Accueil > Médias & Audiovisuel > Abonnements en ligne > Les 10 choses à savoir pour mettre en place un paywall au compteur Les 10 choses à savoir pour mettre en place un paywall au compteur Face aux difficultés du marché publicitaire, la grande majorité des éditeurs historiques, en France comme à l'étranger, ont rendu payants une partie de leurs contenus en ligne. Si le freemium s'est vite développé (des contenus gratuits et payants mélangés), le procédé du paywall est de plus en plus expérimenté. Ce "mur payant" peut être strict, ou souple quand il intervient après avoir lu gratuitement certains contenus, dans le sillage du New York Times, le premier à l'avoir installé en 2011. On parle ici de paywall au compteur (metered paywall). mind présente les enseignements tirés des dispositifs des Echos, de Libération, L'Express et La Croix. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 14 octobre 2016 à 16h37 - Mis à jour le 14 octobre 2016 à 16h37 Ressources Les Echos – qui a toujours proposé des contenus payants en ligne – a été le premier grand éditeur en France à installer sur son site, durant l’automne 2012, un paywall au compteur, suivi ensuite par des éditeurs régionaux (Groupe La Voix, Le Télégramme, La Dépêche du Midi) et Atlantico.fr, et plus récemment par des titres nationaux : L’Express, La Croix et dernièrement Libération. L’objectif : adresser des offres payantes pour développer de nouvelles sources de revenus, tout en continuant à attirer les lecteurs ponctuels pour préserver les recettes publicitaires. Car la commercialisation publicitaire est de plus en plus délicate. Si les résultats des paywalls sont relativement lents à se concrétiser, les dispositifs n’ont pas eu d’impact négatif sur l’audience et sur les chiffres d’affaires publicitaires, à condition de respecter plusieurs éléments. 1 Benchmarker le secteur Les Echos – comme tous les médias appliquant le dispositif – a commencé prudemment en 2012 avec un mur payant après 10 articles gratuits, auxquels s’ajoutaient 5 contenus après inscription. Le journal avait effectué un benchmark auprès de titres étrangers ayant développé ce dispositif payant : The Financial Times, The Wall Street Journal et The New York Times, qui fait souvent figure de modèle. Le site américain (10 articles gratuits par mois) totalise maintenant 1,1 million d’abonnés (chiffre annoncé en mars 2016) pour une audience de 77 millions d’utilisateurs mensuels sur tous ses supports numériques (comScore, février 2016) avec une offre payante élevée, à 26 dollars par mois. “Ce que nous avions retenu de ces exemples, c’est notamment la nécessité d’optimiser l’action marketing et l’importance d’engager l’internaute avant de lui pousser le paywall”, indique Sophie Gourmelen, ex-directrice déléguée marketing numérique, diffusion et data du Groupe Les Echos, et aujourd’hui directrice générale du Parisien. 2 Initier un projet d’entreprise Pour concevoir et réussir la mise en place du dispositif, l’ensemble du titre doit être impliqué, avec un travail de fond de six mois à un an qui associe tous les services à la réflexion : technique, data, marketing, régie publicitaire, études, rédaction… et faire converger tous les leviers vers l’optimisation du paywall, notamment le marketing et l’ergonomie du site. 3 Développer une stratégie marketing et l’UX Rebond entre les contenus, acquisition de lecteurs via des newsletters, et zones d’inscription sur le site : il faut beaucoup expérimenter en marketing et en UX avant de parvenir aux bons dispositifs. Au point de parvenir parfois à des résultats insoupçonnés : Les Echos a remarqué que l’insertion du formulaire d’inscription directement au sein du contenu que l’internaute désirait consulter génère un taux d’inscription deux fois plus élevé que le même message dans une pop-up. De même, le caractère “premium” des sites doit être renforcé avec le développement de contenus exclusifs bien signalés et plusieurs boutons vers l’abonnement installés et rendus très visibles. “Le paywall est un dispositif très agressif et frustrant. Il ne faut pas parler des tarifs immédiatement : plutôt faire assimiler au préalable l’apport des contenus pour le lecteur et susciter l’envie progressivement. Le marketing est fondamental autour des offres payantes”, souligne Marie-Madeleine Lamy, directrice numérique de La Croix. Il faut également éviter les formules négatives et pousser des messages positifs, tels que “Venez participer à une communauté de lecteurs”. 