Accueil > Médias & Audiovisuel > Transformation & Innovations > Médias en ligne : l’Afrique peut-elle constituer un nouveau marché ? Médias en ligne : l’Afrique peut-elle constituer un nouveau marché ? Le Monde, Le Figaro, Le Point…. Ces derniers mois, les éditeurs français ont mis en place ou annoncé de nouveaux projets en ligne dédiés au marché africain. Pourquoi ce nouvel intérêt des éditeurs de presse pour l’Afrique ? Que représente le marché africain des contenus en ligne et quelles sont ses spécificités ? Quels sont les résultats des acteurs francophones déjà présents, et comment de nouveaux acteurs veulent s’y positionner ? Satellinet dresse un panorama complet de ce marché, avec les stratégies des acteurs déjà installés (TV5 Monde, RFI, France24 Slate Afrique, Jeune Afrique...) et présente les initiatives des nouveaux entrants (Le Point, Le Monde, Le Figaro...). Par La rédaction. Publié le 01 décembre 2014 à 6h30 - Mis à jour le 15 septembre 2021 à 10h08 Ressources Selon une étude de Natixis de septembre 2013, il y aura 750 millions de personnes francophones en 2050 (dont neuf sur dix en Afrique) contre 220 millions recensées en 2012. Continent dynamique, l’Afrique pourrait voir sa population atteindre 4,5 milliards d’habitants en 2100, contre 1,1 milliard actuellement, d’après les projections de l’Institut d’études nationales démographiques (INED). Ces projections font de l’Afrique un marché à fort potentiel, notamment pour le numérique. Alors que le taux de pénétration des smartphones ne s’élève actuellement qu’à 15 %, l’Afrique est considérée comme le deuxième marché mobile au monde, avec 500 millions d’utilisateurs attendus en 2016, selon l’institut GFK. Croissance économique et démographique, marché en plein développement, progression de la connectivité haut débit avec l’installation progressive de la 3G et des bornes wifi… la région apparaît attractive notamment pour les médias français. De nombreux acteurs, principalement de l’audiovisuel, s’y sont installés depuis plusieurs années, comme TV5 Monde, RFI, France 24, et plus récemment Africa 24, avec leurs déclinaisons numériques. Outre ces acteurs spécialisés, ce sont désormais les médias généralistes qui veulent profiter des perspectives qu’offre l’Afrique. Alors que Canal+, Euronews et Gulli ont récemment annoncé leur intention de lancer des chaînes dédiées sur le territoire, des acteurs de la presse écrite – Le Point, Le Figaro et Le Monde – ont déployé ou annoncé leur futur développement numérique sur cette thématique. Des pure player, comme Slate et le Huffington Post – qui a lancé le HuffPost Maghreb en juin 2013 – sont également présents. Cet engouement autour de l’Afrique s’explique à la fois par une plus grande facilité à adapter des contenus en français, par la volonté de s’adresser à une diaspora africaine très présente en France, mais également à une nouvelle cible étrangère, dans une stratégie de développement à l’international. DES ACTEURS BIEN INSTALLÉS D’une manière générale, le secteur audiovisuel public français est bien implanté en Afrique et a procédé, ces dernières années, à l’adaptation de leur(s) chaîne(s) sur le numérique. Pour France Médias Monde, qui édite notamment les sites de RFI et France 24, plus de 30 % de son audience provient du continent africain : 2 millions de visites mensuelles sur RFI et 3,5 millions pour France 24. Des résultats qui sont dus à la notoriété des antennes radio et TV du groupe, selon Frédéric Bonnard, directeur des nouveaux médias de France Médias Monde. Au sein de l’audience africaine, France 24.com, disponible en français, anglais et arabe, est le plus visité au Maghreb, quand RFI.fr, disponible en douze langues, dont le Haoussa (langue parlée en Afrique de l’ouest) et le portugais. est le plus consulté au Nigeria, Maroc, Sénégal et en Côté d’Ivoire. France Médias Monde s’appuie sur un réseau de correspondants locaux et ses équipes de Paris. « L’Afrique n’est pas un continent homogène. La partie anglophone comprend des pays plus riches et mieux équipés. Il y a également une grande disparité entre les équipements dans les villes et les campagnes », indique Frédéric Bonnard. Pour faire face aux nombreux problèmes de réseau et de distribution notamment pour la vidéo, France Médias Monde a développé un site en bas débit. Les sites mobiles ne comportent, quant à eux, pas de vidéo. Celles-ci sont en revanche embarquées au sein de l’application mobile de France 24 et sur Youtube. Pour se développer en Afrique, France Médias Monde entend désormais s’orienter vers une stratégie de syndication de contenus via différents partenaires médias locaux. De plus, selon nos informations, le groupe s’apprête à lancer, d’ici la fin de l’année, un site dédié au football africain, à l’occasion de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), qui se tiendra du 17 janvier au 8 février 2015. Baptisé Africa Foot, celui-ci proposera un suivi de l’actualité de la compétition, à destination des internautes francophones. Le site a été développé en interne, par les équipes techniques de France Médias Monde. C’est la régie Horyzon