Accueil > Médias & Audiovisuel > Transformation & Innovations > Commentaires en ligne : comment les valoriser ? Commentaires en ligne : comment les valoriser ? Avec plusieurs millions de lecteurs en ligne, les médias sont confrontés ces dernières années à de nouvelles difficultés pour encadrer et stimuler leur participation. Après quelques tentatives ces dernières années (au Monde et à Rue89, notamment), les éditeurs semblent avoir abandonné leurs ambitions initiales. L’enjeu est pourtant important et multiple : ne pas écorner leur image, développer le nombre de pages vues, engager davantage leur audience. Des médias américains ont d’ailleurs lancé un projet collectif en ce sens. Etat des lieux et solutions. Par . Publié le 22 avril 2016 à 16h17 - Mis à jour le 22 avril 2016 à 16h17 Ressources Les premiers commentaires en ligne ont vu le jour à l’aube des années 2000. Après avoir suscité beaucoup d’espoirs et le rêve d’un journalisme participatif démocratisé, les commentaires semblent aujourd’hui quelque peu délaissés par les médias, qui peinent à en extraire la richesse qu’ils en attendaient. Mais l’heure est à la réflexion sur cette question. Si quelques médias, principalement aux Etats-Unis, ont décidé de fermer les espaces réservés aux commentaires sur leur site – une liste est publiée ici ; parmi eux The Verge, The Daily Beast ou Mother Board – d’autres se sont au contraire engagés dans une démarche de valorisation des contributions et de leurs auteurs. C’est le cas du Washington Post et du New York Times, qui se sont alliés, avec la Mozilla Foundation et le financement de la Knight Foundation, au sein du “Coral Project”. Des outils open source bientôt exploitables ? Lancée en 2015, cette initiative vise à développer des outils open-source à destination des éditeurs du monde entier afin de mieux exploiter leurs commentaires. Le premier, baptisé “Trust”, permettra d’utiliser les données pour repérer sur leur site les meilleurs contributeurs sur un sujet. “Talk”, le deuxième, dont la version bêta devrait sortir au quatrième trimestre 2016, doit permettre de faire vivre la conversation entre les contributeurs. Enfin, “Ask” sera une application pour aider les éditeurs à solliciter, trier, sélectionner et afficher les commentaires en temps réel. “Nous commençons tout juste à tester “Trust” avec le Washington Post et le New York Times. Nous espérons pouvoir l’expérimenter avec d’autres organisations dans les prochains mois”, indique à mind Greg Barber, (sa fiche LinkedIn) directeur des projets digitaux au Washington Post et responsable de la stratégie et des partenariats du Coral Project. Le New York Times a d’ailleurs déjà mis en place plusieurs tentatives pour mieux mettre en valeur les commentaires, notamment une série de portraits sur ses contributeurs les plus actifs, publiée en novembre 2015. Le Guardian a pour sa part publié, le 11 avril, la synthèse d’une étude réalisée sur près de 70 millions de commentaires postés sur son site depuis 2006. Outre la démonstration de la prédominance du harcèlement dans ces commentaires, cette étude est l’occasion pour le Guardian de repenser son système de contributions. “Nous allons mettre à jour les règles pour entrer dans la communauté des contributeurs, afin de les rendre plus claires et plus simples, et d’insister sur l’importance du respect […]. Nous avons déjà modifié la structure de l’équipe de modération pour lui donner plus de visibilité et d’autorité”, indique le quotidien sur son site. Le Financial Times a également constitué une équipe de onze personnes consacrées à “l’audience management”. Sa mission consiste notamment à mieux utiliser les commentaires (qui sont réservés aux abonnés), à faire en sorte qu’ils comportent des réactions variées et évaluer la valeur commerciale qu’apportent les contributions : son impact sur la fidélité d’une audience ou sur la volonté de s’abonner pour participer au débat, par exemple. “””Nous commençons tout juste à tester le premier outil du Coral Project avec le Washington Post et le New York Times.” Greg Barber, Washington Post / Coral Project” Une modération plus réactive Toutefois, “ce mouvement de fond vis-à-vis des commentaires en ligne touche peu la francophonie”, observe Jérémie Mani, CEO de Netino, qui s’exprimait lors d’une commission du Geste, mardi 19 avril. La société, spécialisée dans la modération des commentaires sur les sites et les réseaux sociaux – comme Concileo et Atchik Services – s’intéresse de près à ces initiatives. Elle a mis en place, à la suite des attentats de Charlie Hebdo, un système de “scoring” des commentaires sur Facebook. Cette technologie, qui a vu le jour en mars 2015, lui permet d’établir un ordre d’urgence dans le traitement des commentaires. “L’outil analyse trois éléments : l’historique du contributeur (si ses commentaires ont été souvent rejetés, ils seront traités en priorité), le nombre de réponses ou de “réactions” qu’a suscitées le commentaire, et l’utilisation de mots “à risque”, comme “charia”, “sioniste”, ou “gay”. Les commentaires contenant le mot “gay” sont en moyenne deux fois plus rejetés”, explique Jérémie Mani. Ce système est mis en place sur 62 pages Facebook de médias parmi lesquels Le Monde, Le Figaro, 20 minutes, France TV et NRJ. “La force du modèle