Accueil > Médias & Audiovisuel > Mesure de la visibilité publicitaire : enjeux et pistes d’amélioration sur mobile Mesure de la visibilité publicitaire : enjeux et pistes d’amélioration sur mobile Si la mesure de la visibilité de la publicité sur desktop se structure progressivement autour de formats, de normes et d’accréditations – en témoigne la grille de lecture publiée par le CESP et le SRI – le sujet souffre encore d’un manque de transparence sur mobile. La visibilité publicitaire et la qualité média (brand safety, détection de la fraude, etc.) sont encore techniquement difficiles à assurer dans les applications mobiles. Quelles sont les difficultés inhérentes au mobile ? Quelles solutions sont apportées par les acteurs spécialisés ? Est-ce encore un frein au développement des investissements sur mobile ? mind a interrogé les mesureurs Moat, Integral Ad Science, Adloox et Adledge, ainsi que la régie spécialisée Widespace et l’agence mobile Mobext pour comprendre les enjeux de cette problématique. Par La rédaction. Publié le 21 avril 2016 à 18h23 - Mis à jour le 20 juillet 2021 à 10h16 Ressources L es investissements publicitaires sur mobile sont en forte croissance : aux Etats- Unis, ils ont déjà dépassé ceux sur desktop, et au Royaume-Uni, la publicité mobile a dépassé le papier en 2015, avec 20,5 % des investissements publicitaires globaux, selon eMarketer. En France, 26 % des dépenses publicitaires en ligne ont été allouées au mobile en 2015, en croissance de 59 % par rapport à 2014, pour atteindre 733 millions d’euros, selon l’observatoire du SRIPwC. Selon plusieurs acteurs, parmi ces investissements, plus de la moitié sont réalisés sur applications mobiles, écrin apprécié des annonceurs pour la qualité de l’expérience qu’il offre. Pourtant, la mesure de la visibilité, de la fraude et la garantie de brand safety y sont encore balbutiants. Le premier acteur accrédité par le Media Rating Council (MRC, qui certifie les outils de mesure de la visibilite?) pour sa mesure sur mobile, Moat, l’est seulement depuis octobre. Integral Ad Science a annoncé fin mars le lancement d’un produit permettant d’exclure les applications mobiles au contenu problématique de son plan média en pre-bid, tandis que la régie spécialisée dans le mobile Widespace vient d’annoncer la création d’une offre 100 % visibilité. Une arrivée tardive Comment expliquer que ces offres et mesures arrivent si tardivement dans l’environnement applicatif ? “L’in-app mobile est un environnement très technique et particulier. Sa configuration technique est complètement différente de celle du web (mobile ou desktop). Aussi faut-il redévelopper et adapter l’ensemble de nos technologies en repartant de zéro”, explique Yann Le Roux, directeur général France d’Integral Ad Science France. L’absence de cookies dans les applications mobiles entraîne un certain nombre de difficultés inhérentes à l’applicatif. En effet, et c’est vrai pour toutes les publicités sur mobile, l’affichage des publicités est problématique. Si le mobinaute n’a pas le réseau suffisant, la publicité peut être appelée mais pas affichée. “C’est ce qui explique que dans le domaine de la vidéo par exemple, les annonceurs achètent de plus en plus au CPVV (Coût pour mille vidéos vues, ndlr), car le taux de complétion les rassure. Pour autant, ce n’est pas forcément le KPI (indicateur clef de performance, ndlr) le plus pertinent”, observe Gabrielle Loeb, directrice France de Mobext, l’agence mobile du groupe Havas. “””Il faut redévelopper et adapter l’ensemble de nos technologies en repartant de zéro.” Yann Le Roux, Integral Ad Science” Manque de normes et de standards Autre difficulté de taille : l’absence de standards. Seuls la bannière et l’interstitiel sont aujourd’hui certifiés par l’IAB. La norme Mraid, recommandée par l’IAB, doit justement venir combler ce manque pour permettre aux formats rich media (en html5) de fonctionner à l’intérieur des applications. Mais dans les faits, “les interprétations de cette norme diffèrent d’une app à l’autre. Elle reste encore assez théorique et générale”, selon Yann Le Roux. Des propos confirmés par Luc Vignon, directeur général de SFR Régie et membre du conseil d’administration du SRI : “Nous rencontrons des difficultés dans la mise en oeuvre de la norme Mraid, les développeurs prennent parfois un peu trop de liberté sur la façon de coder leur application”. De plus, selon Romain Bellion, COO et cofondateur d’Adloox, “certaines régies in-app ne veulent pas adopter le protocole qui nous permettrait de mesurer les publicités sur leur application, car elles ne souhaitent pas être contrôlées. Contrairement au desktop, cet effort du côté des fournisseurs d’inventaires est indispensable pour la mesure de la visibilité et de la fraude”, souligne-t-il. Une mesure complète de la visibilité nécessite en effet que l’éditeur intègre au minimum un tag dans son application, et au maximum un SDK (Software Development Kit), un ensemble