Accueil > Médias & Audiovisuel > Abonnements en ligne > Data et tech, quelle contribution au modèle des agences de communication ? Data et tech, quelle contribution au modèle des agences de communication ? Le rachat d'Acxiom par Mediabrands, puis ceux d'Epsilon et Soft Computing par Publicis constituent des opérations majeures susceptibles de transformer le secteur des agences de communication. Lors de la conférence Agency Futures organisée le 25 juin par mind Media, Sébastien Danet et la banque ODDO BHF, nous avons interrogé Thomas Jamet (Mediabrands), Laure Debos (Publicis Media) et Sylvain Bellier (Soft Computing, récemment acquise par Publicis) pour détailler ces opérations et expliquer la stratégie d'intégration de ces sociétés fournisseurs de données et/ou de data consulting au sein des grands réseaux. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 26 juin 2019 à 18h34 - Mis à jour le 07 juin 2022 à 10h54 Ressources Thomas Jamet, IPG Mediabrands a acquis le data provider Acxiom pour 2,3 milliards de dollars il y a un an. Quel actif a été acquis exactement et quel sera l’impact pour l’activité en France ? Thomas Jamet (IPG Mediabrands France) : Déjà, soulignons que les agences font de la data depuis toujours. En revanche, ce qui change aujourd’hui, c’est l’automaticité du traitement et les volumes exploitables qui sont de plus en plus grands et qui nécessite de plus en plus de compétences et d’agilité dans l’exploitation. D’où l’intérêt de posséder une base de données consommateurs et des équipes qui savent les analyser. C’est le sens de cette acquisition qui englobe l’activité de base de données et la marque Acxiom (la solution de CRM onboarding Liveramp n’est pas incluse dans la transaction, ndlr) : IPG Mediabrands aura accès à des données anonymisées pour optimiser le ciblage de nos clients et sortir de la dépendances à Google et Facebook. Cette opération va permettre un changement radical de notre offre avec un accès direct à la donnée et une connaissance client beaucoup plus fine, pour toutes les agences du groupe, y compris avec les agences publicitaires (McCann, JWT, etc., ndlr) avec lesquelles les relations seront renforcées. Laure Debos, stratégiquement, pourquoi Publicis a-t-il acquis Soft Computing et Epsilon ces derniers mois ? Laure Debos (Publicis Media) : Ces opérations s’inscrivent dans le programme de transformation de l’offre marketing impulsée par notre président Arthur Sadoun au sein de Publicis et qui repose sur trois piliers : premièrement la digital business transformation, c’est-à-dire la capacité à remonter sur le conseil et l’implémentation de projets numériques, notamment autour de d’expérience client. L’acquisition de Sapient il y a quatre ans va en ce sens. Ensuite le pilier du “content creative engineering”, pratique par laquelle des créations publicitaires digitales (bannières, publicités Facebook, vidéo, etc.) sont en temps réel automatiquement optimisées au fur et à mesure de leur diffusion. Enfin, le dernier pilier de notre offre repose sur l’expertise data, autrement dit le savoir-faire pour accompagner les entreprises dans le meilleur usage de la “data at scale”, au service de leur accélération business et de l’expérience client. Les acquisitions d’Epsilon et de Soft Computing annoncées au premier semestre s’inscrivent dans ce troisième pilier. Epsilon est un acteur majeur aux Etats-Unis couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur du data marketing, avec de la technologie, des data propriétaires et une plateforme de data science et de diffusion des messages. Soft Computing, c’est l’acquisition de compétences en data. Sylvain Bellier, qu’est-ce que Soft Computing et quel est votre votre métier exactement ? Sylvain Bellier (Soft Computing) : Notre société est un acteur leader du data marketing en France avec comme mission d’appliquer le meilleur des sciences et des technologies des données et du digital pour transformer le marketing et l’expérience client. Nous créons ainsi de la valeur sur quatre axes : la data, placée au cœur du mix marketing. L’audience, en augmentant le ROI des média digitaux. Le marketing, en développant la valeur client. Et enfin l’expérience, en enrichissant l’expérience client omnicanal.Soft Computing rassemble 400 consultants répartis en quatre types de savoir-faire complémentaires : des data scientists, des digital marketers, des business analysts et des experts IT. La société a généré un chiffre d’affaires de 47 millions d’euros en 2018 (dont 21 % à l’international, 200 clients, ndlr) pour un résultat opérationnel de 3,6 millions. Qu’est-ce qu’un “data scientist” ? Quel est l’état du marché du travail sur ces profils et leur salaire ? Sylvain Bellier (Soft Computing) : Le marché a