Accueil > Médias & Audiovisuel > Guillaume Monteux (Gadsme) : “Nous visons 15 millions d’euros de revenus dans la publicité in-game en 2023” Guillaume Monteux (Gadsme) : “Nous visons 15 millions d’euros de revenus dans la publicité in-game en 2023” La publicité “in-game”, autrement dit l’insertion de publicités qui se veulent les moins intrusives possibles au sein des jeux vidéo se développent et devient programmatique. La société française Gadsme, qui vient de lever 8 millions de dollars, s'est spécialisée sur cette activité à la fois comme régie et adexchange. Guillaume Monteux, son CEO et cofondateur, livre son analyse de ce marché, déjà estimé à plusieurs milliards de dollars dans le monde, en présente les enjeux et les ambitions de sa société. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 04 mai 2022 à 12h50 - Mis à jour le 15 juillet 2022 à 16h28 Ressources Qui sont les joueurs de jeux vidéo ? Le marché est beaucoup plus important et le profil des joueurs est beaucoup plus varié que les préjugés peuvent le laisser penser. On estime à plus de trois milliards le nombre de joueurs dans le monde. Selon une étude du SELL publiée il y a un peu plus d’un an, le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs, réalisée avec Médiamétrie, 73 % des Français déclarent jouer au jeu vidéo au moins une fois dans l’année – soit plus de 36 millions de joueuses et de joueurs – et 53 % au moins une fois par semaine. La répartition hommes/femmes est presque de 50-50 et l’âge moyen des joueurs est de 38 ans. Les usages sont donc déjà développés au sein du grand public. Que représente le marché publicitaire dans les jeux vidéo ? L’activité publicitaire dans les jeux vidéo se chiffre en milliards de dollars : entre 9 milliards de dollars en 2021, selon une estimation compilée par Statista, et 20 milliards selon une estimation de Bitkraft. Il faut noter que s’il y a trois milliards de joueurs aujourd’hui, il n’y en avait que quelques centaines de milliers il y a huit à dix ans. C’est le mobile qui a tout changé et qui a amené le grand public vers le jeu. La population de joueurs a très fortement cru ces dernières années ; le marché offre de belles promesses pour les marques et les acteurs de la publicité. Guillaume Monteux 2019 CEO et cofondateur, Gadsme 2008 CEO et cofondateur, miLibris 2004 Responsable de service client, Accenture La publicité dans les jeux vidéo revêt-elle des spécificités ? Le marché est aujourd’hui constitué à 90 % de publicités en provenance d’éditeurs de jeux vidéo. Car quoi de plus naturel pour un éditeur que de faire de la publicité dans des jeux pour recruter ses joueurs ? Jusqu’à maintenant, les marques sont relativement frileuses à s’afficher dans les jeux. Pour deux raisons principales : d’une part parce que les formats qui existaient jusqu’à présents étaient très gênants pour les joueurs – des interstitiels qui surgissent à tout moment pendant le jeu ou des bannières qui viennent réduire l’espace de jeu – et d’autre part parce que les marques avaient peur de se retrouver dans des jeux qui ne correspondaient pas à leurs valeurs et qui pouvaient être en décalage avec leur image. Un exemple – fictif – pouvant être la marque Dior présente dans un format interstitiel pop-up qui s’impose au joueur dans un jeu de zombies. Ce serait contre-productif pour la marque et une source de désagréments pour le joueur. D’où la nécessité de franchir une nouvelle étape en passant à l’in-game advertising. “Le premier défi de la publicité directement intégrée dans les scènes des jeux vidéo est de développer des technologies capables d’afficher un grand nombre de publicités en temps réel, y compris des vidéos, sans dégrader les performances du jeu” En quoi “l’in-game advertising”, la publicité in-game, peut-elle mieux correspondre aux besoins des marques ? L’in-game advertising, c’est-à-dire la capacité d’afficher des publicités dans les scènes 3D des jeux de façon fluide, permet de proposer des formats qui n’interrompent pas le gameplay, donc qui ne gênent pas le joueur. Cela garantit également aux marques la bonne adéquation entre leur valeur et celles des jeux dans lesquels elles seront présentes. La pratique se développe et c’est une étape fondamentale dans la monétisation publicitaire des jeux pour réconcilier les annonceurs et le gaming. Car les marques font de plus en plus le constat que leurs audiences sont aussi accessibles dans les jeux vidéo et les métaverses. Et cela sans se heurter au problème des adblocks ou aux règles opaques imposées par Google et Facebook. La croissance du marché publicitaire est proportionnelle à la croissance des joueurs dans le monde et à l’arrivée de nouveaux formats, comme la publicité in-game en programmatique ouverte ou via des places de marché. Le nombre de joueurs progresse de 500 millions par an. Le marché de la publicité in-game va doubler en 2023 puis en 