Google demeure une source majeure de trafic pour les éditeurs

Pour les éditeurs, être bien référencé sur Google Actualités reste une priorité. Mais depuis trois ans, Google se fait concurrencer par Facebook, et plus récemment par Apple News, notamment sur le mobile, où les lecteurs passent le plus de temps. Le constat de 20 minutes est révélateur de ce phénomène.

Cette année, pour la première fois, Apple compte pour près de 20 % du trafic du quotidien gratuit sur desktop et mobile, tandis que Facebook et Google Actualités génèrent chacun 30 %, contre 60 % il y a deux ans encore pour Google.

Michaël Fromentoux, directeur du développement numérique de 20 Minutes, accueille ces changements avec satisfaction : non seulement ses sources de trafic se diversifient, ce qui met fin à la dépendance du média à l’égard de Google, mais le volume de visites du site augmente aussi. “Le trafic de notre site mobile a été multiplié par deux en moins de deux ans grâce au développement de Facebook et l’arrivée d’Apple”, déclare-t-il.

Google redevient central pour l’audience

Jean-Paul Dietsch, directeur des nouveaux médias de l’ACPM, confirme que si ces dernières années l’impact de Google dans la génération de trafic a baissé, c’est parce que le rôle de Facebook et d’autres plateformes s’est accru.

Mais la situation évolue à nouveau : en annonçant officiellement le changement de son algorithme, qui mettra dorénavant l’accent dans le fil d’actualité sur ce qu’amis et famille partagent, au détriment des contenus publiés par les éditeurs et les marques, Facebook pourrait générer moins de trafic naturel pour certains éditeurs. Ils devront en tout cas produire plus d’efforts pour garder leur visibilité et engager leurs audiences avec une stratégie adaptée.

Sans compter que malgré son initiative Instant Articles, Facebook commence à perdre son influence sur le mobile, concurrencé notamment par les pages AMP de Google (lire ci-après). Un changement mesuré pour la première fois en décembre dernier par l’entreprise d’analyse d’audience Parse.ly aux États-Unis (voir les résultats de cette étude), pays où l’adoption des pages AMP est plus avancée qu’en France.

Ariane Bertrand, directrice du numérique du Parisien, pour qui Google dans son ensemble (moteur de recherche et actualités) reste un levier de trafic majeur, le constate aussi : “Facebook reste l’autre levier indirect très important pour nous, même si sa part est moins grande ces jours-ci qu’il y a quelques mois, c’est une tendance que d’autres médias ont aussi observée”, estime-t-elle.

La perte de vitesse du portail Google Actualités dans la génération de trafic pour les éditeurs est parfois mis en avant, mais il demeure un générateur de trafic intéressant pour les grands éditeurs, notamment lors de périodes de fortes actualités.

L’impact grandissant d’Apple s’explique quant à lui par le widget “News” proposé par défaut dans les iPhone (et dont les mobinautes français ne peuvent pas choisir les sources pour le moment). Mais son importance serait à nuancer, d’après Olivier de Segonzac, directeur associé d’Ozae, solution qui mesure la performance des articles sur Google Actualités et les réseaux sociaux : “Ce widget génère beaucoup de trafic mais pour une vingtaine d’éditeurs seulement en France.”

Ariane Bertrand (Le Parisien) observe elle aussi l’émergence d’Apple News : “Certains jours, le trafic venant d’Apple News est plus important que celui venant de Google. Mais c’est un levier assez opaque.”

Google Actualités en perte de vitesse ?

La perte de vitesse du portail Google Actualités dans la génération de trafic pour les éditeurs est un constat partagé par différents observateurs du marché, dont David Schwalberg, cofondateur de l’agence de référencement Yooka. Certains vont jusqu’à s’interroger sur l’avenir du portail, qui pourrait cesser d’exister en tant que tel et se faire définitivement remplacer par les carrousels de news affichés directement sur les pages de résultats ou l’onglet “actualités” du moteur de recherche.

