Erwan Jegouzo (Pippa) : “Nous n’encourageons pas la monétisation des podcasts par le programmatique”

Quel est le positionnement de Pippa ?

Pippa est une société que j’ai cofondée en septembre 2016 avec Simon Marcus, Erick Rabin et Aaron Windfield, à New York. Elle édite une solution d’hébergement, de distribution et de mise en avant de podcasts sur les autres plateformes, un outil d’insertion dynamique afin de donner aux créateurs de podcasts la possibilité de monétiser leurs contenus en interne. Elle donne aussi accès à des données d’audience relatives à la consommation des programmes et au profil des auditeurs.

Notre stratégie initiale a été de convaincre des réseaux de podcasts influents avec une plateforme technologique clé en main à un prix agressif ainsi qu’une compréhension des usages, qui leur permette de se concentrer sur la production de contenu tout en développant leur audience par la distribution. Notre avantage concurrentiel repose également sur notre origine américaine, car c’est aux États-Unis que les podcasts à succès sont nés, et notre promesse est donc de déployer ce savoir-faire en local, car le podcast n’a pas de frontière.

Quel a été votre stratégie pour vous implanter auprès des éditeurs français ?

La France est un marché relativement mûr, mais il reste un petit territoire ; de fait la moitié de notre activité est générée par les États-Unis, tandis que le reste est partagé entre la Grande-Bretagne, la Norvège et la France. Si la plupart des éditeurs traditionnels français ont déjà, pour la plupart, pris le virage du podcast, ils étaient, tout comme les réseaux de podcasts, dans l’attente d’une preuve de la viabilité de ce format.

Nous avons pénétré le marché français en convainquant des acteurs comme Qualiter, Louie Media, 20 Minutes comme premier éditeur de presse papier, avant de collaborer avec les plus grands acteurs dont Binge Audio, Le Figaro – via Madame Figaro), et le groupe TF1 – via LCI. Les grands groupes radio ont été en revanche plus difficiles à convaincre car ils étaient déjà très actifs sur le replay radio, donc ils avaient les outils nécessaires, mais aujourd’hui ils ont pris la mesure de l’enjeu de la distribution.

Les grands groupes radios ont été plus difficiles à convaincre

Erwan Jegouzo

Cofondateur et CTO de Pippa

En France, le marché propose moins de solutions qu’aux États-Unis, où des acteurs historiques comme Soundcloud et Libsyn représentent à eux deux près de la moitié du marché. De fait, Pippa s’est rapidement fait une place aux côtés de Soundcloud ou de solutions locales comme Ausha (selon Podcasteo, Pippa était la deuxième solution la plus utilisée par les podcasts du top 200 d’iTunes en avril 2018, ndlr).  

L’acquisition de votre société par Acast fin avril était-elle indispensable pour son développement ?

Comme je le mentionnais, la stratégie de Pippa repose sur une expertise américaine déployée en local. Pour cela, il nous fallait l’appui d’une technologie plus globale, et surtout une force commerciale pour accompagner les éditeurs dans la monétisation de leurs contenus. Les médias non audio qui se sont lancés dans le podcast n’ont souvent jamais commercialisé d’audio auparavant, donc la présence d’Acast à nos côtés était nécessaire.

Pippa compte quatre personnes. L’intégration par Acast nous a permis de rejoindre un réseau international de 140 personnes qui nous donne une plus grande force de frappe. Je suis le seul représentant en France et j’ai rejoint au moment de l’acquisition le bureau français d’Acast, ouvert en mars dernier et dirigé par Yann Thebault. Nous sommes actuellement trois. Deux autres personnes doivent nous rejoindre à court terme.

Quelles sont les prochaines pistes de développement de Pippa ?

Suite à l’acquisition d’Acast, nous travaillons sur l’uniformisation de nos différents produits : si Acast se positionnait plutôt comme une plateforme premium, Pippa ambitionnait d’être la plateforme ouverte accessible à tous, nous sommes donc en train de fusionner nos deux stratégies pour proposer une plateforme ouverte avec des outils premium pour capter l’essentiel du marché. D’autres développements sont aussi en cours de réflexion.

Nous voulons proposer une plateforme ouverte avec des outils premium

Erwan Jegouzo

Cofondateur et CTO de Pippa

Par ailleurs, Acast s’apprête à se lancer en Allemagne, et plus globalement l’idée est d’ouvrir un bureau dans chaque pays afin d’avoir une présence locale pour utiliser notre solution technologique globale.

Le podcast doit-il se tendre vers une monétisation en programmatique ?

Il existe deux principales manières de monétisation un podcast : via du sponsoring annonceur, sous la forme appelée “host read” dans laquelle l’animateur du programme lit le message publicitaire, et en intégrant des pré-roll ou mid-roll via le programmatique. Le programmatique est en effet déjà activable, et activé souvent dans une logique d’optimisation du remplissage, mais nous n’encourageons pas ce mode de vente car il a tendance à diminuer la valeur des CPM, et la monétisation des podcasts s’inscrit plus dans une logique de qualité que de quantité. Il est par ailleurs également possible de faire du sponsoring délivré en programmatique.

En France, on observe en effet des CPM en programmatique compris entre 10 et 20 euros, là où le sponsoring oscille entre 40 et 60 euros. Ces chiffres sont encore loin de ceux du marché américain, où un CPM à 100 dollars est accessible en fonction du podcast et du positionnement publicitaire.

Où en est la question de la mesure des podcasts, stratégique pour développer leur monétisation ?

Il existe plusieurs projets de mesure, aux niveaux international et local. Du fait de notre internationalisation, nous favorisons plutôt les mesures internationales pour parler au plus grand nombre, comme le standard IAB Tech Lab Podcast Measurement Compliance Program, dont Acast a fait une demande de certification. On s’adapte également aux spécificités locales, en travaillant par exemple en France avec Médiamétrie, avec qui nous avons déjà fait des tests, malgré des difficultés rencontrés sur une solution de tracking.