Accueil > Adtechs & Martechs > Fin des cookies tiers : les identifiants uniques opérationnels, mais encore loin du passage à l’échelle Fin des cookies tiers : les identifiants uniques opérationnels, mais encore loin du passage à l’échelle Depuis trois ans, les initiatives d’identifiants uniques fleurissent, s’affichant comme l’alternative la plus crédible techniquement pour succéder à un cookie tiers mis à mal par les politiques des navigateurs. Aujourd’hui, même si la “tuyauterie” est en place et régulièrement activée dans des tests à la marge, il reste difficile de voir dans quelle mesure ces identifiants, absents des outils programmatiques de Google (malgré quelques évolutions), pourront se généraliser côté achat. Par Paul Roy. Publié le 19 janvier 2024 à 10h06 - Mis à jour le 19 janvier 2024 à 10h19 Ressources À l’occasion d’un début d’année marqué par la désactivation des cookies tiers pour 1 % des utilisateurs de Chrome, et leur disparition totale d’ici fin 2024, mind Media revient sur les deux grandes alternatives : Les identifiants uniques La publicité contextuelle (dans notre prochain numéro) Fin 2022, l’IAB Tech Lab dénombrait pas moins de 80 solutions d’identifiant unique dans le monde. Au départ développées pour améliorer la synchronisation des cookies tiers (ID5, UID 1.0) jugée trop approximative, celles-ci se sont quasi immédiatement repositionnées sur la promesse de leur remplacement à la suite des premières annonces de Google en 2020. Progressivement, acteurs adtechs (The Trade Desk, Criteo), sociétés spécialisées (ID5, first.id), ou encore data providers et CDP (Liveramp, Zeotap) ont lancé leurs propres solutions. Des critiques ont alors rapidement émergé, pointant notamment le reach limité souvent conditionné à la capacité de login des éditeurs, la potentielle faible résistance à de nouvelles restrictions, et parfois même la compatibilité avec le RGPD. En 2022, Google a davantage enfoncé le clou en annonçant ne pas supporter les solutions d’identifiants uniques dans ses outils d’achat et de vente programmatique (DV360 et GAM). Anthony Katsur (IAB Tech Lab) : “Les solutions de résolution de l’identité ne doivent pas simplement remplacer le cookie tiers” Malgré l’imminence de la dépréciation des cookies tiers sur Chrome et la raréfaction de ces derniers sur l’ensemble des environnements, qu’elle soit liée à leur suppression sur Mozilla et Safari (qui représentent environ 30 % des usages de navigateurs) ou au durcissement des directives de la Cnil sur le recueil de consentement – qui ont conduit à des taux de consentement avoisinant les 60 % -, la présence de ces identifiants dans l’univers programmatique est pour le moment limitée. Encore et toujours relever le défi du reach Dès 2022, les identifiants (ID5 en tête) étaient présents dans seulement 30 % des bid requests envoyées sur Prebid – module de header bidding intégré par la plupart des éditeurs -, selon une étude de Minted réalisée avec les données de Pubstack. La faute en premier lieu au fait que beaucoup d’identifiants sont aujourd’hui basés sur un email, nécessitant une connexion de l’utilisateur côté éditeur. Prisma Media, qui a très tôt misé sur un login commun (facultatif) pour l’ensemble de ses audiences, enregistre aujourd’hui 6 % d’utilisateurs logués avec un objectif fixé à 30 %. “Ce qui signifie que nous avons globalement 6 % de nos bid requests qui comprennent un identifiant EUID ou Liveramp. Contre 95 % pour first.id (qui repose sur un cookie first party, ndlr) et ID5 (via d’autres signaux comme l’adresse IP, ndlr)”, constate Paul Ripart, directeur commercial programmatique et data chez Prisma Media. La promesse d’un outil comme first.id ou ID5 est en effet de répondre à cette problématique de reach tout en restant le plus proche possible d’un ciblage déterministe, bien que certaines méthodologies – comme celle utilisée par ID5 – soient souvent qualifiées de probabilistes. Une dénomination que Mathieu Roche, le CEO et cofondateur de la société, veut nuancer. “L’identifiant dans la machine est 100 % dans la machine et donc déterministe, tandis que le lien entre les identifiants sur des sites est toujours probabiliste, qu’il s’agisse d’un mail ou d’un numéro de téléphone”, explique-t-il. [Info mind Media] Vodafone veut construire une alternative aux cookies avec d’autres opérateurs télécoms européens L’arrivée d’Utiq, initiative européenne lancée par les opérateurs Deutsche Telekom, Orange, Telefonica et Vodafone fin 2022, ensuite rejoints par SFR et Bouygues Telecom en France, tend également à tenir cette promesse d’exhaustivité en étant basé directement sur la relation