Accueil > Parcours de soins > Métavers : portrait d’un marché en construction Métavers : portrait d’un marché en construction Réalité virtuelle, réalité augmentée, solutions immersives : ces technologies, qui existent indépendamment les unes des autres, peuvent former ensemble le métavers. En quête de maturité pour une massification des usages, il est aussi en passe d’être normé. Par Laure Martin. Publié le 30 mai 2023 à 22h32 - Mis à jour le 17 juillet 2023 à 14h36 Ressources Jérôme Leleu, directeur général de Sim for Health En mars dernier, Mark Zuckerberg, le patron de Meta, faisait une annonce « choc » : l’investissement le plus important du groupe ne porterait désormais plus sur le métavers – dont l’entreprise tire son nom – mais sur l’intelligence artificielle. Exit le métavers ? Pour le géant de la tech, il semblerait que oui. “Pendant un an, il y a eu beaucoup de hype très positive autour du métavers, considéré comme le futur dans le domaine de la santé, et ce jusqu’à l’annonce de Meta, considérée comme un abandon du métavers”, rappelle Jérôme Leleu, directeur général de Sim for Health. Après l’euphorie, le métavers a donc atteint une autre échelle dans la courbe de Gartner, à savoir la désillusion. “Pour autant, la réalité est plus subtile, tempère-t-il. La vision de l’entreprise Meta ne représente pas le métavers universel.” Il n’y aurait donc pas un métavers, mais des métavers. Quelle définition ? Elodie Brient-Litzler, chief operating officer chez AVATAR MEDICAL Pour commencer, quelle définition retenir ? En février 2022, dans une lettre de mission, les ministres de l’Économie et de la Culture ainsi que le secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques ont souhaité “la mise en place d’une mission exploratoire sur le développement des métavers afin d’apporter des éclaircissements sur les enjeux qu’il représente pour la France”. Les rapporteurs ont ainsi défini le métavers comme “un service en ligne donnant accès à des simulations d’espaces 3D temps réel, partagées et persistantes, dans lesquelles on peut vivre ensemble des expériences immersives. On peut y accéder avec ou sans visiocasque, et/ou commercer avec ou sans technologies de registres distribués.” Difficile, pour le moment, d’être plus précis sur cette technologie, qui en porte de nombreuses autres : la réalité virtuelle, la réalité augmentée, la réalité mixte ou encore la simulation immersive. “Ce terme est aussi souvent associé, voire assimilé, aux casques de réalité virtuelle, avec pour conséquence une confusion entre les deux”, pointe Elodie Brient-Litzler, chief operating officer chez AVATAR MEDICAL. “L’un des mots clefs avec le métavers est la notion de communauté, poursuit Nicolas Mignan, président de VirtualiSurg. Au sein de ces environnements digitaux et virtuels, des personnes partageant des centres d’intérêts communs vont entrer en connexion pour échanger, pour se former, pour exercer des activités médicales, en temps réel.” Ces solutions digitales apportent des services à une diversité de personnes, notamment des professionnels de santé, des patients, les usagers du système de santé, ou encore les pouvoirs publics. Des cas d’usage variés Simon Turner, partner dans l’équipe Sofinnova Médecine Digitale Les cas d’usage commencent à se développer dans de nombreux domaines. “Nous voyons par exemple apparaître de la réalité virtuelle pour des traitements digitaux notamment pour des personnes affectées par des troubles psychologiques, afin de réduire les situations de stress“, fait savoir Simon Turner, partner dans l’équipe Sofinnova Médecine Digitale. Le métavers peut aussi être utilisé pour simuler des conditions cliniques ou observer des approches thérapeutiques afin d’effectuer des planifications en amont, par exemple d’une chirurgie. C’est d’ailleurs ce que propose AVATAR MEDICAL. À partir d’imageries médicales, notre logiciel permet de créer une représentation offrant la possibilité, au chirurgien, en mettant un casque de réalité virtuelle, de regarder un avatar du patient et de prévoir son intervention chirurgicale”, résume Elodie Brient-Litzler. Le logiciel propose ainsi une représentation volumique réelle dans un espace virtuel. “Nous sommes déjà dans le métavers. Mais toutes les conditions ne sont peut-être pas encore réunies pour sa massification.” Jérôme Leleu, directeur général de Sim for Health Dans le champ de la formation, le logiciel de VirtualiSurg, qui s’implémente sur tous les casques de réalité virtuelle, offre une solution immersive pour la formation des professionnels de santé. “Nous développons un environnement immersif en réalité virtuelle où les chirurgiens mettent un casque, et se retrouvent seuls ou à plusieurs, en présentiel ou distanciel, pour se former à une procédure médicale, indique Nicolas Mignan. Notre particularité est d’associer la réalité virtuelle et les technologies haptiques (qui permettent de transmettre des informations tactiles au cerveau, ndlr), les chirurgiens pouvant ainsi tenir leurs instruments afin de simuler une intervention.” Du côté de Sim for Health, la promesse faite en 2016 était de miser sur les univers virtuels dans le champ de la formation. Leurs simulateurs numériques recréent virtuellement des situations professionnelles pour une approche immersive, interactive et collaborative de la formation initiale et continue des professionnels de santé. ”Nos solutions recréent virtuellement des environnements de soins et de prise en charge de patient en s’appuyant sur différentes méthodes et technologies tels que des simulateurs numériques sur écran ou tablette et des simulateurs en réalité virtuelle, souligne Jérôme Leleu. Nous sommes déjà dans le métavers. Mais