Accueil > Médias & Audiovisuel > Transformation & Innovations > Vincent Leclabart (Australie et AACC) : “Les campagnes digitales ne sont pas rémunérées à leur juste valeur” Vincent Leclabart (Australie et AACC) : “Les campagnes digitales ne sont pas rémunérées à leur juste valeur” Par La rédaction. Publié le 16 décembre 2016 à 13h02 - Mis à jour le 26 février 2021 à 17h20 Ressources Vincent Leclabart, président-fondateur de l’agence Australie, est président de l’AACC (Association des agences-conseil en communication) depuis 2013. A la tête de ce syndicat professionnel regroupant plus de 200 agences réparties en huit délégations, il revient pour Mind sur les problématiques digitales auxquelles sont confrontées actuellement les agences publicitaires : concentration du secteur, concurrence des SSII, relations avec les annonceurs, adblockers, problèmes liés aux compétitions et aux rémunérations… Quel est votre regard sur le marché de la publicité en ligne ? C’est un marché qui progresse mais sur lequel nous n’avons pas encore trouvé le moyen de développer une publicité de qualité. On remarque de bonnes opérations éphémères, comme celles pour Tipp-Ex (par Buzzman, ndlr), mais il n’y a pas encore de grandes campagnes sur la durée. Il faut des propositions créatives qui aient davantage de sens. On est dans une approche trop souvent littérale et rationnelle de la publicité en ligne, fondée par exemple sur la data. Mais il faut faire rêver les internautes ! Concernant les retours sur investissement, ce n’est pas parfait non plus. Il faut travailler sur des critères de mesure de l’efficacité de ces campagnes. Au premier semestre 2016, les investissements publicitaires en ligne ont pourtant dépassés ceux en télévision selon le baromètre SRI-PwC (30% vs 29,7%). Quel impact pour les agences de communication ? Nous parlons là d’investissements publicitaires bruts. Mais ce qui compte pour les agences, ce sont les investissements nets. Et là, les investissements publicitaires sont encore aujourd’hui plus élevés pour la télévision que pour le digital. Sans oublier qu’au troisième trimestre 2016, les rapports se sont à nouveau inversés : la télévision est repassée devant le digital, y compris en chiffres bruts. Néanmoins, la tendance est effectivement claire, le digital deviendra leader. Ces chiffres signifient d’abord que les agences ont plus de travail. Car créer du contenu pour le numérique impose de concevoir des messages différents selon les canaux. Et ceux-ci sont nombreux. Mais en face, il y a peu de rémunération supplémentaire. Comment les agences publicitaires peuvent-elles s’adapter à cette situation ? Quelles nouvelles compétences doivent-elles intégrer ? Il faut qu’elles intègrent un “creative technologist”, autrement dit un profil qui sait associer la technologie à la création. D’ailleurs, ces talents viennent de créer le Creative Tech Tank (un think tank visant à accompagner les évolutions qui s’opèrent dans les industries de la création, ndlr) pour valoriser leurs apports créatifs. Mais les agences doivent prioriser la création sur la technologie – cela reste un métier d’ingénieurs – car c’est notre avantage concurrentiel sur les SSII. Il y a eu ces dernières années de multiples rachats d’agences digitales par des agences publicitaires : Soleil noir par McCann, Mediagong par Leo Burnett, Nurun par Publicis, XPrime par JWT, 5e Gauche par Herezie, Les Argonautes par Makheia… Ont-ils permis aux agences de s’armer face aux nouveaux concurrents ? Cette concentration répond à deux besoins : les agences publicitaires veulent intégrer des spécialistes du digital pour gagner en légitimité et en crédibilité, tandis que les agences digitales ont besoin de se développer. Les agences digitales de taille moyenne – celles qui ont 3 millions d’euros de marge brute – doivent en effet s’adosser à de plus gros groupes pour accéder à des clients plus importants. Mais ces rapprochements n’ont pas tous été couronnés de succès, car la publicité traditionnelle et la publicité digitale ne sont pas les mêmes métiers. Les préoccupations créatives sont différentes, tout comme la façon de travailler. Au vu de ces expériences, les dernières agences digitales rachetées ont d’ailleurs demandé à bénéficier d’une autonomie de fonctionnement ; les deux entités bénéficient ainsi d’une certaine proximité pour travailler sur leurs clients communs tout en gardant leurs spécificités. Comment ces rapprochements ont-ils influencé les