Accueil > Médias & Audiovisuel > Transformation & Innovations > Existe-t-il un marché publicitaire des seniors en ligne ? Existe-t-il un marché publicitaire des seniors en ligne ? Les plus de 50 ans représentent désormais près de 39 % des internautes (Médiamétrie//NetRatings, avril-juin 2014). Pourtant, les acteurs qui leur sont spécifiquement dédiés dans le domaine des médias et de la publicité en ligne, sont rares. Qui sont les seniors et comment les cibler sur internet ? Quelles sont les difficultés et les opportunités pour les marques ? Comment s’adresser à la cible senior sur le numérique ? Quelles sont les initiatives mises en place par les acteurs spécialisés et quels sont leurs résultats ? Satellinet a interrogé BETC Digital, Bayard Publicité, Havas Media, Senior Agency, le groupe Planet.fr et la régie Mistral Media pour faire le point sur les enjeux et les limites de ce marché très particulier. Par . Publié le 03 novembre 2014 à 5h07 - Mis à jour le 03 novembre 2014 à 5h07 Ressources Dans le domaine du marketing et de la publicité, le terme « seniors » correspond généralement aux personnes de 50 ans et +. Cette appellation regrouperait ainsi plus de 24 millions de personnes en France, soit 36 % de la population, selon le dernier recensement de l’Insee, et 39 % des internautes (Médiamétrie, avril-juin 2014). 56 % d’entre eux utilisent internet tous les jours, 34 % possèdent un compte au sein d’un réseau social, et 64 % ont déjà effectué des achats en ligne, selon l’Institut Français des seniors. Par ailleurs, les Français de plus de 50 ans ont des revenus supérieurs de 38 % à ceux des moins de 50 ans, et ils possèdent 60 % du patrimoine français, selon ce même institut. Pourtant, les offres éditoriales et publicitaires qui leur sont spécifiquement dédiées en ligne sont encore rares. « Les seniors en ligne constituent un marché énorme en termes d’audience et de consommation, mais minuscule en termes de communication », confirme Patrice Angot, directeur général associé du groupe Planet. UNE CIBLE HÉTÉROGÈNE ET DÉLICATE A CIBLER Jean-Paul Tréguer, PDG de LowCost360 et TV Lowcost et fondateur de Senior Agency, distingue quatre générations de seniors dans son ouvrage « Le Senior Marketing » (Dunod, 2007) : les baby-boomers, âgés de 50 à 60 ans, les jeunes retraités, âgés de 60 à 75 ans, les « paisibles », âgés de 75 à 85 ans qui ont une consommation de loisirs et de sorties moins marquée, et enfin les « grands aînés », âgés de 85 ans et plus, et généralement dans une situation de plus grande dépendance. A l’inverse des autres cibles, souvent centrées sur une génération particulière, les seniors constituent donc une cible très hétérogène. Contrairement à certains préjugés, les usages d’internet de cette population sont assez proches des autres tranches d’âge, même si on observe un décrochage à partir de 70 ans. « En mars 2014, on dénombre 86 % d’internautes mensuels chez les 50-59 ans, et 74 % parmi les 60-69 ans. Cette proportion chute à 41 % chez les plus de 70 ans, mais elle devrait se développer à terme car, contrairement à la génération actuelle, les futures personnes de cette tranche d’âge auront eu un usage d’internet en amont, dans le cadre de leur activité professionnelle », indique Nadine Medjeber, chargée d’études chez Havas Média. Pourtant, les seniors constituent rarement une cible en ligne prioritaire pour les marques, y compris pour celles dont la clientèle en est majoritairement issue. « Nous sommes confrontés à un problème de désidérabilité de la cible senior avec un manque de prise en compte de son pouvoir d’achat, d’influence et sa capacité à adopter les nouveaux produits. Nous devons encore convaincre les annonceurs de son importance stratégique même si nous observons un début de prise de conscience », estime Sibylle Le Maire, directrice générale de Bayard Publicité. Ce phénomène est en partie expliqué par le fait que peu de marques commercialisent des produits spécifiquement dédiés à cette cible, hormis dans certains secteurs comme la banque, l’assurance, les voyages, la santé et les cosmétiques. Pour la plupart des produits de grande consommation, l’âge n’apparaît pas comme un critère de ciblage pertinent. « Si le produit n’a pas vraiment de spécificité liée à l’âge, s’adresser différemment à quelqu’un de 35 ans ou de 55 ans n’a pas de sens », estime Muriel Fagnoni, vice-présidente exécutive de BETC, interrogée par Satellinet. En termes de comportement d’achat et de mode de vie, on observerait même « moins de différences entre une personne de 35 ans et un senior de moins de 70 ans qu’entre un étudiant et un jeune marié », affirme à Satellinet un spécialiste en stratégie numérique préférant rester anonyme, en raison de ses activités de conseil envers divers éditeurs. En axant la communication de la marque sur l‘âge, le risque de stigmatisation de cette partie de la population est également un obstacle majeur mis en avant par l’ensemble des professionnels du secteur. « Les ‘’seniors’’ sont les premiers à rejeter ce terme », affirme ainsi Sibylle Le Maire (Bayard