d’outils permettant de faciliter le développement d’un logiciel sur une plateforme donnée, qui diffère selon les particularités des régies et des mesureurs. “Notre SDK est par exemple le seul à supporter le format publicitaire vidéo à 360 degrés”, affirme Christophe Joyau, responsable des partenariats de Widespace. Or, l’intégration de plusieurs tags ralentit le chargement des pages et une application supporte difficilement plusieurs SDK. “Les éditeurs n’aiment pas que l’on implémente un SDK, leur multiplication crée des conflits et de la latence”, explique Gabrielle Loeb (Mobext). L’intégration d’un nouveau SDK prend plusieurs jours et demande une mise à jour de l’application pour ses utilisateurs. “En tant que régie, je m’engage auprès des éditeurs à ne pas intégrer d’autres SDK, car cela pose de vrais problèmes techniques”, indique Luc Vignon (SFR Régie). Or, “tracker la conversion sur mobile (impressions, clics, téléchargements d’application…) est assez difficile si votre SDK n’est pas intégré à l’application”, observe également Erwan Le Page, président d’Audience Square. Un écosystème fermé Enfin, la diversité des terminaux, des systèmes d’exploitation et des “univers” mobiles (applications, navigateurs, “webview” de Facebook et Twitter…), complique encore la mesure. Les acteurs du secteur sont en outre dépendants des informations fournies par iOS et Androïd et des contraintes qu’ils imposent lors de la mise en ligne d’une application. “L’univers applicatif est assez fermé. Apple, Google et les éditeurs d’applications essaient de verrouiller leurs environnements afin de conserver leur marge bénéficiaire”, observe Laurent Blanc, COO d’Adledge. Les KPI mesurés sur mobile ne sont donc pas encore à la hauteur de ceux que l’on trouve sur desktop. Quelles sont alors les solutions avancées par les acteurs du secteur pour avoir plus de métriques sur les campagnes mobiles ? Tous s’accordent pour reconnaître que c’est l’un des grands enjeux de cette année, notamment pour les mesureurs de visibilité. “Tous les mesureurs en font une priorité et c’est un élément que nous regardons de près. La croissance des investissements publicitaires sur mobile est attendue autour de 45 % pour 2016, tous ces écueils de mesurabilité devraient donc vite se résoudre”, estime Gabrielle Loeb (Mobext). Dans l’immédiat, le travail est encore artisanal. Ainsi, au sein de l’agence d’Havas, où 70 % des 400 campagnes annuelles sont diffusées in-app, une équipe de cinq personnes chargées de campagnes médias ont notamment pour mission de surveiller les sites et applications mobiles pour retirer “à la main” les campagnes se trouvant dans un contexte potentiellement dangereux pour l’annonceur. Côté mesureurs, pour le moment, l’un des premiers niveaux de brand safety est réalisé par un examen “a priori” de l’application : grâce aux informations fournies dans l’AppStore, l’agence ou le mesureur peut déjà exclure une partie des applications qui ne correspondent pas aux critères de sécurité de l’annonceur. Integral Ad Science a pour sa part développé un système de “scoring” de chaque application, établi grâce à un algorithme à partir des métadonnées collectées (catégorie de l’application, tag, descriptifs, titres…). “Au moment de la campagne, notre tag récupère l’ID de l’application et va chercher dans notre base le score que l’on a attribué à l’app en question. En fonction de ce score et de son souhait d’exclure les applications problématiques (téléchargement illégal, sites adultes, etc) ou d’accepter un risque moyen, l’annonceur peut alors décider de diffuser sa publicité sur cette app”, explique Yann Le Roux. De plus, Integral Ad Science utilise les résultats de campagnes mobiles passées pour établir des modèles prédictifs, qui alimentent les DSP avant l’enchère. En termes de visibilité, Integral Ad Science s’appuie en display sur la norme Mraid. “Pour une campagne mobile inapp menée récemment, nous avons pu mesurer près de 80 % des impressions sur mobile”. Mais mesurer la vidéo in-app nécessite impérativement une implémentation SDK, et donc l’accord de l’éditeur de l’application. “””La croissance des investissements publicitaires sur mobile est attendue autour de 45 % pour 2016, tous ces écueils de mesurabilité devraient donc vite se résoudre.” Gabrielle Loeb, Mobext” Partenariats technologiques Adledge, mesureur de visibilité français qui emploie une dizaine de collaborateurs, a, lui, décidé d’entrer dans la course à la mesure de l’inventaire in-app via un partenariat technologique et commercial avec le DSP mobile netADge. Les deux entreprises ont pour ambition de développer ensemble une technologie capable de mesurer le maximum de KPI à l’intérieur des applications avant la fin 2016. En parallèle, un partenariat commercial prévoit que netADge devienne distributeur de l’ensemble des solutions d’Adledge auprès de son réseau d’éditeurs et d’annonceurs. “Certains mesureurs sont plus avancés que nous dans ce domaine, mais