rapports des agences publicitaires avec les agences médias et les régies publicitaires ? Des tensions interviennent, car si les agences publicitaires peuvent de plus en plus maîtriser les canaux digitaux, agences médias et régies publicitaires se positionnent comme des spécialistes des canaux, et proposent des contenus. Pour développer leurs revenus, elles veulent faire du brand content et même parfois de la création. Or les agences publicitaires restent plus compétentes qu’elles sur ce domaine. Elles abordent les idées créatives selon les réactions qu’elles vont déclencher chez les internautes, et pas sur la base de ciblage ou d’audiences. Aujourd’hui, on ne peut pas clarifier les frontières. Il faut simplement être meilleur que les autres. Quelle est la part de responsabilité des agences de publicité dans le développement des adblockers ? Il y a trois éléments qui expliquent leur montée. Déjà, devant un écran de plus en plus petit qu’on consulte dans une optique précise, on ne veut pas voir notre attention troublée par un message non souhaité. Ensuite, les formats publicitaires sur le digital sont trop souvent intrusifs. Sans oublier que la qualité de leur contenu est moindre, il faut l’admettre. En résumé, il faut imaginer des formats moins intrusifs et produire des bonnes publicités. Au printemps 2014, l’AACC a mis en place une charte de La belle compétition pour mieux encadrer les appels d’offres. La situation s’est-elle améliorée ? Nous avons fait un point sur le sujet avant l’été, qui montrait une petite amélioration sur certains critères, comme le nombre d’agences consultées. Mais les agences ont toujours un travail d’évangélisation à faire auprès des annonceurs. Concernant les compétitions digitales, les annonceurs qui en sont à l’origine connaissent moins les agences et le secteur que ceux qui consultent pour une campagne de publicité traditionnelle. Ils n’hésitent donc pas à faire des compétitions lourdes avec beaucoup d’agences pour de petits sujets, ce qui peut remettre en cause la rentabilité des agences. La délégation Interactive de l’AACC travaille beaucoup avec l’Union des annonceurs (UDA) pour sensibiliser les clients sur les critères d’une bonne consultation. Mais dans les faits, beaucoup de consultations se font hors du cadre de l’UDA ou du Club des annonceurs : c’est aux agences de faire de l’évangélisation. Quel regard portez-vous sur la rémunération des agences de publicité ? Quel serait le modèle idéal ? C’est un sujet lié au point précédent : la rémunération des agences n’évolue pas favorablement. C’est particulièrement vrai pour les campagnes et les opérations digitales, qui ne sont pas rémunérées à leur juste valeur. Aujourd’hui, c’est le temps passé sur la conception d’une campagne qui est rémunéré. Il y a peu, voire pas de rémunération sur la valeur de la création. Or il faut développer cet aspect. Quant à la rémunération selon les résultats de la campagne, peu d’annonceurs jouent le jeu et lorsqu’ils le font, c’est rarement sur des critères objectifs. Comme pour les compétitions, c’est aux agences de prendre leurs responsabilités afin de ne pas tirer les prix vers le bas. Quels seront les enjeux à surmonter pour les agences de communication en 2017 ? Pour tous les métiers de la publicité, y compris digitaux, il faudra être toujours plus créatif. A nous de trouver des idées originales qui intéressent le public, créent de l’enthousiasme et de la passion. Notre métier, c’est parler au cœur. Propos recueillis par Océane Redon La rédaction Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? Le New York Times affiche toujours une croissance très robuste portée par le numérique data Les baromètres, panoramas et chiffres sur l'évolution du marché Le classement des éditeurs français qui ont le plus d'abonnés purs numériques Les données récoltées par les acteurs de la publicité en ligne La liste des sociétés présentes dans les fichiers ads.txt des éditeurs français Les gains de budget des agences médias Opt-out : quels éditeurs français interdisent les robots crawlers de l'IA générative ? Le panorama des sociétés spécialisées dans les technologies de l’e-retail media La liste des outils utilisés par les équipes éditoriales, marketing et techniques des éditeurs français Le détail des aides à la presse, année par année La liste des CMP choisies par les principaux médias en France Digital Ad Trust : quels sites ont été labellisés, pour quelles vagues et sur quel périmètre ?