou des dispositifs médicaux constitue une finalité d’intérêt public », en attendant que l’Institut ne statue. Ce n’est, au final, qu’en février 2019 qu’ont été publiés les six « principes d’appréciation de l’intérêt public ». Vous espériez savoir comment est apprécié l’intérêt public ? vous allez être déçu. On déplore tout d’abord une confusion entre l’intérêt public de la finalité, question de fond, avec des conditions de forme. Ainsi, le 2e principe tend-il à favoriser les responsables de traitement qui assureront une bonne diffusion des résultats de leur étude. Or, l’engagement de publication des résultats n’a a priori aucune incidence sur la caractérisation de l’intérêt public de la finalité. De la même façon, la possibilité d’auditionner un demandeur (6e principe) ne permet aucunement d’appréhender les critères permettant de retenir intérêt public. En deuxième lieu, quatre des six principes se bornent à paraphraser le RGPD et la Cnil. En effet, en exigeant que « toutes les finalités [soient] exposées et (…) claires, intelligibles et sincères », l’INDS s’est borné à paraphraser le principe de limitation des finalités du RGPD. De même, il est évident que « l’intérêt public (…) [doit] être jugé au moment de l’instruction, sur la base des finalités exposées et des résultats attendus ». Quant à la compatibilité entre recherche industrielle et intérêt public (4e principe) et à l’indifférence à la nature juridique du promoteur (5e principe), ces solutions avaient déjà été dégagées par la Cnil. Des principes qui vont au-delà des attentes du législateur Enfin, les principes de l’INDS vont au-delà des attentes du législateur, et ça n’est pas une bonne chose. En effet, si le 2e principe s’appuie sur l’obligation légale de transmission de la méthode et des résultats ainsi que des moyens d’en évaluer la validité, l’Institut annonce clairement que dans le cadre de l’évaluation de l’intérêt public, il favorisera les promoteurs assurant « la diffusion la plus large au-delà des exigences de transparence portées par la loi ». Aussi louable soit-elle, l’intention entre en contradiction avec le principe d’égalité devant la loi. En effet, la loi fixe un seuil à atteindre et l’on ne saurait inciter à aller au-delà en faisant miroiter une plus grande souplesse dans l’appréciation de l’existence d’un intérêt public. La rupture du principe d’égalité est encore accrue par la « présomption d’intérêt public » des recherches à la demande ou à destination des autorités publiques. Autre émancipation du cadre légal avec le 3e principe, selon lequel l’intérêt public sera au vu des finalités du traitement, comme le prévoit la loi, mais également au vu des résultats attendus. L’expérience de la loi de 1978 montre qu’il est possible de fixer précisément la finalité par anticipation. En revanche, l’aléa quant aux résultats est le principe même de la recherche. Se fonder sur les « résultats attendus », condition non prévue, pour apprécier l’existence d’un intérêt public, ne reviendrait-il alors pas à encourager une exagération des résultats attendus pour influer sur l’évaluation administrative de l’intérêt public ? Soyons honnêtes. La lecture de ces six principes ne permettra malheureusement pas aux promoteurs de savoir comment caractériser une finalité d’intérêt public. PIERRE DESMARAIS 2016 : Obtient la certification ISO27005 Analyste de Risque SI 2012 : Création du cabinet Desmarais Avocats, spécialisé en droit numérique, des données et de l’innovation 2012 : Devient Correspondant Informatique et Libertés (CIL) 2009 : Avocat au Barreau de Paris, spécialisé en droit numérique et de la santé Données de santéRechercheRèglementaire Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind