Jean-Christophe Bernadac (HCL) : “Notre entrepôt de données a été conçu pour être ouvert à des établissements extérieurs”

Les Hospices civils de Lyon comptent 14 établissements. Comment s’organise sa direction des systèmes d’information (DSI) ?

 Les HCL sont dotés d’une direction du système d’information et de l’informatique (DSII) unique qui a été adaptée à la taille du centre hospitalo-universitaire (CHU) et à la présence des 14 établissements répartis sur cinq groupements hospitaliers (nord, sud, est, centre, hôpital Renée Sabran, ndlr). La DSII gère les fonctions transverses puis, au sein de chaque établissement, une structure informatique locale prend en charge le travail de proximité auprès des utilisateurs : gestion des postes de travail, des imprimantes, dépannage, configurations légères… 

Le travail de la DSII couvre trois domaines. Le premier comprend toutes les problématiques liées au SI support ou administratif (gestion administrative des patients, gestion économique et financière, gestion logistique, gestion des ressources humaines…) et l’informatique des plateaux techniques (système de gestion de laboratoire, système d’information de la radiologie, Pacs). Le deuxième touche au domaine patient, à savoir le SI hospitalier déployé au sein des unités de soins et utilisé au quotidien par les médecins et le personnel soignant ou médico-administratif. Ce domaine patient a pour particularité d’avoir développé sa propre suite logicielle : Easily pour le dossier patient informatisé (DPI), viaPatient pour le portail mis à disposition des patients ou des professionnels extérieurs à l’hôpital et Hybrid, une brique d’interopérabilité qui permet aux établissements d’un groupement hospitalier de territoire (GHT) de partager les informations médicale des patients. Nos chefs de projets, sous ma responsabilité, ont conçu cette suite logicielle que nous déployons auprès d’autres établissements. Actuellement 17 établissements bénéficient de viaPatient et Hybrid. Mais nous ne développons pas techniquement ces logiciels : le travail de développement nécessaire et la maintenance applicative sont confiés à différents prestataires, en assistance technique ou via de la tierce maintenance applicative (TMA). Nous concentrons nos activités internes sur ce que nous considérons à valeur ajoutée : l’animation de réunions avec nos professionnels pour faire évoluer nos applications, leur accompagnement pour vérifier que les outils sont bien adaptés à leurs besoins, etc. Il s’agit d’une activité importante pour nous, que nous ne pouvons pas lâcher, et qui se fait en étroite association avec une commission spécialisée de la commission médicale d’établissement (CME) des HCL qui symbolise la collaboration entre les professionnels soignants des HCL et les ‘informaticiens hospitaliers’ de la DSII. La partie industrielle par contre peut être sous-traitée et nous l’externalisons progressivement.

Enfin, le troisième secteur couvert par la DSII concerne la production et l’hébergement : gestion de nos deux data centers, de la production informatique, des serveurs, du réseau mais aussi pilotage des structures informatiques locales présentes dans chacun des hôpitaux pour en garantir la cohérence.

De quels moyens disposez-vous pour ce faire ?

La DSII compte 178 personnes, en incluant les structures locales. Les directions centrales sont réparties sur quatre sites à Lyon et Grenoble et se réunissent sur Skype. 

Les HCL sont aussi établissement support du GHT Rhône Centre et vous en êtes le DSI. Où en est le schéma directeur du SI du GHT ? 

Ce GHT compte trois établissements : le centre hospitalier gériatrique du Mont d’Or, l’hôpital intercommunal gériatrique de Neuville-Fontaines et le CH de Sainte-Foy-lès-Lyon, auxquels s’ajoute en tant que partenaire associé l’hôpital d’instruction des armées Desgenettes. Le schéma directeur s’est fixé comme priorité la mutualisation des infrastructures. Nous avons mis en place un réseau optique qui relie les établissements et nous permet de garantir les échanges en toute sécurité et sur du très haut débit. Nous proposons également un catalogue de services mutualisés, de la messagerie jusqu’à l’hébergement d’application. Sur le volet du dossier patient, le schéma directeur va conduire à déployer Easily sur l’ensemble des établissements. En matière de sécurité, l’officier de sécurité et le délégué à la protection des données (DPO, data protection officer) des HCL dépendent de la DSII et accompagnent les établissements du GHT pour qu’ils se rapprochent de nos standards et se mettent en conformité tant sur la cybersécurité que sur le règlement général sur la protection des données (RGPD). Enfin, il est prévu d’uniformiser le SI administratif pour bénéficier d’un outil commun. C’est aussi un chantier plutôt bien avancé.

Où en est le déploiement du DPI Easily au sein des HCL ?

Easily a commencé à remplacer Cristal-net vers 2014-2015 (le DPI Cristal Net avait été mis au point par les CHU de Grenoble et de Lyon, ndlr) et est présent aujourd’hui sur la totalité des HCL. Toutefois, quelques fonctionnalités n’ont pas encore complètement migré : la prescription – à Noël, 3 000 lits seront déployés sur 5 500 -, la gestion des urgences – nous en sommes à peu près à 60 % de déploiement – et la gestion des blocs opératoires – quasiment la moitié. Easily aura complètement remplacé Cristal Net fin 2021 ; c’est notre cible d’atterrissage.

