Accueil > Parcours de soins > Tim Brienen (Anap) : “Regarder comment l’intelligence artificielle apporte de la valeur à l’établissement” Tim Brienen (Anap) : “Regarder comment l’intelligence artificielle apporte de la valeur à l’établissement” L'Agence Nationale d'Appui à la Performance (Anap) a lancé en avril une plateforme recensant les projets aboutis d’intelligence artificielle en santé. Les coulisses du processus de sélection avec Tim Brienen, directeur associé à l’Anap, en charge des pôles usages du numérique et du pôle finance, IA et Data. Par Sandrine Cochard. Publié le 30 août 2022 à 22h27 - Mis à jour le 03 janvier 2023 à 14h39 Ressources Pourquoi avoir lancé une plateforme des projets d’intelligence artificielle (IA) en santé ? L’Anap a 3 modalités d’intervention : la rédaction de documentation pour expliquer et diffuser les bonnes pratiques; l’animation de communautés et de réseaux de professionnels et enfin, un appui terrain, avec le partage d’expertise entre hospitaliers. Cette plateforme s’inscrit dans notre premier pilier, avec la volonté de mettre en avant des projets et cas pratiques qui proposent des solutions aux problèmes des hôpitaux, et de les actualiser tout au long de l’année. Nous avons démarré avec 22 projets référencés sur notre plateforme. Aujourd’hui, nous en avons 29 et nous visons une quarantaine de projets à l’automne. L’Anap lance une plateforme nationale de partage des solutions d’IA en santé Comment avez-vous sourcé les projets initiaux ? Nous avons réalisé ce travail en interne avec des experts de notre réseau qui sont des praticiens de l’IA : Jean-Marc Bereder (CHU de Nice), Philippe Le Toumelin (AP-HP), Alain Livartowski (Curie), pour détecter des solutions dans les établissements. Aujourd’hui, nous continuons ce travail de détection en interne, en élargissant notre réseau d’experts IA, et nous nous appuyons aussi sur trois autres sources : les start-up qui nous contactent d’elles-mêmes, nos partenaires (PariSanté Campus, AI for Health, le Hacking Health Camp) et nos contacts avec Bpifrance. Nous avons donc d’un côté un réseau de professionnels pour remonter des projets d’IA dans des établissements, et de l’autre, des personnes qui se manifestent directement auprès de nous. À SANTEXPO, l’Anap enrichit son réseau d’experts Sur quels critères basez-vous la sélection des projets d’IA en santé ? Le premier critère est de prouver qu’il s’agit bien d’IA. Il s’agit parfois simplement d’un moteur de règles avancées et non d’intelligence artificielle au sens strict, c’est-à-dire avec un entraînement machine automatique (arbres décisionnels, NLP, reconnaissance d’image…) Il y a encore de la confusion sur le sujet et certaines start-up entretiennent ce flou et vendent de l’IA alors qu’il s’agit simplement d’un moteur de règles. Les choses se compliquent lorsqu’il y a un mélange entre les deux. Parfois, vous avez un moteur de règles en prétraitement pour filtrer les données entrantes. Nous devons alors jauger le poids de l’un par rapport à l’autre. On discute avec les établissements qui les utilisent et on interroge les éditeurs de ces solutions. Nous allons assez loin dans les discussions pour tout vérifier, même si cela peut être compliqué car certains ne veulent pas dévoiler des secrets de fabrication. On demande à voir des démos aussi. Si nous avons le moindre doute, nous ne publions pas la solution sur notre site. À quel stade évaluez-vous les projets d’IA ? Nous tâchons de sélectionner des solutions déjà opérationnelles dans les établissements de santé. Nous ne cherchons pas des prototypes ou des proofs of concept mais des solutions utilisées en routine par les médecins, avec un usage régulier et ancré dans les habitudes de l’hôpital, même si cela ne concerne qu’une petite équipe. On regarde également comment l’intelligence artificielle apporte de la valeur à l’établissement, son impact organisationnel qui permet de gagner en fluidité ou en sécurité dans les process et libère du temps aux équipes pour réaliser des tâches plus qualitatives. Pour être référencée, une solution doit faire la démonstration de son IA, de son usage en routine et de son impact. Certaines solutions référencées sur la plateforme sont pourtant encore à un stade précoce… Si nous estimons qu’une solution a un potentiel de révolution énorme, nous allons la référencer, même si elle n’a pas encore de marquage CE ou n’est pas généralisée. C’est le cas de plusieurs projets, dont celui développé par le CHU de Rennes en réanimation néonatale qui permet de détecter entre 4 et 8 heures plus tôt que le clinicien les premiers signes d’une infection. Cette solution permet de démarrer les traitements de manière beaucoup plus précoce, avec une dose plus faible d’antibiotique, d’améliorer les chances de survie des nourrissons et de réduire les séquelles