Comment HEVA “raffine” les données de santé pour mieux les exploiter

La genèse

HEVA a été créée en 2005 par deux pharmaciens, Alexandre Vainchtock et Ludovic Lamarsalle.“À une époque où le sujet des données de santé n’était pas encore à la mode et le terme big data n’était pas encore employé”, rappelle à mind Health Alexandre Vainchtock. Les deux cofondateurs travaillaient déjà, au sein d’une autre entreprise, sur les données du PMSI [Programme de médicalisation des systèmes d’information, ndlr], base nationale dans laquelle toute l’activité hospitalière est codée. “Les académiques analysaient déjà les données du PMSI, ce qui est devenu interdit pour les industries de santé dans certaines finalités depuis la loi Touraine de 2016.”

Entre 2005 et 2008 s’est opéré un changement de paradigme : cette base de données est devenue la base de la facturation et tarification à l’activité pour les hôpitaux. “La qualité et l’exhaustivité des bases ont considérablement augmenté durant ces trois années. En tant qu’acteur privé, nous avons été précurseurs dans la réalisation d’études épidémiologiques et de leurs restitutions compréhensibles pour les non experts”, poursuit le cofondateur. Avec son associé, Alexandre Vainchtock développe alors des outils de datavisualisation, des cartographies dynamiques, optimisant les restitutions classiques (tableurs Excel ou rapports d’études). En 2013, tous deux se concentrent sur l’intérêt médico-marketing de l’analyse de l’activité hospitalière pour les industries de santé. Ils commencent à appliquer de nouvelles techniques analytiques, basées sur l’intelligence artificielle, aux données du PMSI. “Nous avons identifié des profils de patients et de parcours impliquant des stimulateurs cardiaques dans un objectif de prévention”, relate Alexandre Vainchtock.

Aujourd’hui, HEVA est réellement spécialiste en analyse de données de santé, notamment du SNDS. Par sa maîtrise de la datavisualisation elle permet d’identifier et mieux représenter, grâce à du process mining, différents parcours patients. Ainsi, avec des outils développés uniquement en interne elle peut répondre à de multiples problématiques comme :

• Comment visualiser simplement les principales tendances de prise en charge observées ?
• Comment mettre en avant les similarités et différences des parcours de soins ?
• Quel est le parcours optimal ?
• Quels sont l’ordre et la périodicité des différentes étapes avant le diagnostic d’une maladie ?
• Comment comparer les trajectoires de soins de différents groupes de patients ?
• Quelles sont les étapes de suivi d’un patient après le diagnostic (consultations, bilans biologiques…)

Les fondateurs et les effectifs

Les deux fondateurs, Alexandre Vainchtock et Ludovic Lamarsalle, sont tous deux pharmaciens titulaires d’un DESS en économie de la santé. Avant la création d’HEVA, le premier a évolué dans le conseil, le second, dans le conseil et l’industrie pharmaceutique.

HEVA compte aujourd’hui 35 collaborateurs répartis en 5 pôles :

• conseil – gestion de projets : 5 personnes dont 4 pharmaciens (les deux fondateurs mènent certaines missions),
• data management : 8 personnes (1 ingénieur, 7 data managers de formation informatique et mathématiques décisionnelles),
• méthodes et statistiques : 7 personnes (3 pharmaco-épidémiologistes, 4 biostatisticiens),
• datascience : 5 ingénieurs, 
• développement : 3 développeurs web, 1 développeur iOS, 2 UX designers.

La technologie

“HEVA a un triple ADN : l’expertise de la donnée de santé, la rendre intelligible au travers de la datavisualisation et la recherche permanente de technologies innovantes via des méthodes statistiques avancées et de l’IA”, définit Alexandre Vainchtock. Le cœur de l’activité consiste à analyser les bases de données médico-administratives, seules ou appariées à d’autres sources de données. “Dans un environnement souverain et sécurisé”, précise le pharmacien. Il s’agit de comparer les différents groupes de patients, identifier et visualiser les parcours de soins, notamment en appliquant des algorithmes de process mining sur les données de vie réelle. “Contrairement à l’Assurance maladie et l’ATIH [Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, ndlr] qui produisent les données, et les CRO qui les recueillent, , nous en sommes les raffineurs”, image le cofondateur. La valeur ajoutée d’HEVA, sur un entrepôt de données par exemple, n’est pas l’hébergement mais la connaissance de la structure de la donnée dans l’optique de construire une architecture de traitement. “Ce que l’on nous demande, c’est une méthodologie d’extraction et d’analyse de données”. Le tout dans un objectif d’amélioration de la prise en charge, d’analyse des dépenses et des produits en vie réelle.

