Accueil > Parcours de soins > BOPA : moderniser le bloc opératoire pour améliorer la chirurgie et la prise en charge des patients BOPA : moderniser le bloc opératoire pour améliorer la chirurgie et la prise en charge des patients Issue d’un partenariat entre l’AP-HP et l’Institut Mines-Télécom (IMT), la chaire innovation “Bloc OPératoire Augmenté” (BOPA) a deux rôles : identifier les problèmes du bloc opératoire et fournir aux chirurgiens une palette d’outils numériques permettant d’améliorer leur pratique et la prise en charge des patients. Une approche aussi bien technologique qu’humaine, comme l’expliquent à mind Health le professeur Eric Vibert, chirurgien au sein du Centre hépato-biliaire de l’hôpital Paul-Brousse AP-HP à l'origine du BOPA et Enguerrand Habran, directeur du Fonds FHF et directeur des opérations du BOPA. Par Sandrine Cochard. Publié le 17 mai 2022 à 10h20 - Mis à jour le 19 mai 2022 à 10h27 Ressources Faire du bloc opératoire un nouveau laboratoire d’expérimentation et d’innovation au service des chirurgiens et des patients… C’est tout l’enjeu de la chaire BOPA, lancée en janvier 2020 et hébergée au sein de l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif. “Tout a commencé avec les week-end de l’innovation chirurgicale, un événement annuel pensé par le Pr Vibert et accompagné par le Fonds FHF. L’objectif était de se réunir tous les ans, fin juin, pour penser le futur de la chirurgie de manière holistique, en intégrant à cette réflexion des médecins (chirurgiens, anesthésistes…), mais aussi des profils issus d’autres disciplines (mathématiciens, ingénieurs, pilotes d’avion, philosophes, des anthropologues…). Beaucoup d’idées sont nées de ça et nous avions à coeur de les matérialiser”, explique aujourd’hui Enguerrand Habran. C’est ainsi qu’est née la chaire BOPA. Fournir des outils numériques en fonction de 6 grandes catégories de besoins BOPA s’articule autour de six blocs systémiques : le Bloc Human Factor, le Bloc Viz, le Bloc Bot, le Bloc Light, le Bloc Touch et le Bloc Box, qui couvrent les domaines de la communication entre chirurgien et patient, la captation d’images chirurgicales, l’analyse du langage naturel dans le bloc opératoire, la réalité augmentée par l’utilisation de jumeaux numériques ou de la lumière fluorescente, la robotique collaborative ou cobotique (conception de robots collaboratifs) et la protection des données du bloc et des patients. Afin de développer ces nouveaux outils, la chaire BOPA a mis en place divers partenariats multi-métiers et pluridisciplinaires. En un peu moins d’un an et demi d’existence, la chaire a ainsi mené 18 projets (lire encadré). Un bloc connecté aménagé sur le site de Paul-Brousse, capable de reproduire les conditions réelles d’exercice de la chirurgie, permet de tester de nouvelles solutions et conduire des POC. Les solutions expérimentées sont ensuite diffusées à l’ensemble de l’AP-HP, dans l’ensemble des disciplines chirurgicales, adultes et pédiatriques. Dans cette perspective, les équipes de la chaire travaillent en étroite collaboration avec les équipes de l’hôpital Bicêtre, la Pitié-Salpêtrière, Cochin… Des discussions sont en cours avec l’hôpital Lariboisière pour connecter le bloc opératoire à l’entrepôt des données de santé (EDS) AP-HP de l’hôpital, qui centralise les données de plusieurs dizaines de millions de malades. “L’idée est d’avoir des connexions entre le bloc opératoire, le matériel d’anesthésie et l’EDS. Eux ont créé des ponts entre le matériel d’anesthésie et l’EDS et l’objectif est que l’on crée nous des ponts entre le matériel d’anesthésie et des dispositifs que l’on développe ici. On est en train de créer quelque chose qui va permettre à terme de pouvoir évaluer la qualité des soins en se basant sur des données issues d’EDS de l’AP-HP”, détaille le Pr Eric Vibert. Un changement de paradigme pour les chirurgiens Les promesses de BOPA sont multiples : améliorer la préparation du chirurgien, planification avec des jumeaux numériques, téléexpeetise et formation des jeunes chirurgiens à travers des caméras placées sur la tête du chirurgien pour filmer le champ opératoire, faire de la morbi-mortalité augmentée (récupérer les données factuelles de ce qui s’est passé au bloc pur comprendre quelles sont les conséquences des actes chirurgicaux, bonnes ou mauvaises) pour faire de la recherche inversée… “On va donner la possibilité aux experts de découvrir des choses par le hasard. C’est pour cela que je suis dans cette volonté de tout filmer”, insiste le Pr Vibert. Sous la bannière de l’innovation, c’est bien un changement de paradigme que propose la chaire BOPA : faire accepter aux chirurgiens la possibilité d’être filmés, afin d’analyser les gestes réalisés au bloc opératoire et