Accueil > Industrie > WhiteLab Genomics, la modélisation in silico au service de la thérapie génique WhiteLab Genomics, la modélisation in silico au service de la thérapie génique Une poignée d’acteurs, dont WhiteLab Genomics, commencent à paver le chemin de l’intelligence artificielle dans le domaine de la médecine génomique. Depuis 2019, la start-up francilienne développe et exploite sa plateforme d'IA pour accélérer et réduire les risques dans les développements de thérapies géniques et cellulaires. Récit d’un parcours audacieux avec son CEO, David Del Bourgo. Par Clarisse Treilles. Publié le 07 novembre 2023 à 21h42 - Mis à jour le 07 novembre 2023 à 14h34 Ressources Genèse Le potentiel des thérapies géniques, consistant à introduire du matériel génétique dans des cellules pour traiter des pathologies, est immense. Pourtant, seulement une vingtaine de traitements sont aujourd’hui sur le marché en Europe, aux Etats-Unis et en Chine. C’est à ce défi que David Del Bourgo et Julien Cottineau ont voulu se mesurer en 2019, en cofondant WhiteLab Genomics au Genopole d’Évry-Courcouronnes (Essonne). David Del Bourgo, CEO de WhiteLab Genomics. Crédit : WhiteLab Genomics “Les sociétés d’édition du génome étaient en plein boom dans les années 2014-2015. En réfléchissant aux nouveaux challenges de l’industrie, je me suis aperçu que dans le domaine des thérapeutiques qui utilisent des composants génomiques, on comptait énormément d’innovations et de données disponibles pour très peu d’outils capables d’aider les scientifiques à rationaliser leur travail et développer plus efficacement un concept ou un médicament”, évoque David Del Bourgo à mind Health. Dès lors, la question du volume de données devient centrale. “La quantité d’information qui émanait de l’industrie, que ce soit des laboratoires académiques ou des laboratoires de recherche industriels, était monumentale mais difficile à gérer pour un cerveau humain, aussi brillant soit-il” poursuit David Del Bourgo. Se tournant alors vers la piste de l’intelligence artificielle, les deux fondateurs ont imaginé des outils pour “aider l’industrie à être plus performante dans le développement des médicaments”. David Del Bourgo a déjà plusieurs années d’expérience en biologie génomique quand il s’y attelle avec Julien Cottineau, actuel chief scientific officer (CSO) de WhiteLab Genomics, auparavant généticien à l’Institut Imagine et l’un de ses anciens collaborateurs chez Genomic Vision. Optimiser les coûts et le temps de développement “Un médicament mettant 15 ans à être développé en moyenne va passer environ 7 ou 8 ans en développement préclinique et 7 ou 8 ans en développement clinique”, constate David Del Bourgo, dont l’ambition, avec WhiteLab Genomics, est de diviser par trois le temps de développement préclinique. En faisant accélérer le temps de la recherche, WhiteLab Genomics espère contribuer à faire baisser les coûts de fabrication et de vente en bout de chaîne. Dans ce domaine hautement spécialisé où les taux d’attrition sont élevés (à hauteur de 10%), les traitements se vendent chers, à l’instar de Zolgensma du laboratoire Novartis, utilisé pour traiter l’amyotrophie spinale. Il a été commercialisé pour 2 millions d’euros au moment de sa sortie en 2019. “Notre travail, c’est d’aider l’industrie de manière à faire en sorte qu’il n’y ait pas 10 000 thérapies géniques et cellulaires en développement pour seulement 10 sur le marché. Nous voulons que le ratio change” soutient David Del Bourgo. La modélisation in silico au service de la thérapie génique Le défi qui se pose alors, explique-t-il, “consiste à mieux qualifier le design et la spécificité du médicament en machine, vérifier et itérer rapidement via l’automatisation, afin que le candidat médicament ait ensuite les meilleures chances de succès”. WhiteLab Genomics met en forme des graphes de connaissances et exécute des algorithmes de machine learning et de deep learning à partir d’ensembles de données hétérogènes, composés à la fois de données textuelles, biologiques multi-omiques et expérimentales. Les données publiques sont issues des