souvent utilisé ce terme à tort et à travers ces dernières années, y compris dans le milieu des agences, d’ailleurs. Si on essaie de dresser le profil d’un data scientist, il doit en majeur partie intervenir sur la compréhension des enjeux business ou opérationnels, l’analyse des données à grande échelle, la créativité, les algorithmes d’intelligence d’artificielle et la voix offerts par le nouvel écosystème des outils big data. Enfin aussi sur la visualisation des données. L’évolution de ce profil ira également vers la mise en oeuvre d’application business, ainsi que la programmation sur certains langages. On assiste a une explosion de la demande sur ce métier, mais c’est un profil encore rare, qui coûte entre 40 000 et 120 000 euros bruts par an, selon son expertise, sa séniorité et l’entreprise qui le recrute. Constituer une équipe de data science nécessite donc des investissements importants qu’il faut être capable de faire, ce n’est pas donné à toutes les structures. Et il est fondamental que les entreprises considèrent ces profils comme un centre de profit et non un centre de coût. En quoi des partenariats tactiques ou stratégiques avec des fournisseurs de données ne suffisent plus pour les agences de communication ? Thomas Jamet (IPG Mediabrands France) : Accéder à la data, c’est bien, mais ce n’est plus suffisant : il faut en être propriétaire pour l’exploiter totalement et bien l’implémenter. C’est le constat qui a été tiré de ces dernières années : les deals commerciaux apportent de la valeur, mais plus assez pour se différencier et pour créer une vraie valeur ajoutée aux campagnes et aux clients. La donnée devient donc le cœur du métier car elle représente la connaissance des consommateurs. Être propriétaire de ses données est beaucoup plus valorisant dans le cadre d’une collaboration à long terme avec les marques. Quel est l’intérêt économique de ces acquisitions pour les agences de communication ? Laure Debos (Publicis Media) : L’objectif, pour notre groupe, n’est pas de réduire les coûts – j’insiste sur ce point – mais de créer de la croissance et ce via plusieurs leviers. D’abord en optant pour un positionnement de “master partner”. La plupart des annonceurs travaillent avec de nombreux partenaires ; nous voulons pouvoir accompagner tous nos clients sur l’ensemble de l’écosystème data, en coordonnant l’ensemble des acteurs qui en font partie ou s’appuient sur son usage, qu’ils soient internes ou externes au groupe Publicis : création, CRM, modélisation, etc. Deuxième levier économique de ces acquisitions : renforcer notre pénétration auprès de nos clients en allant toucher de nouveaux interlocuteurs chez eux, particulièrement les DSI et CDO. Troisièmement, nous allons pouvoir proposer un nouvel accompagnement des annonceurs, notamment en les assistant dans l’organisation in house par exemple. Enfin, il y a un vrai intérêt économique à intégrer des compétences : la vraie valeur de la data tient dans les hommes et femmes qui la collectent et l’analysent. C’est tout le sens de l’acquisition de Soft Computing. Thomas Jamet (IPG Mediabrands France) : La démarche est la même pour nous à Mediabrands. Acxiom va permettre à nos agences de se positionner sur de nouveaux business et de gagner des parts de marché. Concrètement, ne plus passer par des data providers et accéder en direct à la donnée va nous permettre de remonter sur la chaîne de valeur, d’étendre nos activités et d’occuper véritablement un rôle de conseil, en étant d’ailleurs beaucoup plus crédible face aux cabinets. A cela s’ajoute le fait que l’acquisition d’Acxiom est réalisée au niveau groupe et profite donc à tous les pays sans que l’investissement ne soit intégré dans les comptes de notre périmètre national. Laure Debos, comment Soft Computing et Epsilon seront intégrées au sein de Publicis Media ? Laure Debos (Publicis Media) : C’est en cours et il est un peu tôt pour en dévoiler l’organisation exacte, mais nous souhaitons devenir le leader en France du data marketing à travers nos trois entités, Soft Computing, Publicis ETO, et le pôle Data Science de Publicis Media, unies par une même gouvernance. Publicis s’appuiera ainsi sur un pôle de 750 personnes dédiées à l’adtech et au martech, avec une nouvelle marque commerciale à venir. CLUB agency futures NOUVEAU. mind Media prolonge cette conférence par le lancement du club Agency Futures, pour réunir les dirigeants des agences, cabinets et structures marketing. Plus d’infos : Johana Sabroux – jsabroux@mind.eu.com Jean-Michel De Marchi AgencesAgency FuturesDonnées personnellesModèles économiques Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Que retenir de l'acquisition d’Epsilon par Publicis ? 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