Publicité). En outre, la plupart des études mettent en avant la différence nette entre l’âge perçu et l’âge réel. En 2001, cet écart était d’environ quinze ans pour les personnes de 50 à 64 ans et de dix-neuf ans pour les plus de 65 ans, selon une étude réalisée pour Lagardère Active Publicité. ” Nous devons encore convaincre les annonceurs de l’importance stratégique de la cible seniors, même si nous observons un début de prise de conscience. ” Sibylle Le Maire (Bayard Publicité) PEU D’ÉDITEURS SPÉCIALISÉS Autant de facteurs qui expliquent, au moins en partie, le faible nombre d’éditeurs ayant adopté un positionnement clairement dédié à cette cible dans le domaine des médias en ligne. En termes d’audiences, le plus important d’entre eux est le pure-player Planet.fr (5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013 pour 500 000 euros de résultat net), qui édite les sites Planet.fr, positionné sur l’actualité généraliste, Medisite.fr, sur le domaine de la santé, et PlanetFemmes, rassemblant au total environ 3 millions de VU mensuels revendiqués. Le trafic est généré en majeure partie par l’envoi de newsletters le matin (1,7 million d’abonnés pour Planet.fr, 1,5 million pour Medisite.fr et un million environ pour PlanetFemmes). Fondé en 2000, le groupe a commencé ses activités sous le nom de Seniorplanet.fr, avant de changer de nom en 2006. « Nous nous sommes rendu compte que le terme senior représentait deux types de limites dans notre développement : un obstacle de type BtoC, car il n’était pas toujours bien accepté par nos lecteurs, particulièrement les femmes, et pouvait représenter un obstacle à la viralité de nos contenus, et un obstacle de type BtoB, car les briefs des annonceurs centrés sur les personnes de plus de 50 ans étaient trop rares », affirme Patrice Angot, directeur général associé à Planet.fr. Le site s’est donc repositionné sur l’actualité généraliste, proposant des contenus d’information sur la politique, le patrimoine, l’automobile ou encore les voyages. La commercialisation des espaces est assurée par une régie interne. La moitié des revenus publicitaires est issue du display au sein des trois sites et des newsletters, commercialisé de gré à gré auprès des annonceurs ou des agences média ou via le programmatique, et l’autre moitié de la monétisation des bases de données par des activités d’e-mailing (le groupe revendique 6 millions de contacts qualifiés). « Le développement d’opérations spéciales et du native advertising est plus lent que pour les autres tranches d’âge. En revanche, les seniors constituent une cible réactive aux campagnes d’emailing, et le programmatique apparaît comme un levier puissant pour les toucher en display », indique Patrice Angot. Les principaux clients du groupe sont issus des secteurs de la banque, de l’assurance, de la promotion immobilière, de la santé, des cosmétiques, et dans une moindre mesure d’autres secteurs comme l’automobile. Le groupe mise également sur la vidéo et revendique 6 millions de vidéos vues par mois. Ces vidéos sont le fruit de partenariats, ou sont réalisées pour l’instant par des prestataires, mais la mise en place d’une cellule dédiée à la production de contenus vidéos est en cours au sein de la rédaction. NotreTemps.com, édité par le groupe Bayard et nativement issu du papier, a pour sa part un modèle différent. Le site revendique environ 700 000 VU mensuels en ligne, et 400 000 inscrits à la newsletter quotidienne. Le magazine est positionné sur les personnes de 50 ans et plus, et accorde une large place aux informations pratiques. « L’offre éditoriale de Notre Temps est basée sur trois piliers : la santé, la finance et le style de vie », indique Sibylle Le Maire (Bayard Publicité). La force du titre repose principalement sur ses 600 000 abonnés papier. Le groupe propose notamment plusieurs versions de son magazine papier, dont 30 % du contenu varie selon l’âge du lecteur (jusqu’à 69 ans et à partir de 70 ans), mais cette offre de versioning n’est pas mise en place en ligne où aucune stratégie dédiée n’est appliquée. Contrairement à Planet.fr, les revenus publicitaires du site issus du display sont minoritaires, la majeure partie provenant des opérations spéciales, reposant souvent sur des synergies fortes avec les exemplaires papiers. « Nous travaillons essentiellement en mode projet, avec une équipe de cinq personnes dédiées aux opérations spéciales, dans une démarche d’accompagnement et de scénarisation des dispositifs avec les annonceurs, via des espaces dédiés sur le site, au sein de la newsletter avec 400 000 inscrits et un taux d’ouverture de 35 % et via notre base d’un million de contacts, dont 300 000 opt-in. Nous proposons par ailleurs des communautés de testeurs de produits pour les annonceurs », indique Sibylle Le Maire. Au moins d’octobre, quatre produits étaient par exemple proposés aux testeurs, issus des secteurs de l’alimentation (chocolats de Gilles Cresno), de la santé et du bien être (Energie Vitale Propolia d’Apimab Laboratoire), des loisirs (livre audio Muchachas de Katherine