des opérateurs avec leurs clients. “Le véhicule technique – qui est la problématique de tous les fournisseurs de solutions d’ID unique – d’Utiq est le contrat internet entre l’utilisateur et l’opérateur. Le site récupère le consentement, l’adresse IP et le transmet à l’opérateur”, explique Julien Delhommeau, chief operating officer d’Utiq. Pour le moment, l’une des limites pointée par l’industrie était que la solution ne se basait que sur les connexions via données mobiles. “Nous prendrons en compte les connexions Wifi au premier trimestre 2024, il s’agit seulement de problématiques d’implémentation côté éditeur”, rassure Julien Delhommeau. Finalement, beaucoup voient en ces identifiants un moyen de mesurer la performance des campagnes programmatiques, sans faire de l’achat de masse. C’est la démarche au cœur de la stratégie de Weborama, qui mise sur le contextuel pour l’achat, mais multiplie les partenariats avec les solutions d’identifiants pour la mesure. Une adoption lente chez les éditeurs La sous-représentation des ID dans les bid requests, malgré leur potentiel intérêt sur une grande partie du web ouvert, s’explique aussi par le temps d’intégration parfois long côté éditeur. “Sur le plan technique, c’est plutôt simple : il s’agit d’un dispositif très normé afin qu’il rentre dans le protocole RTB. Mais la validation juridique peut prendre du temps. Cela requiert de nouvelles signatures de data processing agreement (DPA), de changer les critères de la CMP, etc.”, commente Paul Ripart, directeur commercial programmatique et data chez Prisma Media. Aujourd’hui, first.id revendique être embarquée chez une douzaine de groupes médias français (dont Webedia, CMI et Prisma Media). “Notre premier enjeu pour 2024 est d’embarquer des éditeurs, puis d’être compatible avec de plus en plus d’acteurs du secteur adtech, avant de pouvoir séduire les agences et les annonceurs”, rapporte David Folgueira, CEO et cofondateur de first-id. Prisma Media est à notre connaissance le seul éditeur à avoir intégré EUID, et Utiq n’a que récemment annoncé plusieurs intégrations chez des éditeurs, dont les sites monétisés par la régie 366 et Reworld Media. “Ce sont des processus de discussion qui peuvent prendre six à huit semaines à chaque fois”, explique Sophie Poncin, directrice générale d’Utiq. D’autant que pour le moment, il est difficile pour les éditeurs de juger de l’apport de ce type de solutions, qui ne sont encore que très peu activées par les annonceurs. Dans ce sens, Prisma Media relève une légère hausse des CPM pour les inventaires adossés à un identifiant unique. “Je n’ai aucun moyen de voir combien de campagnes ont utilisé un ID, mais je suis en capacité de voir qu’un format 300 x 600 sur un navigateur sans cookie va me rapporter 1,21 centime lorsqu’il y a un identifiant, et seulement 1,15 centime sans identifiant. Lorsqu’il y a un RampID par exemple, le CPM moyen (tous formats confondus, ndlr) passe de 85 centimes à 97 centimes”, précise Paul Ripart (Prisma Media Solutions). Ce qui amène certaines régies à ne pas en faire une priorité, à l’image de la société Mediasquare qui, bien que voyant des identifiants transiter chez les éditeurs qu’elle monétise et se voulant agnostique, n’a pas de stratégie de commercialisation dédiée pour l’instant. “Il n’y a pas de demande pour le moment, et même si nous avons des discussions avec ces identifiants, nous avons suffisamment de choses à faire par ailleurs dans ce contexte. Au-delà des points réglementaires, un identifiant n’est pas exploitable dans DV 360 qui, même si elle recule en part de marché, reste très importante”, déplore Baptiste Berger, chief revenue officer de la société. La question de la double CMP chez Utiq Au lancement d’Utiq, beaucoup d’éditeurs ont critiqué la présence d’une seconde CMP pour que l’utilisateur donne son consentement uniquement à la création et à l’utilisation du token. À l’origine de ce dispositif, des standards en matière de protection des données personnelles et de transparence qui se veulent exemplaires, avec notamment un Consent hub permettant à l’utilisateur de gérer ses préférences. Sur la cinquantaine de sites qui ont implémenté sa solution en Europe, Utiq rapporte des taux de consentement de 80 % en Allemagne, 70 % en Espagne, et de 65 % à 70 % en France, mais veut tout de même faire évoluer sa position. “Nous travaillons à pouvoir nous intégrer directement dans les CMP des éditeurs. D’ici fin janvier nous voulons définir la possibilité d’avoir une option de consentement Utiq clairement visible au sein de la CMP de l’éditeur, tout en permettant à ceux qui le souhaitent de continuer à