4 Utiliser un outil de DMP et multiplier les tests A/B La collecte et l’analyse des données via une DMP les expérimentations pour le déclenchement du paywall via les prestataires d’A/B testing sont importantes. Les Echos utilise l’outil de DMP de Weborama pour collecter, analyser et segmenter les données, tandis que La Croix a opté pour la DMP de Krux (qui discute avec L’Express). De même, les dispositifs doivent évoluer sans cesse. Le nombre de contenus gratuits, à l’origine situé à 10 ou 15 par mois, sont désormais généralement situés entre 5 et 10 en France – c’est le cas à L’Express, Les Echos, La Croix… C’est le fruit d’une multitude d’expériences et tests A/B pour mesurer et analyser les comportements de segments de lecteurs afin de déterminer le nombre optimal de contenus gratuits avant l’apparition du paywall ou les messages les plus efficaces. Pour La Croix, c’est l’outil de la société française AB Tasty qui calcule le déclenchement du paywall en combinant la lecture du segment Krux et des informations provenant de la session live. AB Tasty, qui a aussi comme clients France Télévisions, Prisma Media, Ouest France, Axa, SNCF, But… Aux Echos, ces tests sont réalisés avec l’outil de la société américaine Optimizely, a priori la seule capable de les décliner aussi sur applications iOS, selon le titre économique. Parmi autres sociétés positionnées sur le marché de l’A/B testing et l’optimisation des contenus en France figurent les sociétés françaises Kameleoon – dont les clients sont Le Monde, Canal+, Condé Nast, Société Générale… 5 Optimiser par la data Si une audience suffisamment importante est recommandée pour la mise en place d’un paywall au compteur, le dispositif n’est pas pour autant réservé aux très grands sites. Il peut être adapté aux éditeurs plus modestes, positionnés sur des niches éditoriales ou disposant d’une communauté très fidèle. C’est le cas de La Croix, qui avait choisi en 2010 de mettre en place un modèle freemium. La mise en payant des contenus, laissée à l’appréciation de la rédaction, a été jugée trop subjective et non optimale. Le titre a donc opéré un changement en 2014 avec la mise en place d’un paywall au compteur : c’est l’engagement préalable aux contenus de LaCroix.com qui déclenche l’apparition du paywall. Depuis 2016, le système s’est sophistiqué un peu plus avec un pilotage par la data avec la DMP de Krux. Comment mesurer l’engagement préalable d’un internaute à la marque média pour adapter la stratégie ? “C’est le plus délicat, on fait beaucoup de tests et on fait régulièrement évoluer les critères”, souligne Marie-Madeleine Lamy, directrice du numérique de La Croix. Il s’agit par exemple du nombre de consultations du site, la fréquence des visites, le caractère différenciant des contenus ou non, etc. Pour La Croix comme pour les autres éditeurs, c’est la brique des sociétés d’A/B testing et d’optimisation ajoutée à la DMP qui doit prévaloir : en combinant la lecture du segment opéré par la DMP et les infos temps réel, il autorise l’accès au contenu pour le lecteur. Les Echos réfléchit lui aussi à aménager son dispositif. 