Ce serait cependant oublier le rôle que ce portail joue toujours pour de grands éditeurs français tels que Le Monde. “Google Actualités, notamment par sa home, reste un générateur de trafic intéressant et plutôt stable, notamment lors de périodes de forte actualité, et permet d’inscrire notre marque comme référence dans l’esprit des lecteurs”, expliquent Diane Lemoine, directrice marketing numérique du Monde et Kevin Singer, responsable audience et SEO du quotidien.

Ils précisent que même si les blocs d’actualités sur le moteur de recherche permettent d’obtenir un trafic beaucoup plus important, comparativement à la page d’accueil de Google Actualités, leur audience est potentiellement moins spécialiste de l’actualité. Aussi ces leviers sont plus complexes à maîtriser, notamment la collaboration entre les algorithmes Google Actualités et Google Search. Mieux vaut par conséquent travailler sa présence aussi bien sur le portail que sur les blocs actualités.

“Les grandes marques médias sont beaucoup moins dépendantes des plateformes que les petits éditeurs”

Jean-Paul Dietsch, Directeur des nouveaux médias à l’ACPM

La perte d’influence du portail Google Actualités ne signifie pas que Google génère moins de trafic en chiffres absolus pour les éditeurs, bien au contraire. “La page d’accueil de Google Actualités est certes moins fréquentée qu’autrefois, mais les millions de box d’actualités présentes dans Google Search via le bloc “À la une” renforcent le positionnement des sites médias dans Google Actualités “, explique David Schwalberg (Yooka) pour qui Google reste un pilier pour les médias.

“Google s’est beaucoup amélioré pour faire remonter les sites d’actualités, notamment en augmentant le nombre de requêtes qui déclenchent les blocs de news sur les résultats des recherches”, ajoute Olivier de Segonzac (Ozae) rappelant que Google est une référence sur le desktop, où il pèse pour 50 % du trafic des gros sites médias français.

Même constat chez 20 Minutes, où Google est la plus importante source sur le desktop, avec 45 % de part de trafic générée tous moyens confondus (portail, box “À la une” et onglet “actualités” du moteur de recherche). Dans le cas du Parisien, la part du trafic du site généré par Google dans son ensemble a augmenté de 40 % cette dernière année.

L’impact grandissant d’AMP

Sur le mobile, environnement devenu prioritaire pour les éditeurs et les marques, Google mise sur son initiative AMP (Pages Mobiles Accélérées, en anglais), lancée en 2015 aux États-Unis et l’année suivante en Europe. Cette solution open source est censée dynamiser sensiblement le chargement des pages des éditeurs, avec la promesse d’accroître leur trafic mobile en conséquence (lire ici le bilan des pages AMP). “En pratique, ce qui était Google News sur le mobile dans ce cas devient Google AMP”, explique Olivier de Segonzac (Ozae). Mais il faut pour cela que l’éditeur accepte de rester hébergé chez Google, l’adresse URL du site reflétant ainsi cette appartenance. En France, les audiences AMP sont mesurées à part par l’ACPM, et Médiamétrie les présente sous l’onglet “agrégats”. Une trentaine de médias français mesurés par l’APCM ont adhéré à l’initiative AMP, dont Le Parisien, 20 Minutes, L’Express, Les Échos, Libération et France Info.

Les plateformes “coupent les vannes”

Avec AMP, Google garde l’éditeur chez lui, mais il n’est pas le seul. Si Facebook a pris de l’importance, ces dernières années, en matière de génération de trafic pour les éditeurs, cette tendance s’est inversée depuis le lancement d’Instant Articles en 2016, rappelle David Schwalberg (Yooka) : “Facebook coupe les vannes. Avec Instant Articles et la promotion de vidéos natives, le réseau social veut que le trafic reste désormais chez lui.”

Le changement d’algorithme annoncé renforce cette tendance. Et le phénomène sera bientôt le même sur Apple News, prévoient les analystes.

Ces évolutions ne sont pas de nature à rassurer les éditeurs puisque leur objet le plus précieux, les audiences, et notamment leurs profils en ligne et leurs données, restent dans ce cas la propriété des grandes plateformes qui les hébergent. Pour Jean-Paul Dietsch (ACPM) cet impact est cependant à nuancer, les grandes marques médias étant beaucoup moins dépendantes des plateformes que les petits éditeurs.