utiliser notre seconde CMP”, explique Julien Delhommeau (Utiq). Des agences et annonceurs plus attentistes En effet, si des tests ont rapidement été déployés, ils restent encore à la marge, les annonceurs préférant toujours enchérir sur des inventaires adossés à un cookie tiers, le web ouvert représentant pour beaucoup une part infime de leur plan média. Une dynamique qui a changé à partir de septembre 2023, et la confirmation de Google de vouloir s’en tenir à son calendrier initial. The Trade Desk revendiquait ainsi un premier test avec Agence79 et Prisma Media au quatrième trimestre 2023, mais qui portait sur un budget de seulement quelques centaines d’euros. “Le but était surtout de vérifier le workflow, dans la mesure où il n’y avait pas d’échelle significative”, nous expliquait François-Xavier Le Ray, country manager France de The Trade Desk. David Folgueira (first-id) indique qu’une trentaine de campagnes ont déjà été opérées sur des identifiants first-id depuis six mois, qu’ils soient utilisés “par une régie pour valoriser ses inventaires, ou en curated deals pour englober plusieurs éditeurs”. ID5 rapporte quant à lui qu’aujourd’hui 68 % de son chiffre d’affaires est réalisé aux Etats-Unis, et que la dynamique en France est surtout liée à des tests. De premiers tests chez un petit pool d’annonceurs sur les sites monétisés par la régie 366 ont également été annoncés par Utiq dans le JDN. Fin des cookies tiers : l’identifiant EUID en ordre de marche Pour les agences, la difficulté est dorénavant de naviguer entre ces différentes solutions. “Il y a des choses intéressantes et nous testons ces solutions, mais il y a toujours cette crainte que cela ne conduise à la création d’une multitude de petits walled gardens”, constate Aurélie Chaux, directrice générale de GroupM Nexus France, qui a testé first-id et attend beaucoup d’Utiq. Même son de cloche chez Initiative (IPG Mediabrands) : “Ce sont des initiatives très prometteuses pour le retargeting, mais pour le moment nous concentrons nos plans sur l’exploitation de la first party et le look-alike pour orienter les campagnes”, indique Jean-Damien Agurto-Lévy, head of digital & data de l’agence. Quid de l’interopérabilité ? Avec plus de 80 solutions identifiées par l’IAB Tech Lab, l’interopérabilité entre les différents dispositifs est un enjeu central, sur lequel les positions divergent. ID5 veut ainsi se positionner comme un “Master ID” faisant le lien entre toutes les solutions. En témoigne son partenariat avec The Trade Desk sur la distribution d’EUID. “C’est ce que nous avions fait en nous positionnant sur la synchronisation des cookies tiers, et nous déployons la même vision pour les ID, en permettant à des acteurs comme les agences qui ont leurs propres identifiants (Core ID d’Epsilon par exemple) de faire le lien avec d’autres signaux émanant du terminal de l’internaute”, explique Mathieu Roche (ID5). The Trade Desk revendique un positionnement semblable pour UID 2.0 et EUID, qu’il présente comme des initiatives open-source et totalement interopérables. Liveramp, de son côté, a multiplié les accords, et first-id indique également travailler sur des partenariats. Pour le moment, seul Utiq reste plus prudent à ce sujet, notamment pour des raisons de transparence auprès de l’utilisateur. “Il y a de vrais enjeux de contrôle des données personnelles et de transparence pour l’utilisateur. Si on commence à recréer des logiques de graph utilisateur, ça peut potentiellement créer un effet passoire, les différentes solutions n’ayant pas le même niveau de contrôle”, précise Julien Delhommeau (Utiq). Des solutions à la merci de Google et Apple ? Le passé l’a prouvé, les acteurs de l’adtech sous souvent très dépendants des grandes politiques imposées par les groupes technologiques américains. En témoignent l’effet d’App tracking transparency d’Apple sur l’économie publicitaire sur mobile, ou d’ITP qui a supprimé les cookies tiers sur Safari. D’autant que les identifiants uniques ne seront pas disponibles dans DV 360 directement, même si certains envisagent quand même des moyens d’exploiter ces identifiants par des moyens détournés et un peu plus complexes. “La place de curation (Exchange Buyer Connect) d’Equativ – avec qui Utiq a un partenariat -, permet de pallier les limitations DV360. L’acheteur peut, par le biais de la curation, créer lui-même un deal cross éditeur, en appliquant sa donnée first party (basée sur les identifiants Utiq), pour appliquer un capping par exemple, puis opérer ce deal via son siège DV 360 habituel”, illustre Julien Delhommeau (Utiq). Sur ce point, l’évolution des PPID, ce dispositif