Accueil > Médias & Audiovisuel > L'après-cookies > Pourquoi l’alliance Gravity vient changer la donne Pourquoi l’alliance Gravity vient changer la donne Par . Publié le 13 juillet 2017 à 13h56 - Mis à jour le 13 juillet 2017 à 13h56 Ressources Si des questions techniques et stratégiques doivent encore être résolues, l’alliance de plusieurs groupes français autour des données montre leur tentative de s’opposer à l’ultra-domination de Google et Facebook dans la publicité et oblige le marché à se positionner, observe Jérôme Colin, associate Partner et codirecteur du pôle Digital au sein du cabinet Emerton. Si l’idée d’une alliance entre médias dans la publicité n’est pas radicalement nouvelle, l’initiative autour de Gravity se distingue fortement des projets précédents, aussi bien en France qu’en Allemagne ou aux Etats-Unis, pour trois raisons : Gravity commercialise de la donnée, des cibles, et non de l’inventaire publicitaire, qui a déjà fait l’objet d’efforts précédent de mutualisation On pense ici à La Place Media, Audience Square en France, à l’alliance TF1/ProSieben/Mediaset au niveau européen, etc. Si les inventaires premium ou secondaires sont surabondants et souvent insuffisamment vendus, les données riches sont, elles, rares car issues de sources fragmentées. Les mutualiser en révèle la valeur et est fortement différenciant. Elles peuvent ainsi être commercialisées avec une forte valeur ajoutée, indépendamment de l’inventaire Gravity se concrétise via une joint-venture ouverte entre les fournisseurs de données, sans intermédiaire. Ainsi, le potentiel d’élargissement est fort et les médias gardent le contrôle. Avec ce modèle, les participants se rapprochent du modèle très intégré, et gagnant, des leaders américains : capter la donnée, la valoriser par du ciblage et donner accès à l’inventaire pertinent. Gravity permet de regrouper des données extrêmement variées et très puissantes une fois combinéesC’est sa principale force. A travers des titres divers et des médias variés, Gravity multiplie les points de contact avec les utilisateurs, mais également le type d’informations collectées. Le projet innove radicalement avec l’inclusion de données d’intention d’achat (via Solocal ou Fnac-Darty), de localisation, d’opérateur (via SFR). Cette approche rappelle les nouveaux produits publicitaires de re-targeting de Solocal, mais avec une plus grande diversité encore de données et l’accès à un inventaire plus large. Cette stratégie semble extrêmement puissante afin de valoriser au mieux les données, puis les inventaires en particulier premium. Des obstacles et des questions Le potentiel est donc considérable, mais l’initiative n’en est qu’à ses prémices. Les membres de Gravity font encore face à des défis importants : Ils devront réussir à bien lier les données entre elles pour segmenter les utilisateurs, puis permettre de repérer ces derniers lors de leur navigation en ligne : c’est la quête d’un ID unique. Cela pose aussi la question de l’intégration de Gravity dans les processus de vente et d’adserving, voire de la gouvernance des produits (données mutualisées vs inventaires séparés et tiers). Ils devront également gérer l’alignement des intérêts au sein de la joint-venture : l’alliance et son élargissement semblent très pertinents (voire indispensables) pour faire face aux géants américains, mais pourraient se révéler difficiles à mettre en œuvre compte tenu des différences de stratégie entre les membres. Enfin, la pertinence de l’offre publicitaire en aval sera conditionnée à la réussite du modèle algorithmique (combinaison et interprétation des données, attribution) et opérationnel (intégration de la donnée dans la vente d’inventaire pertinent et delivery de qualité, y compris en native, mobile et vidéo). Les lignes vont bouger Même s’il reste du chemin à parcourir, Gravity vient changer la donne dans un contexte de crise des médias issus du papier. Leurs revenus publicitaires sont en très forte chute depuis dix ans (de l’ordre de – 5 % à – 6 % par an, avec une tendance à l’accélération), et les revenus des ventes papier sont en érosion constante (de l’ordre de – 2 % par an), mettant à mal leur modèle économique. Parallèlement, la monétisation des offres en ligne reste globalement très faible aussi bien pour la vente de contenu que pour la publicité, un lecteur en ligne ne rapportant à l’éditeur qu’une fraction de ce qu’un lecteur papier lui rapportait. Pendant ce temps, Google et Facebook captent les deux tiers de la publicité digitale, et la quasi-totalité de sa croissance : une réussite fondée sur leur omniprésence, une masse incomparable de données sur les utilisateurs, des produits publicitaires efficaces, dans une offre très intégrée et avec une exécution sans faille. Il serait aujourd’hui sûrement excessif d’imaginer que Gravity puisse réellement leur faire barrage, mais il peut permettre aux médias français de s’approprier une partie de la croissance et de revaloriser leurs modèles. Gravity va de plus inciter l’ensemble des acteurs du secteur à se positionner. Certains, comme Leboncoin ou Webedia, disposent en propre de données et de modèles propices à attirer les annonceurs, mais des acteurs moins puissants sont confrontés à un choix stratégique : rejoindre Gravity, créer un concurrent, revendre leurs données, ou bien choisir un autre axe de différenciation ? Notons que deux jours après le lancement de Gravity, Le Monde et Le Figaro ont annoncé l’alliance Skyline : son positionnement, sans mutualisation de données, est celui d’une offre programmatique simple, lisible, sécurisée et très premium. La bataille de la publicité digitale se joue bien sur de nombreux fronts et rien n’est encore figé. 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