toutes les conditions ne sont peut-être pas encore réunies pour sa massification.” TENDANCES 2023 : Le métavers, ok, mais pour y faire quoi ? Les enjeux Nicolas Mignan, président de VirtualiSurg Pour un plein déploiement du métavers, les enjeux sont nombreux, à commencer par la connexion des différentes briques entre elles, pour des accès plus simples aux technologies. A titre d’exemple, “permettre le déploiement du multi-joueurs, à distance, est encore complexe car chacun des acteurs doit disposer, dans son environnement, d’un casque de réalité virtuelle, d’une connexion internet rapide et lourde, ce qui explique qu’aujourd’hui, les usages sont principalement en mono-utilisation”, précise Jérôme Leleu. Manquent également les protocoles de communication permettant de réunir toutes les données. L’enjeu de l’interopérabilité arrive donc en tête. “Les technologies web et de streaming ne sont pas encore suffisamment déployées à cette échelle pour permettre un déploiement total, confirme Elodie Brient-Litzler. Une imagerie médicale est composée de plusieurs centaines de mégaoctets. De fait, lorsque nous souhaitons créer du 3D en live, un flux très important de données doit pouvoir circuler, avec une latence très courte, et le streaming VR est encore expérimental. En tant que producteurs de contenu, nous attendons ces évolutions. Les petites entreprises comme les nôtres ont besoin de s’appuyer sur celles qui développent les hardwarware et les protocoles de communication pour se développer“, insiste-t-elle. Une réalité également partagée par Nicolas Mignan. Pour le moment, chaque société crée son propre métavers avec ses propres solutions. Il faudrait selon lui, à l’image du travail accompli par Dominique Pon et Laura Letourneau pour le déploiement du numérique en santé, élaborer une “maison”, rassemblant l’ensemble des acteurs, afin de permettre le déploiement à grande échelle du métavers. Kunal Lollchand, responsable Développement santé et Action sociale à l’AFNOR Parmi les autres enjeux s’ajoutent ceux associés au numérique en santé concernant notamment les données de santé, la cybersécurité, la notion de confidentialité, l’éthique, le consentement du patient ou encore la gestion de l’identité. “Cela englobe aussi des enjeux de souveraineté liés à l’hébergement des données, indique Kunal Lollchand, responsable Développement santé et Action sociale à l’AFNOR. Des accords vont devoir être trouvés.” “La norme peut permettre la confiance, estime Simon Turner. Il faut penser le déploiement du métavers de façon structurellement saine et prendre en charge les notions de données de patient et les risques de fuite de données.” “Les normes facilitent les échanges et le commerce international” Aylin Kip, cheffe de projet normalisation au pôle numérique du groupe AFNOR La normalisation Une commission de normalisation du métavers a été créée fin février au sein de l’AFNOR à la demande du ministère de l’Economie. L’objectif serait notamment de faire de la France la pionnière en normalisation dans le domaine du métavers. ”C’est le bon moment, car au niveau international, depuis fin 2022, de nouveaux groupes dédiés au métavers ont été proposés, constitués et lancés avec des acteurs de la normalisation, des industriels, des fédérations, des associations ou encore des pouvoirs publics”, explique Aylin Kip, secrétaire de la commission. Il s’agit notamment d’un moyen d’imposer la vision française afin de ne pas subir celles des États-Unis ou de la Chine. Des normes existent déjà concernant certaines briques du métavers notamment l’intelligence artificielle ou encore la blockchain. “Des groupes de travail, dans l’écosystème de normalisation, ont commencé à réfléchir aux normes au sein d’un univers tridimensionnel, indique-t-elle. Mais, nous n’avons pas commencé avec un regard macro.” D’où la création de cette commission. “Il est nécessaire de parvenir à la constitution d’une norme ou de standards, sinon nous ne pouvons pas synergiser les développements entre les différents types de sociétés, estime Elodie Brient-Litzler. C’est une très bonne avancée que des protocoles soient pensés pour une fluidification de la communication”, ajoute-t-elle. Un point de vue partagé par Nicolas Mignan. “Il faut un minimum de réglementation sur la santé mais elle ne doit pas nous bloquer. Je suis favorable aux règles déontologiques, sans aller à l’extrême et à condition que la mise en place soit rapide.” Pour les industriels, la normalisation présente un réel intérêt pour leur compétitivité. “Les normes facilitent les échanges et le commerce international, car tous les acteurs, à savoir les entreprises mais aussi les consommateurs ou utilisateurs, appliquent une même norme et vont adopter le même langage”, rapporte Aylin Kip. Les perspectives de marché semblent d’ailleurs très intéressantes. Estimé à plus de 5 milliards de dollars en 2021, le métavers médical devrait atteindre les 71,2 milliards de dollars d’ici 2030, selon le dernier rapport d’InsightAce Analytic (décembre 2022). Pour le moment, Sofinnova n’a pas encore investi dans la réalité virtuelle notamment “parce que notre stratégie de médecine digitale est encore récente, confie Simon Turner. Mais nous sommes ouverts à la question.” Surtout si les start up s’inscrivent dans des solutions répondant à des besoins avérés. Laure Martin chirurgieFormationGAFAMMarchémédecinmétaversRéalité augmentéeréalité virtuelle Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Tribune gratuit L’avenir de la santé à l’ère du métaverse L’Université Paris Cité lance le premier DU “Métavers en santé” Santé et métavers : des opportunités liées au jumeau numérique et aux environnements immersifs (Rock Heath)