liées à l’antibiothérapie. C’est encore un projet de recherche (le CHU de Rennes l’utilise dans le cadre d’un essai clinique de phase 3) mais nous avons décidé de le mettre en avant. Que disent tous ces projets sur l’usage de l’IA en santé en France ? Qu’il existe des projets d’IA en santé partout en France ! Des établissements de toutes tailles et de toutes structures se lancent dans des projets d’IA. C’est le signe que l’IA est en train d’être diffusée et appropriée par les équipes. Maintenant, cela reste encore un peu confidentiel et c’est toute l’ambition de notre plateforme : montrer que des solutions existent et que vous pouvez les répliquer dans votre établissement assez facilement, grâce à des connecteurs développés par des start-up ou autres. Autre enseignement : l’IA n’est pas réservée à la radiologie, la prédiction des flux aux urgences ou l’analyse génétique -domaines très prisés par les solutions d’IA- mais elle se prête à d’autres pratiques, notamment les process administratifs de l’hôpital. Nous avons référencé une solution qui transpose en contexte hospitalier les technologies issues de la banque pour valider des pièces d’identité. Cela permet de faciliter l’admission en ligne, renforcer l’identito-vigilance et faire gagner du temps aux équipes des admissions. Cela peut sembler moins sexy que la découverte de médicament, mais cela apporte une énorme valeur aux établissements. Idem pour les solutions de codage pour automatiser la facturation auprès de l’Assurance maladie par exemple. Il y a aussi toutes les solutions d’infrastructure pour permettre de produire de l’intelligence artificielle : les Entrepôts de données de santé (EDS), les solutions de labellisation des données… Il n’y a pas que l’IA de bout de chaîne que les praticiens utilisent, il y a aussi toute l’IA qui sert à fiabiliser les datas et à développer des solutions pertinentes. Benjamin Lemoine (Anap) : “Nous abordons le numérique en tant que levier de performance” Quelles sont les personnes qui travaillent avec vous sur ce projet ? L’équipe numérique de l’Anap compte 6 personnes, dont une personne avec un profil d’ingénieur qui gère la plateforme à temps plein. Il est accompagné par les experts de réseau. Sur le numérique nous avons un réseau de 85 experts, dont 5 sont des praticiens de l’IA, qui travaillent sur le sujet dans leur établissement et ont publié ou encadré des thèses sur le sujet. Ils ont différents profils : chirurgien bariatrique, médecin anapath, médecins oncologues… Ils participent aux entretiens avec les start-up ou les établissements et nous remontent également des solutions vues sur le terrain. Quelles sont les prochaines étapes ? Notre ambition est de couvrir tout le spectre des activités et disciplines hospitalières. Nous avons des solutions en radiologie et sur la génomique, nous aimerions également en avoir sur la iatrogénie médicamenteuse ou la prédiction des risques de rechute ou de réhospitalisation. Dans un deuxième temps, nous souhaiterions proposer un comparatif des solutions d’IA référencées. L’objectif n’est pas de dire qu’une IA est meilleure que l’autre mais de voir si une IA est plus adaptée à un établissement, en fonction de sa taille par exemple. Un CHU n’aura pas les mêmes besoins qu’un hôpital plus petit ou avec différentes disciplines. L’idée est de voir les solutions les plus adaptées au contexte de chaque établissement et de les accompagner dans cette démarche. Enfin, nous aimerions voir comment les équipes hospitalières adaptent leur organisation à ces outils, comment elles les intègrent dans leur pratique quotidienne et si cela leur fait gagner du temps. Ceci pour avoir un retour d’expérience et savoir quelle est la bonne organisation autour de l’IA et mesurer les gains organisationnels et les gains pour les patients et les professionnels. Nous souhaiterions lancer cette troisième phase au deuxième ou troisième trimestre 2023. Tim Brienen Depuis novembre 2021 : directeur associé de l’Anap Octobre 2019 – octobre 2021 : directeur des affaires financières de l’institut Gustave Roussy Novembre 2018 – septembre 2019 : secrétaire général de l’Hôpital américain de Paris Octobre 2014 – novembre 2018 : directeur des affaires financières du Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil Mai 2011 – octobre 2014 : Responsable adjoint du département “Stratégie territoriale des Établissements de santé” de l’Agence Régionale de Santé Ile-de-France Sandrine Cochard Données de santéHôpitalIntelligence Artificiellestart-up Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire À SANTEXPO, l’Anap enrichit son réseau d'experts Pourquoi un modèle commun européen de la donnée de santé ? L’Anap lance une plateforme nationale de partage des solutions d’IA en santé Mouvement Stéphane Pardoux, nouveau directeur général de l’ANAP