contribuer à l’amélioration de leur pratique. “Un frein à lever, concède le Pr Vibert. C’est long et difficile parce qu’il existe une certaine inertie lorsque l’on propose de tout filmer au bloc, mais je ne désespère pas et je pense que l’on va y arriver !” La collecte de données et la captation d’images permises par le bloc opératoire augmenté permettent en effet d’enrichir les protocoles et de retracer, pas à pas, les étapes d’une intervention. Une manière pour les acteurs de BOPA de transformer l’analyse et l’apprentissage de l’acte chirurgical, mais aussi de faciliter la transmission des connaissances auprès des chirurgiens en formation, des professionnels de santé et des patients. “Le bloc opératoire du futur que l’on imagine repose sur une vision beaucoup moins hiérarchique qu’actuellement, avec l’objectif de travailler davantage en équipe qu’en équipage, analyse le Pr Vibert. Avec ces liens hiérarchiques, certaines personnes peuvent ne pas oser s’exprimer au bloc. L’idée est de travailler sur cette transformation de la sociologie du bloc en essayant de travailler aussi sur l’impact de la technologie dans la modification de ces comportements humains au bloc. On va avoir de plus en plus de données du bloc qui vont fournir une aide à la décision en per-opératoire et cette aide à la décision doit être acceptée par les chirurgiens. Cela commence par admettre que l’on a un certain degré de progression dans le domaine de la chirurgie. Aujourd’hui 55 000 personnes meurent en Europe à la suite d’une chirurgie programmée, et il est probable que 25 000 d’entres elles sont mortes d’une erreur humaine. Nous voulons éviter que ces erreurs humaines se répètent.” Financement et écosystème Les équipes de BOPA collaborent dans le domaine des sciences humaines avec l’école Institut Mines-Télécom Business School et la Chaire Humanités et Santé du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM). Dans le domaine des technologies, elles travaillent, en plus des écoles de l’IMT (IMT Atlantique, Télécom Paris, Télécom SudParis et Mines Saint-Etienne), avec INRIA. Et pour faciliter la sélection de start-up pouvant répondre aux besoins de BOPA, un partenariat avec Bpifrance a également été mis en place. Au final, cet écosystème est composé d’étudiants, d’industriels, de start-up, de chercheurs de toute discipline, de chirurgiens, d’anesthésistes, et d’infirmiers de bloc. BOPA est financée par la Fondation de l’AP-HP et la Fondation Mines-Télécom, grâce au mécénat de Sham (Groupe Relyens) et Boston Scientific Foundation Europe d’une part, et d’Orange Healthcare, Medtronic et Richard Wolf d’autre part. Ils soutiennent le projet pour quatre ans et s’engagent chacun à verser chaque année des contributions pour un montant de près de 200 000 euros. À cela s’ajoute un mécénat de compétences et en don de matériels de Getinge et de Capgemini Invent. Fujifilm a rejoint l’équipe des partenaires en 2022. Quelques exemples de projets développés En partenariat avec l’Inria et Moon Surgical : la création de jumeaux numériques d’organes qui reproduisent la déformation des tissus en fonction des mouvements du chirurgien sur l’organe réel avec des cobots. En partenariat avec Lettria : le développement d’un assistant vocal per-opératoire avec lequel il sera possible d’interagir pour obtenir des informations concernant le patient ou pour échanger sur une étape de l’intervention. En partenariat avec Eye3Shut, Lettria et Xperteye : la conception d’un dispositif permettant d’enregistrer des images stabilisées en haut définition, d’analyser la vision du chirurgien pendant l’intervention et la possibilité de cibler des détails anatomiques. Enfin, la réalisation d’un état des lieux des interactions sociales au bloc opératoire, l’analyse d’un point de vue philosophique de la notion d’erreur au sein de celui-ci, le rôle et la place qui pourraient être accordés à une “boîte noire” au sein du bloc, ou encore l’étude de l’impact de la communication entre patients et chirurgiens. Ces projets sont menés en partenariat avec la Chaire Humanités et Santé du CNAM, le Pr Gérard Dubey de l’Institut Mines-Télécom Business School (IMT-BS), Les Sismo, et Toys Films. Sandrine Cochard APHPchirurgieHôpitalIntelligence Artificiellejumeau numériqueOutils numériquesPartenariatRéalité augmentéeRobotiqueSantexpostart-up Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Entretien Cyrille Politi (FHF) : "Sans liberté, pas d'innovation" Entretien Enguerrand Habran (Fonds FHF) : "L'essentiel de la valeur vient du capital informationnel" analyses gratuit HIMSS 2022 : les tendances et les innovations à retenir Hospi’Up : de nouveaux outils pour favoriser la collaboration entre hôpitaux et start-up Croiser les données de santé pour mieux soigner