2024 et ce dans toutes les territoires géographiques. Au niveau mondial, la publicité in-game pourrait atteindre 160 milliards de dollars en 2027. Et d’ailleurs, depuis quelques mois, a peu près tous les annonceurs, de toutes catégories, commencent à se positionner sur ces formats : Nike, Adidas, Carrefour, American Apparel, Coca Cola, Pepsi, Amazon, toutes les marques de voiture… Aujourd’hui ce sont encore des tests, mais demain ce seront de grandes campagnes avec des budgets importants. Quelles sont selon vous les perspectives de la publicité in-game en France ? Elles sont énormes ; la France représente sans doute entre 4 et 5 % du marché mondial. Sachant que le potentiel mondial est estimé à 160 milliards d’euros en 2027, la publicité in-game en France peut représenter plus de 7 milliards d’euros dans cinq ans. Quels sont les principaux terminaux ou supports actuellement de la publicité dans les jeux vidéo ? Potentiellement, tous. Et tous les genres de jeux sont éligibles à la publicité 3D in-game, tant qu’il y a pas d’anachronisme dans la démarche. Il me parait par exemple compliqué d’avoir de la publicité dans un jeu comme World of Warcraft ou Zelda, mais la publicité 3D in-game est un vecteur supplémentaire de réalisme dans tous les jeux de sport, les jeux urbains et plus généralement les jeux réalistes contemporains. Sur le mobile, presque tous les jeux “hyper casuals” (jeux facile à jouer et généralement gratuits, ndlr) sont éligibles : il y a toujours une manière habile d’intégrer la publicité dans les décors de ce type de jeu. Et le marché du jeu mobile, c’est plus de 50 % du marché du jeu dans sa globalité. La difficulté dans le jeu mobile est que les capacités de traitement des terminaux diffèrent d’un terminal à un autre. Pour ne pas nuire au plaisir du joueur, nos technologies et donc le nombre et la fréquence des publicités, s’adaptent aux capacités de traitement du téléphone. Nos technologies coté jeu vidéo s’appuient sur les moteurs de rendus. Comme Unity ou Unreal Engine aujourd’hui. Dans un avenir proche, nous aurons porté notre SDK sur Roblox. Ce qui fait que nos technologies sont compatibles aussi bien avec les terminaux mobiles iOS et Android que les consoles de jeux Playstation et X-Box, et les PC. Quels sont les freins et les limites de la publicité in-game jusqu’à présent ? En pratique, l’in-game advertising existe depuis 30 ans ; le concept est déjà installé. Ce qui est nouveau, et là où il y a des innovations à apporter, c’est dans son caractère dynamique et automatisé. Il y a encore un an, les publicités affichées dans les jeux étaient codées en dur : pour les changer, les supprimer ou les repositionner, il fallait faire une mise à jour du jeu. C’était un mécanisme très lourd et trop contraignant. Dorénavant, grâce à des technologies comme les nôtres, l’affichage publicitaire au sein des jeux vidéo est dynamique, se fait en temps réel et le ciblage est très précis grâce aux données des éditeurs et des données que le joueur nous permet de collecter. Toutes les possibilités de ciblage disponibles pour le web sont disponibles dans la publicité in-game. Chaque personne, selon son profil et/ou sa géographie, peut être exposée en temps réel à une publicité différente. Les formats utilisés dans les jeux jusqu’à aujourd’hui sont les bannières, les interstitiels et les “rewarded videos” ; ce sont des formats “overlay” (un format publicitaire s’affichant en surimpression d’une vidéo web, ndlr). Il n’y a pas d’interaction technique entre le jeu et ces formats. Pour l’in-game advertising, c’est différent : c’est un format qui nécessite l’intégration d’un peu de code et dont les instructions vont être exécutées en même temps que le code du jeu vidéo. L’intégration est donc moins immédiate que pour les autres formats. Ce qui veut dire que l’adoption de nos technologies est directement liée à la facilité d’intégration et aux performances de notre SDK. En l’occurrence, les SDK d’in-game advertising ne doivent pas consommer trop de ressources CPU ni GPU (les unités de traitement graphique), ni même de mémoire vive (Ram), sinon le jeu peut “laguer”. Un peu comme les sites web peut qui peuvent avoir du mal à s’afficher lorsque trop de publicités sont chargées. Et ça pour un studio de développement, cela serait tout simplement inacceptable. Chez Gadsme, nous faisons de ce défi technique une force et un élément de différenciation très fort. Quelle est l’activité actuelle de Gadsme ? Comment la société veut-elle lever ces freins liés à la publicité dans les jeux vidéo ? Nous avons créé la société en 2019 avec Luc Vauvillier et Simon Spaull et avons débuté la commercialisation de nos solutions en mars 2021. Nous comptons une petite dizaine de salariés et nous travaillons actuellement avec des studios et des applications de gaming comme Voodoo, Lion Studios, Ubisoft, Tap Nation, Tilting Point ou Azur