Infrastructure technique

Pour travailler dans un environnement sécurisé, HEVA a été autorisée par la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), dès 2016, à disposer d’une bulle sécurisée. C’est un un tiers de confiance, Certilience, qui l’administre. Quant aux données, elles sont hébergées chez OVH. “Notre équipe opère une double authentification pour se connecter, traite les données dans un cloud au sein duquel tout est enregistré. Seuls des résultats ou des données agrégées anonymes sont exportés hors de cette bulle. De même, toute modification de code est tracée.”, rassure Alexandre Vainchtock.

Modèle économique

Les principaux clients d’HEVA sont les industries de santé (pharmaceutique et du dispositif médical). “Depuis trois ans, des institutionnels sont également nos clients, c’est une grande fierté et reconnaissance du travail accompli. Nous travaillons pour la Cnam, l’ATIH, la HAS, la FHF, le HDH et bientôt avec l’Anap et l’INCa. La majeure partie de l’activité et de notre chiffre d’affaires est générée par les industries de santé”, précise Alexandre Vainchtock. HEVA répond régulièrement à des appels d’offres publiés au BOAMP, et est aussi sollicitée directement par des laboratoires. “Le prix d’une étude peut varier du simple au quintuple en fonction de la complexité. Sur le SNIIRAM [Système National d’Information Inter Régimes de l’Assurance Maladie], une étude coûte entre 100 K€ et 200 K€ en moyenne. Sur le PMSI, c’est plus accessible financièrement : entre 25 K€ et 60 K€ en moyenne grâce à l’accès facilité via la MR006 pour les industries de santé. Il s’agit d’un montant moyen qu’HEVA facture à ses clients en fonction des bases de données utilisées. Ces dernières permettent d’avoir une vue tellement exhaustive que le retour sur investissement pour les industriels est largement en leur faveur”, explique le cofondateur. En termes de financement, HEVA n’a pas réalisé de levées de fonds et n’est pas passée par un incubateur. Jusqu’au rachat en Avril 2022 par Docaposte, il ne s’est agit qu’uniquement de croissance interne.

Le marché

La liste des différents projets menés sur les données de santé françaises accessibles est consultable en ligne sur le site du Health Data Hub. “Ces deux dernières années, une étude sur le SNIIRAM sur deux et six études sur le PMSI sur dix sont réalisées par HEVA”, se félicite Alexandre Vainchtock. Ce dernier estime que si l’accès aux données était encore plus facilité, cela représenterait plusieurs dizaines de millions d’euros. Il prône un accès permanent à la base de données de l’Assurance maladie qui pourrait “faire gagner 6 à 9 mois aux clients et à l’Assurance maladie elle-même puisqu’elle n’aura plus à réaliser l’extraction des données.” Il précise par ailleurs être en lien direct avec des sièges de laboratoires internationaux souhaitant traiter des données françaises. “Sociétés se positionnant très tôt dans le développement de médicaments ou start-up ne disposant pas de filiale française mais voulant aborder le marché français”.

Perspectives

Les deux associés disposent déjà de “petites” expériences sur les données britanniques, allemandes et américaines mais souhaitent à moyen terme produire des études paneuropéennes, notamment sur “les big 5 : France, Angleterre, Allemagne, Italie et Espagne, voire un groupe de pays nordiques”, projette Alexandre Vainchtock. C’est tout l’objet du rapprochement avec Docaposte début Avril 2022 : se développer plus rapidement pour traiter d’autres sources de données que les bases médico-administratives, françaises.