Nous sommes aussi allés beaucoup plus loin : Easily est ouvert et se prolonge jusqu’aux patients ou jusqu’aux professionnels libéraux, aux couleurs des HCL. Nous avons fait appel durant toute cette période de développement à de nombreux partenaires industriels, et encore maintenant (Atos, OSI, Astec… pour ne citer qu’eux), en optant pour des marchés multi-attributaires. 

Les HCL ont annoncé lors du dernier salon HIT, en mai 2019, qu’Easily peut être hébergé par Microsoft. À partir de quand ? 

C’est opérationnel pour les établissements qui le souhaitent.   

Pourquoi donner la possibilité aux clients d’Easily d’un accompagnement et d’une infogérance par Hopsis ?

Hopsis est un groupement d’intérêt économique (GIE) créé par les HCL afin de gérer la diffusion de la suite Easily en dehors des HCL. Nous le mettons à disposition des établissements publics qui le souhaitent, avec un travail d’accompagnement, de formation, de déploiement qui est assuré par Hopsis… Parmi les prestations proposées aux établissements qui adoptent Easily, figurent l’hébergement et l’infogérance qui doivent être réalisées par un hébergeur agréé ou certifié HDS. Cet hébergeur peut être les HCL, le Mipih ou Microsoft avec Cloud Azure, au choix de l’établissement. Là-dessus, nous sommes neutres.

50 établissements utilisent Easily au quotidien, dont les CHU de Reims, de Saint Étienne, de Grenoble… En interne, Easily est hébergé par les HCL. Le partenariat avec Microsoft nous permet de pouvoir infogérer Easily s’il est hébergé par Microsoft. 

Les HCL sont agréés HDS. Avez-vous entamé les démarches pour être certifiés ?  

Nous serons certifiés en fin d’année prochaine. La démarche est très lourde et nous venons d’obtenir le renouvellement de notre agrément. 

Le partenariat avec Microsoft recouvre également des expérimentations d’entraînement de modèles d’intelligence artificielle (IA) pour automatiser ou optimiser certains processus du DPI.  Lesquels ? Où en sont ces expérimentations évoquées depuis 2018 ?

Nous travaillons sur la reconnaissance vocale, le traitement du langage naturel et plus globalement sur du machine learning afin de pouvoir soit utiliser des services proposés par Azure dans ce domaine, soit récupérer une collection de données qui sera utilisée pour faire de l’entraînement. Le chercheur extrait ses données sur Easily, elles sont anonymisées puis rapatriées automatiquement sur Azure dont les outils de machine learning peuvent alors s’entraîner. Ce partenariat a été signé en juin 2019 pour trois ans ; nous nous sommes mutuellement engagés à travailler sur des projets d’IA communs. Nous avons des outils, ils ont des moyens de traitement conséquents, c’est une mise en commun d’intérêts.

Les HCL disposent-ils d’un entrepôt de données de santé ?

C’est en projet, en partenariat avec la direction de la recherche clinique et l’ensemble des médecins, enseignants et chercheurs des HCL. Nous n’avons pas cherché à fabriquer un entrepôt dans lequel nous copierons toutes les données qui nous semblent intéressantes pour en permettre une réutilisation par nos chercheurs. Notre approche tend plutôt à réaliser des outils capables d’aller piocher dans tous les gisements de données disponibles au sein des HCL et qui permettent ensuite à un médecin de constituer d’abord une cohorte de patients, selon les critères d’intérêt de son étude, ensuite d’affiner cette cohorte, puis d’aller extraire toutes les données à disposition sur ces patients, quelle que soit sa source : données cliniques dans Easily, données d’imagerie, données consolidées dans nos infocentres médico-économiques, PMSI… Cette collection de données sera ensuite mise à disposition via un outil spécifique qui la contrôlera, la nettoiera et la préparera pour éventuellement faire tourner un algorithme statistique ou d’IA, construire l’étude et produire des conclusions. Nous avons axé notre travail sur la démocratisation de l’accès aux données pour nos chercheurs : que ce soit simple, rapide, qu’à partir d’une idée d’étude ils ne soient pas enfermés dans des données existantes mais bien qu’ils puissent identifier des collectes de données présentes sur tout le périmètre de notre SI. 

Où en est la réalisation de ce projet ?

Il est aujourd’hui techniquement réalisé, disponible dans l’univers soins et nous échangeons avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) pour obtenir l’autorisation de l’utiliser dans l’univers recherche, je l’espère dans quelques mois. C’est un très beau projet, qui a nécessité un peu plus de deux ans de travail. Il se double d’un projet organisationnel avec la mise à disposition d’une plateforme de dépôt des dossiers et d’un comité scientifique et éthique – qui n’est pas encore officiellement nommé – qui les étudiera et en assurera l’encadrement. L’entrepôt a été conçu pour être ouvert à l’extérieur : tous les établissements dotés d’Easily pourraient s’y connecter, et même potentiellement des établissements non Easily. Il revêt à ce titre un intérêt particulier en ce qu’il permet d’envisager des projets régionaux.

Comment comptez-vous gérer le recueil du consentement du patient ?

Nous effectuons déjà ce recueil dans le cadre d’études cliniques. Pour utiliser des données rétrospectives, nous allons mettre à disposition sur notre site la liste des études en cours pour informer les patients et recueillir s’ils le souhaitent leur droit d’opposition. Nous prévoyons aussi de le faire au niveau du portail patient myHCL, sous la forme cette fois d’une information individuelle. Notre principale obligation est une information collective.