côté éditeurs dans Google Ad Manager, qui permettent dorénavant de faire transiter certains identifiants uniques, est un motif d’espoir supplémentaire, cela leur donnant accès à une partie de la demande DV 360. Mais ce sont aussi les changements à la marge, comme les récentes mesures prises par Google contre le bounce tracking (insertion d’un lien entre différents sites pour tracker l’utilisateur), ou d’Apple sur le relais privé dans iCloud (envoi de données sur deux relais Internet distincts pour empêcher les sites web de connaitre l’IP et la position) qui constituent des menaces. Les éditeurs de solutions que nous avons interrogés se veulent rassurants sur ces points, chacun défendant sa méthodologie. “Un navigateur ne peut pas ‘tuer’ un cookie first party (sur lequel repose first.id, ndlr), c’est la propriété de l’éditeur et il a une place trop prépondérante”, estime David Folgueira (first.id). “D’un point de vue technique nous sommes beaucoup moins dépendants des navigateurs. La seule chose qui peut nous poser problème est un VPN ou un proxy, mais qui sont durs à mettre en place. Apple le propose mais de manière payante, ce qui touche 1 % des utilisateurs”, indique Julien Delhommeau (Utiq). Un autre élément qui leur donne raison est l’accroissement de la pression des autorités de la concurrence sur les Big Tech : la CMA encadre aujourd’hui la démarche de Google sur Chrome, et tous espèrent que des mesures seront prises en cas de dérive. “Les navigateurs veulent protéger leur chiffre d’affaires publicitaire, et abusent d’une part de marché dominante pour privilégier leurs outils. Nous nous focalisons sur le respect du consentement de l’utilisateur et des données des éditeurs”, conclut Mathieu Roche (ID5). Paul Roy AdtechCookiesGoogle ChromeGoogle Privacy SandboxIdentifiant unique Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Fin des cookies : Google défend Privacy Sandbox Fin des cookies tiers : l'identifiant EUID en ordre de marche Analyses Les six grands enjeux des médias et de la publicité en 2024 Privacy Sandbox : Chrome confirme le calendrier à ses utilisateurs Criteo publie un modèle mesurant l’impact de Privacy Sandbox sur la performance des DSP Reworld Media intègre Utiq Après-cookies : Unilever va tester Unified ID 2.0 avec Disney 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur ID5 annonce son intégration avec Microsoft Advertising L’IAB Tech Lab recense 84 solutions de résolution de l’identité à travers le monde Pourquoi The Trade Desk lance l’initiative ouverte d’identifiant unique EUID L’IAB Tech Lab développe une norme pour donner plus de transparence sur les solutions d’identification publicitaires essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 Intégrer la transition écologique dans les performances des médias et de la publicité Les enjeux réglementaires de la publicité en ligne en 2023 2023 : la transformation du marché publicitaire analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction ENQUÊTE - La régie publicitaire du Monde a réduit ses effectifs de 8 % INFO MIND MEDIA - Le CESP va lancer sa certification Retail Data Trust Agence79 officialise la consolidation du budget média numérique de Carrefour Publicis et Omnicom, champions de la croissance au premier semestre 2024 INFO MIND MEDIA - Une levée de fonds d’environ 750 000 euros en vue pour le nouveau média The Big Whale Google reconnu coupable de monopole dans la recherche en ligne : ce qu'il faut retenir 24 lobbys enjoignent Bruxelles d’harmoniser le RGPD Outbrain acquiert Teads sur une valorisation d’1 milliard de dollars : les détails de l’opération Fin des cookies tiers : derrière l’annonce de Google, la méfiance du marché INFO MIND MEDIA - Marketing des abonnements : TBS Group rachète OwnPage data Les baromètres, panoramas et chiffres sur l'évolution du marché IA générative : quels éditeurs français bloquent les robots d’OpenAI et Google, lesquels ont adopté le protocole TDMRep ? Le panorama des sociétés spécialisées dans les technologies de l’e-retail media La liste des outils utilisés par les équipes éditoriales, marketing et techniques des éditeurs français Digital Ad Trust : quels sites ont été labellisés, pour quelles vagues et sur quel périmètre ? Panorama des offres AVOD alternatives Le détail des aides à la presse, année par année Ads.txt : la liste des relations établies entre les éditeurs français et les vendeurs et revendeurs programmatiques Les indicateurs financiers des grands groupes de communication Les levées de fonds des start-up des médias, du marketing et de la culture en France Les principales solutions de paywall dynamique