Quel bilan faites-vous de l’année 2011 ?
Le bilan éditorial et le bilan commercial sont bons. Nous avons atteint 58 443 abonnés individuels payants le 31 décembre 2011. Nous en sommes à plus de 63 000 à la fin mars. Il y a des pics d’abonnements lors de nos révélations ou lors de nos événements, comme les journées portes ouvertes. Le bilan économique est lui aussi très bon avec 5,1 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2011 pour un résultat net de 572 000 euros (3 millions de CA en 2010 et 1,3 million d’euros de pertes), cela sans endettement ni subvention étatique en 2011. Il reste maintenant à confirmer sur la durée. Mediapart emploie 40 personnes en CDI dont 27 journalistes. Nous avons engagé 3 journalistes en CDD pour la présidentielle et une quinzaine d’autres journalistes indépendants collaborent avec nous de façon régulière. Notre budget 2012 prévoit le recrutement en CDI de deux journalistes. Si ces postes sont créés, ils le seront certainement dans le domaine de l’investigation économique.
Quelle est la stratégie commerciale mise en oeuvre ?
La qualité des contenus demeure l’élément fondamental pour fidéliser nos lecteurs. Mais Mediapart a été pionnier en France dans son modèle économique et ses pratiques commerciales. Par exemple avec l’abonnement à 1 euro par mois pour essayer le site. Avec également nos compagnes d’emailing personnalisées, dans lesquelles nous présentons nos journalistes et notre projet. Nous avons rapidement atteint une rédaction de 27 journalistes, et le développement technique et commercial de l’entreprise n’a cessé de se renforcer. Sur les 13 autres salariés, il y a le service commercial, la gestion de nos abonnés individuels, les abonnements groupés des entreprises ou des collectivités, le service marketing — qui a été renforcé il y a un an avec une recrue venue de Meetic —, et bien sûr les 5 personnes dont 4 temps pleins qui constituent le service technique.
Avez-vous d’autres sources de revenus que vos abonnés ?
Oui, à côté des abonnements (90 euros par an ou 9 euros par mois), un peu moins de 5 % de nos revenus proviennent de la revente de nos contenus, articles ou vidéos, à d’autres médias. Orange est l’un de nos clients, pour des chroniques économiques, mais notre partenaire régulier est Marianne, pour qui nous avons d’ailleurs produit un dossier spécial sur « la République scandaleuse » qui sort le 31 mars. Ponctuellement, nous travaillons également avec Politis mais à titre gracieux. Nous allons également essayer de mieux rentabiliser Mediapart en anglais, qui est accessible via un onglet. Nous avons environ 500 abonnés pour cette offre, l’objectif est de doubler ce chiffre pour couvrir les frais de traduction.
Quels sont vos projets et vos objectifs en 2012 ?
Nous allons développer des partenariats avec des sites indépendants et sans publicité, que ce soit des sites spécialisés ou des sites locaux. Comme nous l’avons fait avec Arrêt sur Images en février, nous sommes sur le point de mettre en place une offre d’abonnement commune avec le pure player Dijonscope. Avec Arrêt sur images, c’est 55 euros par mois durant les six premiers mois pour les deux sites. Sur chaque abonnement, 35 euros par mois vont à Mediapart. Nous allons également proposer des recueils de nos articles en ebooks. L’un des chantiers importants sera également le déploiement sur tous les smartphones et tablettes. Nous ferons tous les développements nousmêmes. In fine, l’objectif est d’atteindre au moins 70 000 abonnés à la fin de l’année. Le résultat net visé est d’environ 900 000 euros avec un chiffre d’affaires supérieur à 6 millions d’euros. Ce sont des objectifs raisonnables, voire prudents, qui pourront être revus.
Enfin, quelle est la répartition du capital ? Des évolutions sont-elles envisagées ?
La logique de course à l’audience des sites gratuits est une logique sans fin. Leur concentration est inéluctable. Mais Mediapart n’est pas à vendre. Aujourd’hui, le capital de la société est détenu à 33 % par ses cofondateurs, dont je fais partie, avec trois autres salariés : François Bonnet, Laurent Mauduit et Marie-Hélène Smiéjan. 19,70 % sont répartis auprès de la Société des Amis de Mediapart (88 personnes parmi lesquels Xavier Niel et d’autres, plus anonymes) et quelques investisseurs amis, comme Laurent Chemla ou François Vitrani. Enfin un peu plus de 47 % du capital est détenu par des investisseurs partenaires, notamment Doxa Jean et Ecofinance [et Odyssee Venture, NDLR]. Je préside le conseil d’administration de sept membres, dont font également partie les trois autres fondateurs, de même que Michel Broué pour la Société des Amis de Mediapart, ainsi que Gérard Cicurel et Thierry Wilhelm, tous deux représentant les investisseurs partenaires. Nous avons, avec ces investisseurs financiers minoritaires, un pacte d’actionnaire qui prévoit une clause de sortie dont l’échéance est au printemps 2014. L’objectif, à terme, est que Mediapart appartienne uniquement aux personnes qui y travaillent. Je me donne au grand maximum jusqu’en 2017 pour y parvenir.