Michèle Benzeno (Webedia) : “Avec nos quatre agences-métiers, nous remontons sur la chaîne de valeur pour associer régie et production”

Webedia est devenu un groupe de taille très importante. Au point que le marché s’interroge parfois sur la lisibilité de son organisation et son activité. Quel est votre métier aujourd’hui ?

Ces trois dernières années, pour renforcer notre stratégie de verticalisation et devenir un média leader dans l’univers du divertissement, le groupe a fortement investi en s’appuyant sur une stratégie de croissance externe, avec près d’une quarantaine d’acquisitions.

Nous avons ainsi accéléré notre internationalisation et étoffé nos activités au sein de chacune des filières où Webedia est leader : le cinéma, le gaming, l’e-sport et le food, en France, Brésil, Allemagne, Espagne et aux Etats-Unis. Nous avons fait évoluer progressivement notre métier d’éditeur,dont la mission originelle est de capter des millions de communautés de passionnés. Aujourd’hui, nous sommes devenus agents de “talents”, producteurs de contenus audiovisuels et organisateurs d’événements, en capitalisant sur notre expertise dans l’univers du divertissement.

C’est un positionnement unique qui nous permet de proposer aux marques des dispositifs très intégrés mêlant du contexte associé à nos data, des contenus natifs incarnés par nos talents et des capacités technologiques qui nous permettent de produire des contenus performants.

Après une année 2017 d’intégration réussie, nous évoluons maintenant vers une nouvelle étape qui nous permet de nous projeter sur trois ans. La nouvelle stratégie de Webedia soutenue par notre actionnaire Fimalac est claire : passer d’un média digital leader à un groupe de divertissement digital, avec la volonté de prendre des risques et d’investir, avec une vraie vision à trois ans.

Qu’est-ce qu’un “groupe média de divertissement digital” ?

Les médias sont tous en train de faire évoluer leurs offres pour répondre à une question centrale : comment aider les marques à mieux adresser leurs cibles et donc à réussir leur transformation numérique ? Notre réponse passe par la transformation de notre activité historique – la production de contenus par un éditeur – pour devenir un producteur de contenus de divertissement en s’appuyant sur la data, l’influence marketing et les technologies. L’objectif est de proposer aux marques des dispositifs globaux et intégrés via des expertises thématiques.

Nous avons l’ambition de devenir producteur audiovisuel

Michèle Benzeno

Directrice générale en charge des revenus

Que signifie le terme de “producteur” pour Webedia ?

Il faut le voir dans un sens très ambitieux avec des exigences qui ne s’improvisent pas en termes d’exécution . Au-delà de produire et diffuser des contenus à destination de nos médias et après quelques premières initiatives de coproduction de séries pour la télévision et le cinéma, nous avons l’ambition de devenir producteur audiovisuel. Nous nous inscrivons ici dans une démarche qui doit réunir plusieurs critères, des contenus ou évènements liés au divertissement, une forte dimension internationale, un potentiel important en termes de merchandising.

Etre producteur audiovisuel ne s’improvise pas. Pour nous donner les moyens de nos ambitions, nous avons créé fin 2017 avec la société Elephant un label de production de contenus à destination des millennials, baptisé Elephant Entertainment : il s’agit d’associer le savoir-faire d’Elephant dans l’univers de la production audiovisuelle et l’ADN de pure player de Webedia. C’est l’opportunité de favoriser des rencontres entre des auteurs qui sont habitués à écrire pour la télévision et nos talents qui sont avant tout des créateurs pour par exemple produire des fictions d’un nouveau genre. L’objectif est de concevoir de nouvelles écritures et des formats originaux propriétaires pour la télévision, le cinéma et les nouvelles plateformes de SVOD.

Ces évolutions dans les offres impactent-elles l’organisation du groupe ?

Effectivement, nous venons de procéder à une évolution naturelle pour clarifier et renforcer nos trois activités. Désormais, nos clients accèdent à nos offres via trois guichets. Le premier, déjà en place, concerne notre activité de régie publicitaire avec Webedia Brand Solutions. Elle est devenue une régie multi-leviers et dessine pour les marques des dispositifs très personnalisés ; elle propose à partir de nos audiences, de la publicité très contextualisée en intégrant data et influence marketing y compris sur nos pages sociales, avec une synergie totale entre le canal direct et le programmatique, tous nos inventaires sont désormais mis en compétition avec le même niveau de priorité grâce au header bidding intégré sur l’ensemble de nos sites. Au passage, le programmatique est un levier qui contribue fortement à la reprise de valeur en termes de revenus. Grâce à nos choix technologiques, nous sommes en capacité de proposer des formats premium de branding, y compris en programmatique, sous l’impulsion de Simon Kurtz, directeur commercial programmatique, et Philippe Giendaj, directeur produit programmatique.

Le deuxième accès à nos offres, lui aussi déjà en place, passe par une autre activité historique pour le groupe : la création de plateformes de marque indépendantes de nos médias, avec Webedia Brand Services. Il s’agit de proposer aux annonceurs la production de contenus, enrichis par les insights et la technologie, que ce soit en amont par des études, pendant en les ajustant en temps réel via les données, ou après les reportings de performance des campagnes.

Nous officialisons maintenant un troisième guichet à nos offres, avec la mise en place d’agences métiers, qui sont de nouvelles structures globales et très intégrées, composées de 10 à 15 personnes chacune, sur des verticales précises : Movies Agency (cinéma), Gaming Agency (jeu vidéo), Esports Agency (e-sport), et Food Agency (cuisine). L’objectif est de remonter sur la chaîne de valeur pour associer régie et production.

Beaucoup d’éditeurs créent des agences pour se rapprocher des marques. Comment cohabiter avec les agences traditionnelles ?

Ce sont ici des “agences-métiers” très verticalisées et sur des secteurs où nous avons déjà, au sein du groupe, une expertise réelle et globale : cinéma, food, e-sport, gaming. Nous pouvons aider les annonceurs à comprendre les audiences, à produire le bon contenu et à toucher efficacement leurs cibles, via la data et les influenceurs, dans des univers très particuliers que très peu d’autres acteurs maîtrisent, que ce soit sur le digital ou via des événements.

Comment cela se concrétise-t-il ?

Prenons l’exemple du jeu vidéo. Il n’y a pas un lancement de jeu aujourd’hui qui ne sollicite pas les influenceurs les plus référents. Notre rôle est de créer de la désirabilité autour des licences de jeux vidéo avec une approche qui réunit supports médias propriétaires, influenceurs, communautés et événementiel. Notre structure dédiée, eSport Agency, propose par ailleurs la possibilité de sponsoriser ou créer des équipes (PSG), des leagues (FDJ), des compétitions et des spectacles vivants (Barrière eSport Tour, HP Omen, SFR à l’ESWC), des programmes d’ambassadeurs (CIC), ou l’association à des talents (Orange). Nous avons cinq studios internes en France sur lesquels nous nous appuyons pour une production sur-mesure, avec une forte dimension artistique. Les marques peuvent ainsi toucher un public captif, millennial, généralement difficile à atteindre avec un réel track record en matière d’exécution.