6 Cibler son paywall La plupart des éditeurs ont choisi d’adresser le paywall à une petite partie de leurs lecteurs car le dispositif doit être adressé prioritairement au cœur de cible du titre en fonction de sa stratégie éditroiale et économique. A La Croix, le dispositif bloque par exemple l’accès pour les plus engagés tout en poussant des messages commerciaux d’abonnement en fonction des thématiques d’intérêt décelées. Des prospects pour l’abonnement qui consultent les informations religieuses voient donc le paywall plus vite, contrairement aux prospects qui consultent plutôt l’actualité générale. De même, le titre, qui cherche à élargir son audience sur son offre liée à l’éducation, laisse les internautes consultant les articles éducation circuler plus longtemps sans paywall. Ses prospects sont limités : 3,5 % des sessions totales sur LaCroix.com déclenchent finalement un mur payant (le site génère 3 millions de visites mensuelles, selon l’OJD, et attire 1,5 million de visiteurs chaque mois selon Google Analytics). “Ce pourcentage de blocage qui parait faible au premier abord, semble cohérent avec le marché”, observe Marie-Madeleine Lamy (La Croix). Le nombre d’abonnés purs numériques de La Croix s’élevait à 500 en 2010, 2 000 en 2014 et se situe désormais à un peu plus de 8 400, soit 10 % de sa diffusion France payée individuelle mesurée par l’OJD. La mise en place de ce paywall “intelligent” a été permise par un financement du FINP accordé en 2014. La Croix applique une politique identique sur ordinateur et mobile, ce terminal ne générant de toute façon que peu de revenus publicitaires pour le titre. Les Echos a, lui, opté pour un paywall commun à tous les internautes, mais il veut lui aussi développer une personnalisation. Le titre réfléchit à évoluer son paywall, par exemple en baissant à 2 ou 3 articles par mois le nombre de contenus gratuits, ou à l’appliquer pour les visites en provenance de Google Actualités et et des réseaux sociaux, ce qui n’est pas le cas dans l’immédiat. Grâce à la société InBox, une individualisation peut être mise en place : un scoring est attribué à l’internaute en fonction de son engagement – à la manière de La Croix – selon des données AT Internet et des données CRM. InBox compte également comme clients Le Figaro, Télérama, Mondadori, Les Echos, Prisma Media, Play Bac, Marie-Claire, Express Roularta, Fleurus Presse, Investir, La Dépêche du Midi, Le Monde, Courrier International, Malesherbes Publications, L’OBS, UNI-Presse. 7 convertir à partir d’une grande base d’inscrits Le parcours de conversion et la stratégie sont identiques pour chaque éditeur : attirer l’audience visée la plus large possible sur ses supports, la convaincre de s’inscrire pour recueillir des données personnelles et convertir une partie des inscrits en abonnés. Si un bonne stratégie marketing facilite la transformation des lecteurs, la conversion est longue et lente. Après deux ans et demi, le dispositif de L’Express est passé est maintenant limitée à 7 contenus sur 30 jours glissant, plus 3 supplémentaires après inscription. L’abonnement, autour de 12 euros initialement, est aujourd’hui à 7,99 euros. Le dispositif tarde à faire ses preuve. Il y aurait “quelques milliers” d’abonnés à L’Express.fr. Mais le paywall est un très bon outil de collecte de data via l’inscription obligatoire, souligne Christelle Macé, directrice des audiences et du marketing numérique digital du groupe Altice Media. Car les paywalls concernent finalement peu de lecteurs, ceux qui sont les plus réguliers. C’est le sens du dispositif mis en place par Libération depuis le 31 mai 2016. Son paywall, original, est pensé pour s’afficher sur les plus réguliers de ses visiteurs. Le principe : les internautes sont bloqués dans leur navigation au bout de sept visites mensuelles sur son site web et 14 sur son site mobile, mais ils peuvent consulter un nombre d’articles illimités lors de chacune des sessions. L’abonnement est à 15 euros par mois. L’objectif est de cibler un public plus jeune, habitué à payer cette somme pour d’autres services de contenus en ligne, comme Netflix ou Spotify. Les contenus live, les vidéos ainsi que les applications mobiles sont exclus