Media qui sera chargée de la commercialisation des espaces publicitaires. Comme France 24, TV5 Monde est très implanté en Afrique, et dispose d’un JT dédié à l’actualité panafricaine. Sur le numérique, le groupe a débuté sa stratégie en séquençant les vidéos des programmes africains de l’antenne dans un objectif de délinéarisation. Le but étant d’adresser un public qui n’avait pas accès à la chaîne TV. Ces contenus en français s’adressent à la fois aux Africains du continent mais également à la diaspora. En 2010, le groupe a développé une WebTV dédiée à l’Afrique, TV5mondeplusafrique.com, avec deux versions en bas et haut débit, qui permet d’accéder à des programmes selon plusieurs thématiques : sport, musique, documentaire, info, cinéma, série…. Celle-ci génère environ 350 000 visites par mois, essentiellement depuis l’Afrique du nord. Comme France 24, l’essentiel des connexions proviennent des réseaux sociaux (principalement Facebook). Les équipes éditoriales sont basées à Paris, et TV5Monde collabore avec une direction marketing basée en Afrique, ainsi qu’avec une direction en charge de l’apprentissage de la langue. En termes de programmes, TV5Monde commence à s’intéresser au transmédia, avec des programmes tels que La Vallée des reines, un projet de webdocumentaire itinérant adossé à un reportage interactif sur les femmes africaines engagées au quotidien, diffusé à l’antenne début 2015. De son côté, Jeune Afrique, hebdomadaire panafricain du groupe Jeune Afrique – SIFIJA, a lancé Jeune Afrique Pictures, une banque d’images destinée à la presse, à l’édition, aux agences de communication et aux entreprises. La plateforme propose plus de 30 000 photos autour de plusieurs thématiques (actualités, célébrité, culture, économie, etc.). Jeune Afrique Pictures propose également un service de livraison de reportages, s’appuyant sur son réseau de photographes professionnels. Pour financer ces projets, Jeune Afrique a reçu 150 000 euros du FINP (Fonds Google). Le groupe prévoit une nouvelle version de son site et des applications mobiles et tablettes d’ici la fin de l’année. Mais le déploiement des médias numériques en Afrique peut parfois s’avérer plus difficile que prévu. Lancé en 2011, Slate Afrique propose une actualité panafricaine, répartie par pays. Alors que le site a connu une forte croissance au cours des révolutions arabes (des pics à 1 million de VU mensuelles), les audiences sont, depuis, très fortement retombées. Tout comme les effectifs, passant de cinq journalistes dédiés à un seul. La principale raison de cet échec provient de la difficulté pour financer ce type de nouveau projet et ensuite de le monétiser. ” L’Afrique n’est pas un continent homogène. La partie anglophone comprend des pays plus riches et sont donc mieux équipés. ” Frédéric Bonnard (France Médias Monde) DES ENJEUX AUTOUR DE LA PUBLICITÉ EN LIGNE ET DU MOBILE En effet, l’Afrique est un vaste continent et trouver des partenaires publicitaires locaux est un enjeu indispensable pour les groupes médias. Les espaces publicitaires en ligne de TV5 Monde, Africa 24 et France 24 (RFI est commercialisé par la régie interne de France Media Monde) sont commercialisés par France Télévisions Publicités International (FTPI), pôle de la régie publicitaire de France Télévisions Publicité dédié aux chaînes internationales. Cette filiale est composée de cinq commerciaux et de trois personnes au marketing. Elle dispose des équipes transversales du groupe pour le numérique. « La télévision est encore très puissante et prédominante en Afrique, mais le numérique s’inscrit de plus en plus en complément, pour des opérations spéciales. Il n’y a pas de marché africain type, mais à la fois des grands annonceurs qui veulent toucher le monde entier, et des annonceurs locaux plus petits. Les tarifs ne sont pas liés à des zones géographiques en particulier car c’est trop compliqué à mettre en place. Ils sont plutôt fixés par le format : display ou pré-roll », indique à Satellinet Olivier le Nozerh, directeur de clientèle de France Télévisions Publicité International. Alors que l’ordinateur fixe a connu une forte accélération ces dernières années, le mobile est désormais l’axe de développement principal des éditeurs. A l’occasion du 15e Sommet de la francophonie, qui s’est tenu du 29 au 30 novembre à Dakar, TV5 Monde a ainsi lancé une déclinaison de sa WebTV dédiée à l’Afrique au sein d’une application mobile. Dans un premier temps sur Android – qui est le système d’exploitation le plus répandu en Afrique -, celle-ci sera disponible sur iOS puis sur tablette. C’est la société UserADgents (2,6 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013) qui a été chargée du développement. Une campagne de marketing par SMS est prévue pour appuyer le lancement. « Avec tous les problèmes de connexion à internet sur le territoire, le mobile va servir de saut de génération. Le marché publicitaire n’est pas simple pour autant. Beaucoup d’annonceurs veulent conquérir ce marché, avec une population jeune, un pouvoir d’achat qui explose et une diaspora qui voyage beaucoup. Il y a un travail de