Pancol par Audiolib) et des services en ligne (calendrier personnalisable avec des photos sur le site Pixum). Des contenus thématiques sont également réalisés en partenariat avec des annonceurs, par exemple un dossier consacré au cholestérol, pour le compte de la marque alimentaire Primevère. Concernant pleinevie.fr, site du magazine édité par le groupe Mondadori, et positionné sur les femmes âgées de 50 ans et plus, les dernières mises à jour auraient été opérées en 2009. Symbole de la difficulté d’installer une marque média en ligne dédiée aux seniors, le support numérique de la marque a été discrètement abandonné il y a plusieurs années, en raison de trop faibles audiences, malgré un volume de diffusion papier important (700 000 exemplaires environ selon l’OJD). Les seniors constituent une cible réactive aux campagnes d’emailing. LE NUMÉRIQUE RESTE UN LEVIER MARGINAL POUR LES ANNONCEURS « Les seniors ne ressentent pas forcément le besoin d’une offre numérique dédiée, et trouvent généralement ce qu’ils recherchent dans toute la palette de médias et de services en ligne destinés au grand public », estime Nadine Medjeber (Havas Media). Les sites spécialisés ne représentent donc pas forcément l’environnement prioritaire recherché pour les annonceurs souhaitant cibler les plus de 50 ans en ligne. Selon Frédérique Aribaud, directrice générale associée de l’agence média spécialisée Senior Agency (Groupe LowCost360), les campagnes en display visant à cibler les seniors sont essentiellement effectuées sur des sites d’actualité généralistes ou sur des portails dédiés à la santé, à la météo, aux voyages, et aux loisirs. Ces achats sont opérés uniquement en RTB, auprès de la plupart des places de marché privées, via la filiale numérique du groupe, DigiLowCost. Les médias spécialisés sont en revanche davantage utilisés dans le cadre d’opérations spéciales. Les principaux clients de l’agence sont issus des secteurs de la santé, de la banque et de l’assurance, et dans une moindre mesure des loisirs et de l’équipement de la maison. « Le numérique est toujours utilisé en complément d’un autre support, soit dans une optique d’activation complémentaire, soit en phase de test avant de débloquer un budget global plus conséquent. La télévision reste de loin le levier le plus puissant. Les seniors sont globalement moins réceptifs aux campagnes de branding – par ailleurs coûteuses – qu’aux campagnes de marketing direct, avec un call-to-action fort », indique Frédérique Aribaud. L’agence, à l’équilibre en 2013 a réalisé 1,1 million d’euros de chiffre d’affaires. Mistral Media (10 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013), régie publicitaire indépendante comprenant environ 25 collaborateurs, a également déployé un pôle senior constitué de trois personnes. Cette équipe opère la commercialisation des espaces de divers magazines spécialisés (Viva, La vie du combattant, La vie du jardin et des jardiniers, Le magazine des cheminots retraités…), et de quatre sites : senioravotreservice.com (10 000 VU mensuels revendiqués), positionné sur le recrutement et les petites annonces à destination des seniors et des retraités, senioractu.com (145 000 VU mensuels revendiqués), site d’information dédié aux seniors, lescuristes.com (85 000 VU mensuels revendiqués), comparateur en ligne de stations thermales et viva.presse.fr (65 000 VU mensuels revendiqués), site du magazine des mutuelles de France, proposant des contenus d’actualité dans les domaines de la santé et de la solidarité. « Depuis deux ans, nous assistons, sur le marché des seniors, à une accélération des campagnes vendues en bimédia, papier et web. Le bimédia séduit aujourd’hui 20 % de notre portefeuille annonceurs seniors. Pour les annonceurs de ce marché, habitués à une logique de marketing direct, le numérique rassure par son tracking efficace et permet de réagir rapidement sur une campagne en cours », indique Luc Lehéricy, PDG de Mistral Media. Internet reste donc un levier plutôt marginal pour cibler les personnes des 50 ans et plus, aussi bien pour les annonceurs de produits spécialisés (banque, assurance, santé, tourisme, équipements domestiques…), que pour l’ensemble des marques. « La conviction que le numérique est un moyen de rajeunir sa cible prédomine chez de nombreux annonceurs. La digitalisation des marques est souvent abordée comme un levier pour conquérir des jeunes. Beaucoup n’ont pas encore mesuré la puissance du numérique chez les seniors », estime Olivier Vigneaux, président de BETC Digital. Un avis partagé par Nadine Medjeber (Havas Media), qui estime que « le numérique est aujourd’hui un levier vraisemblablement sous-exploité par les marques pour toucher les plus de 50 ans, malgré son potentiel pour mener des campagnes plus informatives et plus pointues, face à un public exigeant ». ” Le numérique est aujourd’hui un levier vraisemblablement sous-exploité par les marques pour toucher les plus de 50 ans. ” Nadine Medjeber (Havas Media), Besoin d’informations complémentaires ? 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