Accueil > Industrie > Virginie Gervaise (Philips) : “Pas un cycle de R&D, aujourd’hui, ne se fait sans partenaire” Virginie Gervaise (Philips) : “Pas un cycle de R&D, aujourd’hui, ne se fait sans partenaire” Le Health Innovation Paris, inauguré en octobre 2023, est la vitrine de l’innovation en santé de Philips. Ce positionnement permet d'attirer peu à peu les établissements vers la coconstruction de solutions dans les domaines de la thérapie guidée par l’image, de la cardiologie et de la radiologie. Au fil des innovations technologiques, le champ préventif infuse largement dans la stratégie du groupe industriel néerlandais. Rencontre avec Virginie Gervaise, présidente de Philips France, au salon SantExpo. Par Clarisse Treilles. Publié le 03 juin 2025 à 23h08 - Mis à jour le 12 août 2025 à 18h46 Ressources Comment se porte aujourd’hui le Health Innovation Paris (HIP), plus d’un an et demi après sa création ? Le HIP est aujourd’hui l’un des centres phares de Philips dans le monde. Ce centre basé en France couvre les besoins mondiaux de Philips en matière de R&D. Sa feuille de route consiste à développer les nouvelles technologies qui répondront aux futures problématiques de santé numérique. Les trois dominantes qui étaient pressenties à l’ouverture de ce hub sont toujours actuelles, à savoir l’interopérabilité autour des données quelles qu’elles soient, la cybersécurité et l’intelligence artificielle appliquée aux différentes lignes de business. Ce hub agrège les entreprises acquises par Philips – Cardiologs et Capsule – et intègre les ingénieurs du groupe qui travaillaient dans différentes branches auparavant. Aujourd’hui, c’est un pôle d’attractivité majeur en France. J’ai pris mes fonctions en tant que présidente de Philips France au début de l’année 2023. Rapidement, Roy Jakobs m’a contactée pour évoquer le virage numérique en santé pris par Philips et les restructurations attendues au niveau de la R&D à l’échelle mondiale, qui nécessitait de créer des pôles d’innovations à différents endroits. Avec les sujets entourant la souveraineté et la data, il fallait un hub en Europe. Paris a été sélectionnée, ce qui a permis de donner une nouvelle dimension à la branche de Philips en France. En quoi ce centre permet-il de faciliter le déploiement de stratégies d’innovation ? Ce HIP nous permet d’accélérer le nombre de partenariats avec des établissements publics et privés. Il n’y a pas un cycle de R&D, aujourd’hui, qui se fait sans partenaire. Si nous faisons un pas de recul sur la manière dont s’organisait la R&D par le passé, on s’aperçoit que les industriels avaient tendance à conceptualiser et designer les innovations seuls. Une fois prêtes, ces innovations étaient ensuite testées avec les clients. Le comité scientifique et l’équipe médicale validaient les projets avant leur mise en production, mais cela se faisait sans volonté de coconception. Ce mode opératoire était le plus répandu chez les industriels. Désormais, il est très rare qu’une innovation émerge uniquement de nos équipes d’ingénieurs. Un projet est systématiquement confronté aux idées et aux volontés des équipes médicales et des référents dans les domaines cliniques sur lesquels nous sommes actifs, comme la cardiologie, la radiologie ou encore l’oncologie. Cela nous permet de monter des preuves de concept et d’être certains de la pertinence de l’innovation. Quel est le budget de Philips dédié à la R&D ? Le budget de Philips en R&D se porte à 1,8 milliard d’euros par an, dont 1 milliard d’euros dédié à l’intelligence artificielle. Le pourcentage des revenus alloué à la R&D reste toujours fixe. Nous n’avons jamais baissé la voilure à ce niveau. Chez Philips, la variable d’ajustement n’a jamais été le budget de R&D. Ce qui change, c’est la manière dont nous concevons nos projets, en incluant les clients pour développer l’innovation qui va être utilisée par les centres hospitaliers et servir, in fine, aux patients. La localisation du HIP à Paris nous permet d’augmenter significativement le nombre de partenariats avec des établissements en France. Avez-vous déjà chiffré les retombées économiques de ces partenariats ? Un partenariat en santé pour faire émerger l’innovation ne se fait pas en deux ou trois mois. En un an et demi, nous n’avons pas encore de retombée économique. En revanche, des innovations vont sortir. Nous avons accueilli des équipes médicales et paramédicales grâce à ce centre pour réfléchir ensemble et coconstruire la feuille de route de l’innovation de demain. Cette unité de lieu nous permet de trouver des points de convergence et de voir vers où on va aller avec nos partenaires. C’est l’un des premiers piliers du HIP : favoriser et accélérer les rencontres avec les équipes médicales pour discuter des innovations. Quels sont les autres objectifs de ce lieu ? Nous avons également utilisé ce lieu pour promouvoir le réseau de Philips. C’est un point de convergence pour communiquer sur divers sujets, via nos événements auxquels accèdent nos partenaires. Ce sont les deux axes principaux sur lesquels nous voulons travailler. Parmi les innovations que nous avons apportées au sein du HIP figure par exemple la mise en place d’une salle de scanning pour l’échographie en bêta test. Des expériences sont réalisées sur les sondes d’acquisition et le cœur du système. Nous aidons ensuite les clients à ajuster les résultats obtenus. L’IA est très présente sur le salon. Quelles observations faites-vous chez Philips sur l’usage de cette technologie aujourd’hui dans les