du paywall. La base de prospects est relativement étroite : Libération a estimé qu’environ 2% des lecteurs allaient être confrontés à son paywall (soit 100 000 affichages chaque semaine). Lors des trois premiers mois (de juin à août 2016) le titre a enregistré une moyenne de 300 nouveaux abonnés par mois. Le paywall a pour l’instant permis de générer 10% de nouveaux abonnés sur les 9 000 à 10 000 qu’il compte aujourd’hui. De son côté, Les Echos, qui dispose d’un bassin d’audience plus large, s’en tire le mieux parmi les éditeurs français. Grâce à ses optimisations, le titre économique revendique un trend de 15 000 nouveaux inscrits chaque mois sur son site, pour une base totale annoncée de 3,8 millions d’inscrits. Il est passé de 4 000 abonnés numériques à 34 500 aujourd’hui (chiffre OJD). 8 Penser au mobile L’un des enjeux désormais entrevus par les éditeurs est technologique : comment empêcher le contournement du paywall ? Les médias, qui avaient initialement opté pour la souplesse, veulent réduire la porosité de leurs dispositifs. Ils tentent de répondre au changement de navigateur ou à la navigation en mode privé, deux façons relativement répandues de contourner les paywalls. Mais cela conduit à une plus forte traçabilité des internautes via les cookies. “Il faut bien expliquer pourquoi on collecte les données et ce que ça va leur apporter”, disent en substance les éditeurs interrogés, qui pourraient malgré tout se heurter à des problématiques de privacy. L’autre enjeu technologique – et marketing – porte sur le mobile. Entre 45 à 60 % des visites en ligne de sites médias sont désormais réalisées sur mobile, où l’acte d’abonnement est moins évident. Le marketing, l’ergonomie et l’UX y sont donc encore plus importants que sur ordinateur. Les éditeurs poussent peu leurs paywalls au compteur sur les kiosques applicatifs pour préserver leurs inventaires publicitaire. Seuls Les Echos permet de s’abonner sur mobile iOS. Mais le site mobile devient un enjeu essentiel. Google AMP devrait ainsi représenter 30 à 40% de l’audience mobile des éditeurs ces prochains mois. “L’enjeu portera sur la synchronisation et la personnalisation des différents paywalls” sur Google AMP, note Christelle Macé (L’Express). 9 Enrichir les offres de contenus Les paywalls, strictes ou au compteur, vont-ils perdurer ? Aux Etats-Unis, où ils se sont beaucoup développés depuis 2011, plusieurs titres ont annoncé ces douze derniers mois changer de stratégie, pour appliquer le freemium (Newsweek, The Sun), ou le paywall intégral (The Financial Times au printemps 2015). En France, le format se développe toujours. Le Parisien a mis en place un paywall au compteur au printemps (après 5 articles + 3), tandis que Lagardère Active y réfléchit pour Le JDD. De l’avis des éditeurs interrogés, beaucoup de choses reste à expérimenter pour convertir les simples lecteurs. Cela passe par renforcer la qualité éditoriale et les contenus exclusifs, mais aussi travailler sur de nouvelles verticales ou services complémentaires pour les abonnés. 10 Vouloir toujours innover C’est la stratégie de L’Express, notamment pour des newsletters personnalisées. De son côté, La Croix pousse déjà des offres d’abonnement segmentées autour de son paywall. Après une offre thématique aux lecteurs de contenus sur la religion proposée depuis 2014 (12 euros par mois), une autre destinée aux lecteurs de contenus parents et enfants vient d’être lancée (à 21 euros). L’enrichissement des abonnements par des services est également envisagé : Les Echos regarde par exemple du côté du Wall Street Journal, qui développe des offres complémentaires de services aux entreprises. Jean-Michel De Marchi Abonnements numériquesPaywall Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Paywall : Comment Le Temps a utilisé la solution alternative de Swisspay Abonnements : metered paywall ou freemium ? 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