Lifen, l’experte en valorisation des données de santé

La génèse 

Née en 2015, la société Lifen a été construite sur une idée simple : fluidifier le parcours de soin grâce au numérique. Son nom – dérivé du verbe anglais “enliven” qui signifie “animer’, rendre vivant – traduit cette volonté de valoriser une masse de données que les établissements délaissent trop souvent, faute de temps pour les structurer et les valoriser. 

Ingénieur de formation, son cofondateur et CEO, Franck Le Ouay, a commencé sa carrière chez Microsoft aux Etats-Unis, en tant que développeur informatique. Son principal fait d’arme est d’avoir créé en 2005, avec deux associés, Criteo, l’un des leaders mondiaux du ciblage publicitaire en ligne, coté au Nasdaq depuis 2013. Alors directeur scientifique de la société de et spécialisé en apprentissage statistique et machine learning, Franck Le Ouay décide en 2015 de mettre le cap sur la santé. “Après 10 ans de cette aventure, j’ai décidé d’utiliser le même type de technique pour créer quelque chose qui ait plus de sens. À l’époque, il ne se passait pas grand-chose dans le domaine du digital et de la data en santé, il y avait tout à faire”, se souvient-il. 

La première poche de valeur qu’il décide alors d’exploiter consiste à fluidifier le parcours de soins en digitalisant l’échange de compte-rendus médicaux. La première brique de la suite Lifen Solutions est posée. 

La famille de solutions

Lifen Documents

La solution originelle de Lifen est née du constat d’un dysfonctionnement. “Toute la coordination entre l’hôpital et la ville ne marchait pas bien. L’hôpital envoyait à l’époque des courriers postaux à ses correspondants, les compte-rendus médicaux se retrouvaient répartis dans des centaines de logiciels différents, rarement ouverts. Concevoir une solution de A à Z et l’intégrer dans le quotidien des soignants est compliqué. L’intelligence artificielle nous a permis de dépasser ce problème”, raconte Franck le Ouay. Le problème auquel s’attaque Lifen est l’interopérabilité et la société prend le parti de proposer des solutions interfaçables avec toutes les solutions existantes, de manière native et transparente.

“Lifen Documents est un genre de prise universelle qui permet d’envoyer n’importe quel document vers l’extérieur, de manière sécurisée”, résume le CEO de Lifen. Cette solution est aujourd’hui utilisée dans plus de 800 hôpitaux, publics et privés et en particulier pour l”activité de MCO (Médecine, Chirurgie et Obstétrique). Elle accompagne également environ 20 000 médecins libéraux. 

Lifen Integration

Née il y a deux ans, la solution Lifen Intégration est la solution miroir de Lifen Documents, qui permet comme son nom l’indique d’intégrer tous types de documents (données issues de logiciels biomédicaux, des DMP, des applis de télésurveillance, fax,…) venant de l’extérieur et arrivant à l’hôpital. “Là encore, celle solution utilise l’IA afin de reconnaître et de traiter correctement les données pertinentes”, précise Franck Le Ouay, ajoutant qu’elle “s’inscrit pleinement dans la vague 2 du Ségur. La vague 1 était axée sur l’envoi des données, notamment au DMP, la vague 2 est centrée sur leur réception. Nous espérons avoir un taux d’équipement aussi bon dans la vague 2 que dans la vague 1”. À date, une quinzaine d’établissements sont clients de cette solution (parmi lesquels le centre hospitalier de Nancy, premier CHU à l’avoir intégré)

Lifen DataLab

Solution dédiée à la recherche clinique, Lifen DataLab a été co-construite avec l’Institut Gustave Roussy. La solution permet, grâce à l’IA, d’automatiser la collecte des données pour construire des cohortes à grande échelle, de manière automatisée. La matière première de l’outil est composée des comptes rendus médicaux (opératoires, de consultation, RCP, résultats d’examens…) qui sont échangés au sein d’un établissement. L’outil accomplit en somme le travail d’un ARC (Attaché de recherche clinique).

“Sur les programmes de recherche sur lesquels nous travaillons, nous avons des échanges pratiquement quotidiens avec les experts médicaux pour définir les variables que l’on va vouloir extraire. C’est eux qui ont cette connaissance là. Au delà de la variable, il y a la question des modalités que cette variable peut prendre. Un antécédent médical est par exemple une notion très vague. Il s’agit donc de définir la vingtaine d’antécédents qui sont pertinents pour une maladie précise. Bien qualifier le problème permet d’être beaucoup plus efficace dans la structuration des données”, explique Franck Le Ouay. 

Suite à l’annonce du partenariat avec Gustave Roussy, Lifen a commencé à recruter des patients pour construire sa première cohorte (Lucc), sur le cancer du poumon. La société compte inclure 5000 patients d’ici fin 2024. Un objectif ambitieux si l’on tient compte des 50 000 patients qui chaque année en France, apprennent qu’ils sont atteints d’un cancer du poumon. Une dizaine d’hôpitaux ont d’ores et déjà signé un partenariat avec Lifen pour alimenter cette cohorte, parmi lesquels Foch, Saint-Joseph & Marie-Lannelongue, Caen,…

Perspectives

Conscient du caractère disruptif de sa solution Lifen DataLab, Franck Le Ouay a mis au cœur de ses priorités son déploiement, à la fois sur la cohorte Lucc, mais également sur d’autres types de cancers et d’autres aires thérapeutiques. “Cet outil de création de base de données est un élément assez essentiel pour la transformation du système de soins. Nous avons besoin de plus de données pour accélérer la découverte de nouveaux médicaments ou pour éclairer les choix de santé publique, en ayant par exemple une vision plus objective de l’impact des déserts médicaux ou de la tarification à l’acte”.

Aussi, stratégiquement, le CEO de Lifen entend conforter son assise en France sur l’ensemble de ses solutions, plutôt que de tenter l’aventure internationale. “Nous commençons par la France, nous verrons après si l’on a des opportunités. Partir à l’international n’est pas une décision facile. Le coût d’entrée est assez élevé, les réglementations ne sont pas les mêmes, les usages non plus”, observe-t-il. 

Pour 2025, la société s’est fixé comme objectif de sortir ses premières publications médicales issues de la cohorte LUCC et rêve de pouvoir démontrer, grâce à cette cohorte, que les données collectées avec Lifen DataLab sont de meilleure qualité que celles collectées par les humains. “Si nous arrivons à le prouver, il y aura un avant et un après. Les données de vie réelle qui étaient jusqu’alors regardées par la communauté scientifique avec un certain mépris, pourraient devenir la référence”, estime Franck Le Ouay.