hôpitaux ? Aujourd’hui, personne ne pourrait se détourner de ce sujet. L’IA intégrée dans les équipements va permettre plein de bénéfices en termes de productivité, d’accélération de l’innovation. Des gains très concrets comme l’obtention d’une meilleure qualité d’image rend possible également la découverte fortuite, qui permet in fine d’entrer dans le champ de la prévention et de la médecine prédictive, un axe d’étude très important pour Philips au niveau de la R&D. Concernant les discussions que nous avons aujourd’hui avec les directions de centres hospitaliers, l’une des demandes sur lesquelles nous sommes beaucoup sollicités concerne l’innovation organisationnelle. Comment réorganiser l’hôpital, le parcours patient ? L’IA va aider à optimiser ces champs-là, car elle permet l’extraction de données du patient, de son entrée jusqu’à sa sortie de l’établissement, et même en dehors. Au niveau du parcours patient, nous sommes en capacité avec l’IA de prédire le suivi longitudinal d’un patient qui entre à l’hôpital, pour une opération notamment. Avec nos équipements, nous pouvons analyser les courbes d’ECG des patients grâce à l’agrégation de millions de données. L’IA va permettre d’avoir une réflexion non seulement sur l’organisation du parcours patient mais aussi sur celle des équipes médicales et paramédicales. Plus globalement, cela s’intègre à une médecine de plus en plus prédictive. Nous savons que la prévention est un des axes en puissance. C’est une mouvance que nous devons pousser, en tant qu’industriel, et avec tout l’écosystème, pour que cela s’améliore. Aujourd’hui, l’indicateur de santé de la population doit changer : nous avons toujours regardé l’indicateur de l’espérance de vie, mais cela doit évoluer vers l’espérance de vie en bonne santé car c’est à ce niveau que la prévention intervient. Comment s’illustre cette bascule vers le champ de la prévention chez Philips ? Nous voulons développer des technologies capables de contribuer à établir une politique de prévention, le jour où elle se mettra en place, autour par exemple du dépistage organisé du cancer du poumon. Nous savons qu’il s’agit du prochain sujet majeur. L’un des leviers pour y parvenir est le scanner, l’équipement de référence qui sera utilisé dans le dépistage du cancer du poumon. Il y a encore cinq ou dix ans, nous n’aurions pas été capables de le mettre en place en France, car les scanners étaient alors encore trop irradiants. Avec les prouesses technologiques et l’arrivée sur le marché de scanners peu irradiants, screener une partie de la population dans le cadre d’un programme de dépistage, de façon automatisée et randomisée, prendrait tout son sens. Sur quels projets travaillez-vous en particulier ? Aujourd’hui, Philips fait partie d’un consortium avec Cardiologs, le CHU de Bordeaux et le CHU Dijon Bourgogne notamment, autour d’un projet de recherche visant à mieux prévenir le risque d’AVC cardio-emboliques grâce à l’intelligence artificielle. À partir de données d’ECG, les cardiologues sont conseillés sur la lecture et la compréhension du diagnostic et nous travaillons à l’élaboration d’un scoring qui permettra de donner les pourcentages de risques qu’un patient puisse être touché plus tard d’un AVC cardio-embolique. Ce type d’AVC est extrêmement grave et meurtrier, représentant près de 30% des AVC. L’objectif n’est pas d’inquiéter le patient, mais de faire en sorte d’informer son cardiologue en amont pour adapter son suivi. Quand seront disponibles les résultats de cette étude ? Nous arrivons à la fin des travaux. Le modèle prédictif devrait être terminé d’ici la fin de l’année ou au début de l’année prochaine. Nous allons passer en phase de validation. Il faudra ensuite compter 18 mois pour obtenir le marquage CE. C’est l’une des problématiques auxquelles nous sommes confrontées sur le marché français, car le délai de mise à disposition de l’innovation engendre de la frustration. Enfin, sur le volet RSE, avez-vous de nouveaux projets, à l’instar du partenariat monté avec le CHU de Rennes autour du bilan carbone en imagerie ? Le CHU de Nîmes, avec qui nous avons signé un partenariat autour du scanner pour le dépistage, s’y intéresse beaucoup. C’est un sujet encore en cours d’exploration. Ce qui est certain, c’est qu’il n’y a pas de centre hospitalier aujourd’hui qui ne s’intéresse pas à la RSE. C’est devenu un véritable sujet de société. Une communauté se monte autour de cette thématique, même si cela prend du temps. Le “Future Health Index”, prochain rendez-vous du HIP à l’automne En octobre prochain, Philips organisera un événement à l’occasion de la publication de son rapport mondial “Future Health Index”, sur l’usage de l’intelligence artificielle par les praticiens. Ce rapport mondial a pour objectif d’analyser les usages de l’IA pour comprendre les priorités à l’œuvre dans les différents pays. En 2025, 16 marchés étaient à l’étude, dont la France. CV Depuis décembre 2024 : présidente du groupe Imagerie au SnitemDepuis janvier 2023 : Présidente de Philips FranceOctobre 2020 – Novembre 2022 : Senior Sales ITERO Director chez Align TechnologyOctobre 2014 – Septembre 2020 : Regional Sales Director for Imaging Business chez GE HealthcareJanvier 2012 – Octobre 2014 : Sales Manager for Gynecology & Obstetric Ultrasound Business chez GE Healthcare Clarisse Treilles cardiologieDispositif médicalImagerie médicaleIndustrieInnovationPréventionRechercheStratégie Besoin d’informations complémentaires ? 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