ils disposent d’équipes de développeurs bien plus importantes que les nôtres et surtout d’accords commerciaux avec les éditeurs d’applications. Nous souhaitons développer notre propre technologie pour nous affranchir de ces accords”, explique Laurent Blanc, COO d’Adledge. Celui-ci fait ici référénce à Moat, seul mesureur aujourd’hui accrédité par le MRC pour sa mesure mobile. La société s’appuie d’abord sur une équipe de 70 ingénieurs – qui devrait doubler d’ici l’année prochaine – et des accords avec de grands acteurs du mobile comme Facebook, Twitter et YouTube. Mais sur Facebook par exemple, Moat est “autorisé” à mesurer la visibilité des vidéos publicitaires… mais pas du display. Le mesureur américain a également noué des accords avec des plateformes d’agrégation d’applications, comme Verve, qui intègre son SDK dans plusieurs centaines d’applications. “Le taux de mesurabilité du mobile dépend toujours d’où la campagne est diffusée, mais nous couvrons un très large spectre de l’inventaire in-app. L’enjeu, qui n’est d’ailleurs pas que sur mobile, est aujourd’hui de pouvoir analyser l’ensemble des éléments d’une page, y compris les commentaires par exemple, pour déterminer si c’est un contexte 100 % sûr pour un annonceur”, explique Jonah Goodhart, PDG de Moat. Facebook a d’ailleurs annoncé mardi 19 avril avoir conclu trois nouveaux partenariats avec des mesureurs de visibilité : comScore, Nielsen et Integral Ad Science. Ce dernier devrait également bientôt annoncer des accords avec d’autres écosystèmes fermés, notamment YouTube. “””Les SDK sont plus compacts, plus faciles à intégrer… Les acteurs utiliseront bientôt des SDK communs.” Christophe Joyau, Widespace” L’enjeu : des accords avec les applications mobiles C’est donc bien sur le terrain des SDK que se joue aujourd’hui la bataille des mesures sur applications mobiles. Et des acteurs bien intégrés localement ont leur carte à jouer. C’est ainsi qu’Adloox, mesureur français qui compte une cinquantaine de collaborateurs, dont trente en France, souhaite tirer son épingle du jeu. La technologie d’Adloox est aujourd’hui interfacée avec une quinzaine de régies, parmi lesquelles AdMob (Google), SFR, mobvalue, Mozoo et InMobi, pour pouvoir mesurer la visibilité et la fraude dans leur inventaire in-app. Adloox a commencé à nouer des partenariats il y a deux ans. “Aujourd’hui, la moitié de l’inventaire que nous traquons est sur mobile”, affirme Romain Bellion, COO et cofondateur d’Adloox. La société dispose de l’accréditation MRC pour le desktop, mais pas pour le mobile. “Nous le ferons quand nous estimerons que l’accréditation sur mobile vaut quelque chose, c’est-à-dire quand l’industrie aura établi de véritables règles. Pour l’instant, il n’y a ni standard, ni protocole, la mesure reste du cas par cas”, assure Romain Bellion. Côté régie aussi, des initiatives voient le jour. Widespace a par exemple développé sa propre technologie pour mesurer la visibilité in-app via le SDK qu’elle intègre aux applications. Début avril, la régie mobile, qui en France commercialise notamment l’inventaire de Elle, L’Obs et Vice, a lancé une offre de “visibilité garantie” sur l’ensemble de ses campagnes. Vendue au même prix qu’avant, cette offre doit répondre à la “premiumisation” du mobile, de plus en plus utilisée pour des campagnes de branding. Le marché se dirige-t-il alors vers plus de formats standardisés et des SDK communs aux applications ? Pour Christophe Joyau, de Widespace, “à terme, le marché va s’autoréguler. Les SDK sont déjà en train d’évoluer : ils sont plus compacts, plus faciles à intégrer… Les acteurs utiliseront bientôt des SDK communs”. “Nous allons de plus en plus vers des solutions SDK qui en englobent d’autres”, confirme Gabrielle Loeb (Mobext). Pour Romain Bellion (Adloox), “les seuls qui peuvent mettre la pression sur les éditeurs d’applications sont des institutions comme l’UDA et les agences”. Luc Vignon (SFR Régie), indique pour sa part n’être “pas opposé” à davantage de SDK communs, qui pourraient être proposés selon lui par les adservers. Il n’est pas favorable en revanche à la définition de nouvelles normes et la standardisation de nouveaux formats, ni à l’ajout de nouvelles briques dans la mesure de la visibilité. “Je suis pour toutes les initiatives qui permettent de façon claire et simple de faire avancer le marché. Mais il est important d’avancer étape par étape : dans les technologies, la mise en oeuvre est compliquée et complexe. Cela nous oblige tous – agences, annonceurs et régie – à d’abord bien maîtriser techniquement, technologiquement et commercialement ce secteur. Une fois que ce sera fait, nous aurons déjà réalisé 90 % du travail”, indique-t-il. “””Les seuls qui peuvent mettre la pression sur les éditeurs d’application sont des institutions comme l’UDA et les agences.” Romain Bellion, Adloox” La rédaction AdtechMobile Besoin d’informations complémentaires ? 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