Accueil > Marques & Agences > Achat média > Yuan Zou (Hylink) : “Nos revenus issus des annonceurs européens qui communiquent en Chine ont progressé de 30% pendant le confinement” Yuan Zou (Hylink) : “Nos revenus issus des annonceurs européens qui communiquent en Chine ont progressé de 30% pendant le confinement” L'agence chinoise Hylink, qui se présente comme la première agence digitale indépendante en Chine, a lancé en avril 2019 son activité française, avec pour but d'accompagner les entreprises locales dans leur stratégie de communication sur le marché chinois, très particulier. Yuan Zou, directrice du développement de l'agence sur les marques luxe et mode pour l'Europe, revient sur l'impact de la crise en Chine et l'impact du déconofinement survenu dès mars, et explique les spécificités du marché chinois et les difficultés que les annonceurs occidentaux peuvent y rencontrer. Par Paul Roy. Publié le 02 mars 2020 à 19h28 - Mis à jour le 02 mars 2020 à 19h28 Ressources Quelle est aujourd’hui l’activité et la présence internationale de Hylink ? Comment le groupe a-t-il diversifié ses compétences ? Aujourd’hui, Hylink est la première agence digitale indépendante chinoise avec 1,6 milliard de dollars de chiffre d’affaires en 2018. Nous avons une vingtaine de bureaux en Chine, au Japon et en Corée du Sud. Paris et Londres sont les premières implantations en Europe ; nous voulons ouvrir de nouveaux bureaux à Milan et Munich. Nous sommes une “agence 360” : nous couvrons de nombreuses activités, allant de la gestion de campagnes search et programmatiques au planning média, en passant par le community management, les campagnes d’influence… Le groupe croit organiquement avec son activité agence depuis sa création, mais nous avons réalisé des acquisitions sur de nouveaux domaines de compétences, avec des sociétés spécialisées dans le big data et data analytics, la production de long métrage, le programmatique mobile ou encore un adnetwork. Vous avez lancé votre activité française en avril 2019. Quels sont vos objectifs et les moyens pour les atteindre ? Nous avons pour objectif de nous adresser aux marques de luxe et de la mode qui cherchent à mieux communiquer en Chine, et dans un second temps, amener les marques chinoises à communiquer en Europe. Six personnes sont aujourd’hui implantées en France – pour les fonctions de marketing, business development et une directrice de la stratégie recrutée chez Havas Chicago – et tous ont des profils multiculturels. Les compétences data analytics sont implantées en Chine, mais un data analyst va nous rejoindre bientôt. Nous ne venons pas entrer en concurrence avec les agences françaises : nous voulons construire notre présence petit à petit et garder l’image d’une agence ayant une expertise sur le marché chinois. Des partenariats ont d’ailleurs été mis en place avec des agences locales – avec Big Success et Affinity Media – et nous faisons partie du réseau international World Wide Partners. Nous voulons être une passerelle culturelle entre l’Europe et la Chine. Le but est d’être une agence flexible, à l’inverse des grands réseaux d’agences, en se focalisant sur la technologie et la data et en anticipant ce qui va se passer dans le secteur publicitaire. La Chine est souvent un précurseur et nous aimerions être les plus agiles pour nous adapter aux transformations du marché : les publicités seront de moins en moins tolérées et nous voulons nous concentrer sur le contenu, le story telling, le contexte de diffusion ou encore le placement de produit. Nous pensons en effet que la frontière entre publicité et contenus sera de moins en moins évidente. Un de nos avantages est que dès la fin des années 1990, nous avons signé des contrats d’exclusivité avec les groupes très présents sur le mobile comme Tencent Sur quelles problématiques accompagnez vous vos clients français ? Quelles peuvent être les difficultés rencontrées en Chine ? Hylink travaille en France avec des annonceurs du luxe, de la mode et de la beauté, mais nous avons aussi d’autres clients dans le secteur premium, notamment un client suisse opérant sur le secteur bancaire. Pour les annonceurs qui sont implantés et ont une équipe sur place, nos missions concernent davantage la veille, le suivi, le conseil sur les caractéristiques du marché auprès du directeur général sur place ou la construction de moyens de ciblage. Pour ceux qui sont un peu moins implantés, nos missions concernent le conseil stratégique, le branding et l’établissement d’une base de notoriété, des campagnes branding, ou encore de l’accompagnement pour trouver des partenaires (technologiques et agences) sur place. Au-delà du fait qu’ils ne connaissent pas le paysage économique chinois, la principale problématique est la compréhension de la culture locale. Même les marques qui ont des moyens font des erreurs, à l’image de Dolce & Gabanna et Versace. Comment l’activité d’Hylink en Europe a-t-elle évolué pendant la crise ? Notre activité a évolué très positivement pendant la crise sanitaire en Europe. Nous avions déjà de bonnes bases, mais nous avons bénéficié d’une augmentation très importante des investissements de nos clients du luxe et de la mode. Avec le confinement en Europe en mai, la Chine était le seul pays dans lequel la consommation reprenait : après le déconfinement de la Chine début mars, nous avons observé une augmentation de 30 % de notre chiffre d’affaires en France sur les annonceurs européens, tous secteurs confondus, souhaitant communiquer en Chine. La plupart des clients qui ont activé des campagnes avec nous à ce moment-là étaient soit des clients, soit des prospects avec qui les discussions étaient avancées. Ces investissements ont été essentiellement fait sur le digital, que ce soit pour du e-commerce ou du branding. Avant, ce type