formats à faire pour bien adresser la publicité », indique à Satellinet Hélène Zemmour, directrice du numérique de TV5 Monde. Pour RFI, le groupe a fait le choix d’avoir deux applications mobiles : une première d’informations généralistes, qui permet d’écouter les directs de la radio – notamment Direct Afrique – et qui contient des rubriques classées par zone géographique et thématique (Afrique et Afrique foot) avec des articles et des visuels, et une deuxième, “Pure Radio”, qui permet d’accéder aux différents flux audio des antennes. « La croissance sur mobile est très forte, mais cela ne se répercute pas encore sur le chiffre d’affaires. Cependant, en tant que média public, ce n’est pas notre objectif. La publicité n’est qu’un complément pour financer notre développement, nous devons répondre aux nouveaux usages », indique à Satellinet Frédéric Bonnard. Outre les revenus publicitaires, le groupe se rémunère via un service de kiosques vocaux et des SMS d’information. Pour cela, France Médias Monde collabore avec des opérateurs tels que Orange, MTN, Celcom… ” Avec tous les problèmes de connexion internet sur le territoire, le mobile va servir de saut de génération. ” Hélène Zemmour (TV5 Monde) DE GRANDES AMBITIONS POUR LES ACTEURS DE LA PRESSE FRANÇAISE Pour se démarquer de ses concurrents, Le Figaro envisage dans les mois à venir le déploiement d’une offre servicielle au Maroc. « L’Afrique représente pour nous un potentiel important de développement. Nous allons nous y attaquer par le biais des services et des annonces classées, sur une offre plutôt haut de gamme. Nous allons investir dans les mois qui viennent en Afrique du nord, très exactement au Maroc », a ainsi déclaré Marc Feuillée, directeur général du Figaro, le 21 octobre lors du colloque NPA. Alors que Le Point a lancé Le Point Afrique en début d’année, Le Monde s’apprête à mettre en ligne, mi-décembre, une première version du Monde Afrique, avec un lancement officiel mi-janvier. Accessible depuis la page d’accueil du monde, Le Monde Afrique proposera des contenus éditoriaux en français à destination des Africains, de la diaspora africaine, mais également de la communauté d’affaires, des ONG, et des passionnés d’Afrique. « En tant que média de référence en France, notre ambition est de devenir le média de référence francophone. Nous avons plus de légitimité, pour l’instant, à nous lancer en français, d’autant qu’il y a plus de concurrence du côté anglophone », indique à Satellinet Isabelle André, PDG du Monde Interactif. Le groupe réfléchit toutefois à lancer une version anglaise. Actuellement, plus de trois millions de visites mensuelles, dont un million sur mobile (principalement depuis le site mobile), et 15 millions de pages vues mensuelles proviennent du continent africain. L’objectif est d’atteindre, le plus rapidement possible, cinq millions par mois. Si la majorité du trafic africain provient de l’ordinateur fixe, indispensable pour s’adresser à une large audience, « les lecteurs de demain seront sur mobile », estime Serge Michel, grand reporter du Monde, en charge du projet éditorial. Pour cela, Le Monde Afrique a été développé en responsive design – contrairement au reste du Monde.fr. En revanche, il n’y aura pas de rubrique dédiée au sein de l’application mobile. En plus des trois journalistes du service international et de trois correspondants qui traitent de l’actualité africaine, le groupe a monté une nouvelle structure composée de huit journalistes à Paris (dont un journaliste vidéo) et d’une vingtaine de correspondants. Le Monde Afrique proposera articles, reportages, portfolios, et vidéos, répartis selon neufs rubriques principales : économie, carrières, sport, culture, débats, diaspora… avec un accès par pays. En termes de ligne éditoriale, la volonté du groupe est d’aller au-delà des thématiques de conflits, de géopolitique et d’élections, pour évoquer également le monde de l’entreprise, de l’éducation, de la culture et du sport. L’offre couvrira aussi l’actualité des pays anglophones pour les francophones. Comme pour le reste du site, les contenus seront disponibles selon un modèle freemium. Il n’y aura pas d’abonnements spécifiques pour Le Monde Afrique. L’idée est de donner accès à ces contenus depuis l’édition abonnés numérique (17,90 euros/ mois). En complément, le groupe organisera chaque année une série de conférences en Afrique, avec pour thème, en 2015, la jeunesse africaine. De plus, un hors-série et une édition spéciale de M le mag seront publiés à l’occasion du lancement officiel du Monde Afrique. Pour financer en partie Le Monde Afrique, le groupe a fait appel au Fonds Google, à l’Agence française de développement (AFD) et à d’autres partenaires institutionnels. Les montants des investissements n’ont pas été communiqués. Si M Publicité commercialisera les inventaires publicitaires sur Le Monde Afrique, le groupe cherche également à collaborer avec des régies locales ou avec des groupes européens implantés en Afrique. La rédaction Etude de cas Besoin d’informations complémentaires ? 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