Games. Notre objectif est d’améliorer les pratiques publicitaires et de répondre aux besoins des studios et des marques à la fois par des améliorations technologiques et par notre capacité à apporter aux marques la transparence et les garanties qu’elles demandent – à juste titre – pour diffuser leurs campagnes dans le monde des jeux vidéo. Le premier défi technique est de développer des technologies capables d’afficher un grand nombre de publicités en temps réel, dont des vidéos, sans dégrader les performances du jeu, y compris sur des terminaux où sont utilisé de vieilles versions d’OS. Le second défi technique dans le domaine de l’in-game est d’être capable d’être branché aux différents univers de la publicité sous toutes ses formes (programmatique, directe, etc.) et d’organiser un grand nombre d’enchères. Entre le moment des enchères et l’affichage de la publicité, tout doit se passer en moins de 110 millisecondes par enchère. Les monde des jeux vidéo et celui de la publicité n’ont pas été pensés pour se rencontrer. Le faire correctement requiert de vrais savoir-faire technologiques. Nos premiers clients éditeurs aiment notre offre pour ses qualités techniques, maintenant il faut généraliser la mise en ligne des campagnes annonceurs en respectant rigoureusement le ciblage souhaité pour être un contributeur significatif aux revenus reversés aux éditeurs. “Je suis persuadé qu’une société de notre secteur deviendra une licorne ; le potentiel de la publicité 3D in-game est énorme” Comment opérez-vous votre activité techniquement ? Gadsme est à la fois une solution technique et une régie publicitaire. Nous avons développé un SSP, un adexchange et des interfaces de self-service. Nous proposons tous les formats qui existent sur le web : nous sommes capables d’afficher tous les formats IAB, des formats dits spectaculaires, comme plus simplement des logos qui peuvent être apposés sur des textures et/ou objets dans les jeux. Aussi bien des formats vidéo que des formats display traditionnels. Nous proposons – et nous sommes la seule société du secteur à le faire – des campagnes à la performance au sein des jeux dans lesquels les marques seront exposées, au CPI, CPC ou CPA. Gadsme vient de lever 8 millions de dollars lors d’un premier financement. Quelles sont les modalités de l’opération et ses objectifs ? L’opération a été effectuée principalement auprès de Galaxy Interactive qui a pris plus de 85 % du montant levé. Il est suivi par des éditeurs de jeux dont Ubisoft. Nous ne communiquons pas sur la part de capital cédé, mais elle n’est vraiment pas importante. Mes deux cofondateurs et moi restons ultra-majoritaires et nous demeurons évidemment en charge de l’exécution. Galaxy Interactive est le fonds d’investissement le plus connu du monde dans le secteur des jeux vidéo. Il est basé aux Etats-Unis dispose d’importants moyens, de larges ressources ; la structure sera capable de nous accompagner tout au long de la vie de notre société. Leur horizon d’investissement est très long et donc compatible avec les ambitions que nous avons pour Gadsme. Les éditeurs ont souhaité investir chez nous car ils ont compris à quel point nos technologies peuvent changer la publicité dans les jeux vidéo. Les fonds levés vont être principalement utilisés pour structurer la société et embaucher aux Etats-Unis et en Europe des commerciaux qui seront en relation avec les marques et les agences. Une petite partie du financement sera également utilisée pour le marketing de la société et une autre pour quelques recrutements d’ingénieurs, notamment les meilleurs qui étaient avec nous quand nous avons fondé et développé MiLibris, revendu ensuite à Altice. Les deux fondateurs de miLibris quittent Altice Quels sont désormais vos axes de développement et vos objectifs ? Et vos enjeux ? Jusqu’à présent, nous nous sommes concentrés sur le développement technique. Désormais nous allons aussi structurer et développer notre force de vente : nous allons recruter au moins une quinzaine de personnes cette année, essentiellement des commerciaux, pour atteindre 25 salariés ou plus. Les premiers marchés visés sont les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France. Nous visons 15 millions d’euros de revenus dans la publicité in-game en 2023. Nos enjeux porteront sur notre capacité à recruter les bonnes personnes, surtout pour l’activité commerciale. Je suis persuadé qu’une société de notre secteur deviendra une licorne ; le potentiel de la publicité 3D in-game est énorme. A nous de faire valoir le savoir-faire français dans la technologie et le numérique et notre capacité à appréhender correctement les enjeux business. Jean-Michel De Marchi Achat médiaAchat programmatiqueFinancementJeux vidéoPublicité mobilePublicité programmatiquePublicité vidéoSDK Besoin d’informations complémentaires ? 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