bases de données ouvertes (atlas des protéines, cartographie des cellules, etc). Enfin, les données privées sont issues des bases des clients eux-mêmes ou d’autres partenaires – WhiteLab Genomics fonctionnant beaucoup sur la base de partenariats. L’objectif de la plateforme de simulation de thérapies géniques est de réaliser une modélisation prédictive de composants génétiques sur la base de milliards de codes. Cette tâche est confiée à l’intelligence artificielle générative, qui elle seule permet de “générer de nouvelles hypothèses à partir des modèles”, décrit David Del Bourgo. “Nous sommes dans une ère où l’intelligence artificielle mêlée aux médicaments est devenue un sujet qui intéresse beaucoup. L’IA est devenue plus accessible également” analyse-t-il. En résumé, WhiteLab Genomics est engagé sur trois étapes : la découverte de cibles, la conception de charges utiles (la séquence thérapeutique) et la conception de vecteurs (le véhicule qui transporte la charge utile jusqu’à sa destination finale, autrement dit la cellule hôte). Pour réaliser ces étapes, WhiteLab Genomics a dû développer son propre atlas de biomarqueurs cellulaires. “Tous ces composants complexes sont analysés in silico, pour que les biotech et laboratoires pharmaceutiques avec qui nous travaillons puissent ensuite les tester dans leurs laboratoires” décrit David Del Bourgo. Aires thérapeutiques Puisque la start-up réalise toutes ses analyses au niveau cellulaire, elle se revendique agnostique en termes d’aire thérapeutique ciblée. David Del Bourgo témoigne que “les thérapies géniques, en particulier, ont commencé historiquement sur les maladies rares et se sont développées par la suite sur des maladies moins rares. Nous ne travaillons pas sur une aire thérapeutique en particulier. L’atlas de biomarqueurs cellulaires que nous avons créé concerne plusieurs centaines de types cellulaires différents. Les défis sont différents : on peut travailler à la fois sur des tissus du muscle cardiaque, comme sur des tissus du système nerveux, voire des tissus du foie.” WhiteLab Genomics et l’écosystème WhiteLab Genomics a rejoint très tôt le programme d’incubation de jeunes pousses du Génopole, avant d’intégrer tour à tour le programme Future 40 de Station F, l’incubateur américain Y Combinator, la première promotion de l’accélérateur Future4Care, ainsi que celle du programme Health20 de la French Tech. Les partenariats sont clés pour WhiteLab Genomics. En février 2021, la start-up a commencé par signer un partenariat avec Généthon, centre de R&D à but non lucratif dédié à la thérapie génique des maladies rares, de la recherche à la validation clinique. Dans le cadre de cet accord, Généthon peut exploiter Catalyst, la plateforme propriété de WhiteLab Genomics, pour screener des milliers de séquences. Quelques mois plus tard, la start-up a noué un partenariat avec l’équipe de l’Accélérateur de Recherche Technologique en Thérapie Génomique (ART-TG, Inserm US35) pour générer une base de données spécifique à la bioproduction de vecteurs lentiviraux avec la plateforme Catalyst. ART-TG est un centre d’innovation Inserm situé au Génopole, qui a pour mission de promouvoir la recherche en thérapie génique et cellulaire en facilitant le transfert des découvertes thérapeutiques vers des applications cliniques ou industrielles. La plateforme de WhiteLab Genomics est notamment utilisée pour identifier les paramètres permettant d’augmenter la qualité des vecteurs. Cette initiative a été soutenue par la Région Ile-de-France, dans le cadre du dispositif Île-de-France Leader Bioproduction lancé fin 2020. En 2023, WhiteLab Genomics bénéficie du soutien du programme Health20 de la French Tech, qui s’adresse aux start-up à forte dimension deeptech dans les domaines des biothérapies et bioproductions de thérapies innovantes, santé numérique et maladies infectieuses. Encore plus récemment, WhiteLab Genomics a participé le mois dernier à la création du consortium WIDGeT, aux côtés de Sanofi, du laboratoire TaRGeT de Nantes Université et de l’Institut Imagine. Ce projet vise à accélérer le développement de