de clients était très conservateur, mais depuis la sortie de crise en Chine ce sont eux qui poussaient pour faire davantage de campagnes en ligne. Les annonceurs qui étaient en train de préparer leur entrée sur le marché chinois veulent considérablement augmenter les campagnes en ligne. Mais ils sont aussi plus pragmatiques, leur budget a été réduit de 30 % environ. Nous avons signé pendant la crise sanitaire avec de nouveaux clients désormais pressés de communiquer en Chine et adaptons nos recommandations à leurs contraintes budgétaires. Concernant le type de campagnes, ils ont conscience qu’on ne peut pas faire seulement de la vente et être focalisé sur le ROI, sans construire une notoriété à la base. À noter que c’est très propre au secteur du luxe et de la mode, où l’image de marque est très importante et peut être égratinée par une communication trop orientée sur la performance. Hylink a aujourd’hui un fort lien avec les plateformes sociales chinoises comme Weibo et Wechat. Comment ces relations sont-elles nées ? Hylink a commencé en 1998 comme agence média traditionnelle ; les grands réseaux comme Havas, Publicis et GroupM étaient déjà présents en Chine. C’est avec l’arrivée d’internet, mais surtout du mobile que les groupes chinois ont pu émerger. Car tout est allé plus vite en Chine : nous sommes arrivés directement à la 3G. Un de nos avantages est que dès la fin des années 1990, nous avons signé des contrats d’exclusivité avec les groupes très présents sur le mobile comme Tencent (messageries ICQ et QQ, réseau Wechat). Tencent a voulu faire de Wechat une sorte d’écosystème intégrant de multiples applications et services tiers, plus qu’une simple messagerie. Ils ont donc eu très tôt la volonté de protéger et garder les données de leurs utilisateurs car ils savaient qu’ils n’allaient pas baser leur modèle économique sur leur exploitation – aujourd’hui seulement 5 % du chiffre d’affaires de Wechat est publicitaire. Et ils ont donc eu une volonté de limiter les partenaires. Aujourd’hui, nous avons l’exclusivité en Chine de la commercialisation des espaces publicitaires sur la plateforme, mais le partenariat est plus large. La Chine étant “mobile first”, il y a des applications pour tout, nous pouvons donc viser toutes les catégories de contenus (météo, divertissement, etc.), ce qui est beaucoup plus efficace pour cibler des audiences que les sites web Le paysage médiatique et publicitaire chinois et ses codes sont parfois difficiles à cerner pour les annonceurs français. Quelles sont ses spécificités ? Côté réseaux sociaux, deux plateformes sortent du lot : Wechat et Weibo. Pour les annonceurs, Wechat est un moyen de communiquer sur la marque, de raconter une histoire. Il est possible de faire de l’achat d’espace média classique, mais cela reste très restreint. Wechat protège son environnement et la vie privée de ses utilisateurs : on est très limité en matière d’espaces, de formats et de donnée disponibles et exploitables. Webo, au contraire, est beaucoup plus ouvert, beaucoup plus riche. C’est un vrai “mass media”, et l’intérêt pour une marque sur cette plateforme est d’adresser tout le monde. Le search est aussi très important pour les clients que nous accompagnons. Le langage chinois rend parfois difficile la bonne exploitation de ce canal. Aujourd’hui, deux moteurs de recherche sont en concurrence. Baidu, le leader, a environ 60 % de part de marché et Sogo – introduit par le gouvernement pour éviter une situation de monopole – émerge, alors que Google reste très minoritaire (seulement sur VPN). Concernant les médias classiques, tous les sites nationaux sont très catégorisés et thématisés, et il y a de nombreux sites locaux. Pour la commercialisation, si le site est premium, on fonctionne en achat via une place de marché privée mais la plupart des sites fonctionnent en programmatique ouvert. Cela dit, la Chine étant “mobile first”, il y a des applications pour tout, nous pouvons donc viser toutes les catégories de contenus (météo, divertissement etc.), ce qui est beaucoup plus efficace pour cibler les audiences chinoises que les sites web. Le paysage adtech est lui aussi particulier : la plupart des sociétés sont chinoises, même si certaines – comme Teads – tentent d’entrer sur le marché. Les occidentaux ont du mal à suivre et s’adapter à l’évolution rapide du marché chinois, avec de nouvelles plateformes qui émergent en quelques mois, à l’image de Bytedance (TikTok). Même si les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) contrôlent une grande partie de l’écosystème et ont leur propre stack publicitaire, le paysage adtech est très varié, fragmenté et changeant. À l’inverse, quels sont les problèmes rencontrés par les annonceurs chinois en France ? Quelles sont les principales différences entre les deux pays sur la publicité en ligne ? Ils ont très peur, ne sont jamais sorti de la Chine et connaissent mal l’environnement économique et le paysage médiatique en France. Pour eux, la langue est encore plus effrayante, cela leur paraît insurmontable au démarrage. Jje ne parle pas de Huawei ou Xiaomi, qui ont très vite eu les moyens nécessaires à une expansion internationale, mais davantage des start-up et des entreprises émergentes. En France, et dans le reste du monde, les acteurs américains dominent et ne se sont pas adaptés à chaque marché étranger alors qu’en Chine, les plateformes sont très spécifiques au pays. En Chine tous les médias sont censurés, toutes les publicités doivent être filtrées et approuvées. Le processus est très long avant qu’une publicité soit adressée. En France, c’est beaucoup plus facile et souple. Paul Roy Achat médiaAgencesAgences digitalesChineStratégies annonceurs Besoin d’informations complémentaires ? 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