est le principe ‘un pour tous, tous pour un’ où les infos collectées sur un Troll de la page d’un média, sert à tous les autres connectés à l’outil. Et ce media profite des infos collectées par les autres medias”, explique Jérémie Mani à mind. Objectif : élever le débat Car les “trolls” sont en effet l’un des motifs de découragement des sites médias. Sur le site LeFigaro.fr, 25 à 30 % des 50 000 commentaires mensuels sont rejetés, selon Bertrand Gié, directeur des nouveaux médias au Figaro. Sur certains articles au sujet sensible, les commentaires sont même désactivés. Chez 20 Minutes, c’est environ 20 % des 500 000 commentaires postés par mois sur Facebook qui sont supprimés par la modération. “Nous ne voulons pas pour autant nous couper de cette zone d’interactivité et nous voulons la faire évoluer dans le bon sens. Outre une politique assez stricte, nous essayons de tirer le débat vers le haut en incitant le lecteur à réagir : par exemple poser des questions “constructives”, où la réponse n’est pas seulement “j’aime” ou “j’aime pas”, demander des témoignages, des photos…”, explique Anne Kerloc’h, rédactrice en chef adjointe en charge du participatif, des réseaux sociaux et des partenariats de 20 Minutes. Des articles sont également tirés des réponses des internautes, comme cet article de mars 2016 sur “Les cinq astuces des internautes pour se débarrasser des démarcheurs au téléphone”. Le titre gratuit prépare pour l’automne 2016 une démarche plus globale pour améliorer l’interaction avec les lecteurs et la qualité de leurs interventions. 20 Minutes recrute pour cela un community manager, qui viendra compléter le pôle “participatif ” qui compte aujourd’hui trois personnes, dont Anne Kerloc’h. “””Nous voulons tirer le débat vers le haut en incitant le lecteur à réagir de façon constructive.” Anne Kerloc’h, 20 Minutes” Le Monde, Rue89… des initiatives abandonnées D’autres initiatives ont vu le jour depuis la fin des années 2000 afin de valoriser les contributions intéressantes. En 2009, Rue89 demandait ainsi à ses journalistes de sélectionner les meilleurs commentaires dans leurs articles afin qu’ils apparaissent en premier, juste au-dessous. D’autres projets de ce type ont émergé : des revues de commentaires, des sessions “Posez-moi vos questions”, inspirées des “Ask me anything” de Reddit, où un invité répondait aux questions des internautes par chat, sans la médiation d’un journaliste… “Ce sont des formats qui fonctionnaient bien, mais qui demandaient beaucoup de temps aux journalistes, sans qu’ils soient forcément valorisés. Les médias en général n’ont pas été au bout de leur projet : les commentaires sont une mine d’or pour un éditeur et pour l’information, mais pour en tirer partie, il faut s’en donner les moyens, y compris technologiques”, explique Yann Guegan, journaliste et ex-rédacteur en chef adjoint de Rue89. Selon lui, il est clair que les médias ont abandonné les commentaires, “en témoigne l’espace de plus en plus grand entre l’article et la zone de débat”. Mais une évolution notable a eu lieu également ces dernières années : beaucoup de journalistes sont désormais sur Twitter et ont trouvé dans cet espace un moyen de faire le lien avec leur communauté. Le risque, pour les médias qui veulent déplacer les commentaires sur Twitter et sur Facebook, est d’individualiser leur relation au lectorat. En 2014, Le Monde avait également lancé un projet, baptisé “Discussions”, qui visait à engager des débats autour de questions d’actualité. Cette initiative n’a manifestement pas rencontré son audience et ne semble plus aujourd’hui une priorité. Une nouvelle réflexion est-elle engagée ? Le Monde, L’Obs et Télérama ont en tout cas annoncé mi-avril ouvrir un cycle d’ateliers ouverts à leurs lecteurs afin “d’imaginer de nouvelles modalités d’interaction entre journalistes et internautes”. “Pendant chaque atelier, de mai à juillet, les groupes, composés de six personnes (collaborateurs du Monde, de L’Obs et de Télérama aux profils variés – journalistes, designers, développeurs… – et lecteurs) sont animés par une équipe spéciale pour construire ces innovations”, indique Le Monde sur son site. Le quotidien publie également régulièrement des articles basés sur les contributions de ses lecteurs ou leurs questions. Une réflexion est donc en cours chez certains éditeurs français. Metronews a par exemple recruté en décembre Maxime Bellec, venu du Figaro en tant qu’animateur de communautés, pour assurer le lien entre la communauté en ligne de Metronews et la rédaction. “Je ne poste pas de publication sur les réseaux sociaux ; je recueille des témoignages et je sélectionne les commentaires afin qu’on les prenne mieux en compte. L’enjeu est de créer une communauté et un attachement autour de Metronews”, explique-t-il. De son côté, Libération indique également réfléchir à “intégrer le dialogue avec les internautes dans la prochaine version du live”, explique Johan Hufnagel, directeur délégué aux éditions de Libération, mais le projet n’est pas encore amorcé. En France, Rue89 n’a pas réussi à construire et organiser des débats de qualité entre internautes. Libération et Le Monde semblent vouloir essayer à nouveau. Besoin d’informations complémentaires ? 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