thérapies géniques à base de vecteurs viraux dérivés de virus adéno-associés (AAV) et adresse spécifiquement les thérapies destinées à la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) et aux podocytopathies héréditaires (maladies rénales). Ce projet est lauréat de l’appel à projets “Innovations en biothérapies et bioproduction”, piloté par Bpifrance. À travers ces partenariats, les intentions de la start-up sont avant tout pragmatiques : “Nous voulons montrer notre impact industriel auprès des laboratoires de recherche et grâce à notre plateforme”, souligne David Del Bourgo. Poussée aux États-Unis Depuis sa levée de fonds de 10 M€ en 2022, WhiteLab Genomics met le cap sur les États-Unis, car “il s’agit du marché le plus important pour les biotech”, observe David Del Bourgo. Dans les prochains mois, des recrutements sont prévus – essentiellement sur la côte Est – pour gagner en visibilité outre-Atlantique. L’Amérique du Nord est certainement un marché qui inspire les start-up françaises. Fin septembre dernier, WhiteLab Genomics a participé à un déplacement au Québec organisé par la région Ile-de-France, à la rencontre de l’écosystème québécois, réputé pour sa maturité en IA et en informatique quantique. Cette expédition a permis à David Del Bourgo “d’échanger avec d’autres entrepreneurs sur les défis et opportunités de développement en Amérique du Nord”, a-t-il confié. WhiteLab Genomics en chiffres Les financements : WhiteLab Genomics a levé 10 millions d’euros en septembre 2022. Avec ce tour de table, mené par Debiopharm Innovation Fund et Omnes Capital, la start-up vise à poursuivre le développement de sa R&D et ses activités aux États-Unis. La prochaine levée de fonds ne devrait pas intervenir avant “la fin d’année 2024, voire début 2025”. David Del Bourgo commente : “Nous ne sommes pas dans l’urgence, d’autant que le marché est assez tendu.” Le modèle d’affaires : WhiteLab Genomics ne fournit pas de logiciel en SaaS, mais opère elle-même sa plateforme en interne. Les résultats sont ensuite fournis aux clients, sous la forme de partenariats très souvent, ou bien de collaborations sur le développement de nouveaux médicaments. Dans ce deuxième cas de figure, “nous sommes associés à la propriété intellectuelle sur les médicaments développés”, précise David Del Bourgo. De fait, ce modèle économique génère du chiffre d’affaires “depuis assez tôt”, commente David Del Bourgo, sans toutefois en préciser le montant. “Nous avons commencé par des petits contrats, et nous doublons chaque année” déclare ce dernier. “Les projets sont pluriannuels, donc récurrents dans le temps. Nous ne sommes pas sur du “one shot””, souligne le CEO. Les effectifs : WhiteLab Genomics compte 30 salariés à l’heure actuelle. Près des deux tiers des effectifs servent la partie scientifique et technologique, avec des biologistes computationnels, des biologistes structuralistes et des data scientists. Les équipes business, opérationnelle et support représentent, quant à elles, un tiers des effectifs. CV de David Del Bourgo 2018 – aujourd’hui : CEO cofondateur de WhiteLab Genomics2014 – 2018 : Head of Sales and Marketing chez Genomic Vision2009 – 2014 : VP Marketing, BD and Sales chez Theraclion2006 – 2009 : Director of Marketing and Business Development dans l’imagerie médicale chez Orbotech2005 – 2006 : Manager Strategic Consulting chez Advention Business Partners1997 – 2003 : a exercé plusieurs postes au sein de GE Healthcare, dont Global Product Manager entre 2001 et 20032001 – 2003 : Global Product Manager chez GE Medical Systems (GE Healthcare) Formations : Titulaire d’un MBA de l’University of Chicago Booth School of Business et de deux Masters des sciences en ingénierie biomédicale de l’Université de Tel Aviv et de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC). Clarisse Treilles GénétiqueIntelligence ArtificielleMédicamentstart-upStratégie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Start-up à la loupe gratuit Owkin, être la référence de l’IA en biologie Start-up à la loupe Iktos explore les molécules avec l'intelligence artificielle générative