Accueil > Marques & Agences > [Dossier du Social Media Club] Dépendance aux plateformes : comment se réapproprier les échanges sociaux ? [Dossier du Social Media Club] Dépendance aux plateformes : comment se réapproprier les échanges sociaux ? Entre la baisse du reach et les scandales liés à la sécurité des données et des utilisateurs, certaines marques ont choisi de prendre leurs distances avec les réseaux sociaux. Alors, comment se réapproprient-elles les échanges avec leurs utilisateurs ? Comment parviennent-elles à rester maîtresses de leur communication avec ou sans retrait des réseaux sociaux ? Enquête. Par Social Media Club. Publié le 01 mars 2023 à 15h08 - Mis à jour le 01 mars 2023 à 15h08 Ressources Micro tendance ou lame de fond ? Levis, Coca-Cola, Unilever ou Patagonia : en 2020, 200 marques ont cessé leurs campagnes de publicité sur Facebook ou Instagram. En cause : le manque de proactivité des plateformes envers les prises de parole racistes, insultantes ou violentes. Réunies sous le hashtag #StopHateForProfit, leur décision fait suite aux révélations d’une ancienne employée de Facebook dans une série d’articles d’investigation menés par le Wall Street Journal. Parmi ces marques : Lush. L’enseigne de cosmétique éthique a suspendu ses comptes Instagram, Facebook et TikTok depuis novembre 2021. Autrement dit, elle a choisi de laisser près de 12 millions d’abonnés répartis dans le monde entier. “C’est une décision que l’on mûrissait depuis 2019. Au UK, nous avions déjà mis nos comptes en pause. Mais avec la pandémie, la fermeture des magasins nous avait poussés à revenir en arrière”, explique Chloé Chazot, responsable de la communication France, Belgique et Luxembourg chez Lush. En 2020, Lush a malgré tout poursuivi sa réflexion en lançant un “Detox day” à travers une campagne de sensibilisation avec l’influenceuse Zoe Sugg et l’association de santé mentale #IAMWHOLE. C’est finalement en novembre 2021, à l’occasion du Black Friday, que Lush a suspendu ses comptes dans le monde entier. “Nous avons expliqué notre décision à notre communauté. C’est vrai qu’à un mois de Noël, c’était audacieux”, commente Chloé Chazot. Depuis, Lush est resté sur ses positions. Pour quels résultats ? Nous le verrons plus tard. Abonnez-vous à notre newsletter hebdomadaire Recevez gratuitement notre sommaire par email chaque lundi à 6h Quelles sont les raisons qui poussent les marques à quitter les plateformes ? Une question éthique “L’engagement éthique est au cœur de la prise de décision chez Lush”, poursuit notre interlocutrice. L’enseigne est en effet un acteur engagé dans le secteur de la beauté depuis 1995. On lui doit par exemple la création des shampoings solides, ainsi qu’une forte activité militante contre les tests menés sur les animaux. En fermant les réseaux sociaux, Lush entend donc prendre soin de la santé mentale de ses utilisateurs, et ne pas non plus les pousser à une consommation déraisonnée. La baisse du reach organique De son propre aveu, Chloé Chazot concède aussi que les évolutions algorithmiques des plateformes ne permettaient plus à la marque de s’adresser à sa communauté comme elle le souhaitait, sachant que Lush n’a jamais fait de campagnes d’acquisition payante.“La baisse du reach organique est effectivement l’une des principales raisons qui poussent les marques à se questionner sur leur dépendance aux plateformes. A l’heure actuelle, le reach organique sur Facebook tourne autour de 2 à 5%, ce qui est très faible”, confirme Ambre Frandsen, Directrice Associée d’Ysmart, et spécialiste des questions de brand content. Sans compter que l’acquisition en paid, d’abord apparue comme une solution miracle, a fini par conduire nombre d’utilisateurs à un véritable sentiment de ras-le-bol. La RGPD La légèreté des mastodontes sur le thème de la confidentialité des datas a également inquiété les marques ces dernières années, alors que les utilisateurs sont de plus en plus vigilants sur ces questions. C’est pourquoi certaines préfèrent se diriger vers des plateformes décentralisées comme nous le verront plus bas. Les crises réputationnelles Enfin, le risque de crise réputationnelle grandit à mesure que les utilisateurs des réseaux sociaux accentuent les clivages. “Il y a peu, une marque de lait infantile s’est faite attaquer par une micro communauté très militante sur les questions d’allaitement. Alors que cette marque n’avait jamais pris position contre l’allaitement”, analyse Ambre Frandsen. De ce fait, beaucoup redoutent de s’engager sur des réseaux comme Twitter, et préfèrent se réfugier sur des espaces plus sûrs. Cet article complète un rendez-vous du Social Media Club, cercle d’échange d’expertises entre professionnels sur les thèmes du social media, qui fait partie du Groupe mind. Le Social Media Club réunit depuis plus de 14 ans les professionnels du social media et de la communication digitale, avec une trentaine de sessions chaque année. L’accès au Social Media Club est compris dans nos dispositifs d’intelligence économique. La première participation est offerte. Pour en savoir plus : prenez rendez-vous avec Maria de Lima. Quelles stratégies pour compenser le retrait des réseaux sociaux ? Maintenant que l’on a vu pourquoi certaines marques désertent les réseaux sociaux, il est intéressant d’étudier les alternatives qu’elles ont déployées pour se réapproprier les échanges avec leurs communautés. Les magazines print La première initiative pour compenser un retrait des réseaux sociaux est de communiquer sur ses propres supports comme les médias de marque. C’est ce que fait depuis plusieurs années Lush avec son journal Lush Times en version print. La marque Bottega Veneta, qui avait annoncé son départ en janvier 2021 avait ensuite lancé en mars 2021 un magazine print trimestriel très qualitatif (Issue Magazine), avant de l’arrêter au bout de trois éditions. Les blogs et médias en ligne Une autre initiative peut consister à créer des blogs pour communiquer à des fins de RP ou business. “C’est le cas par exemple de Disneyland Paris qui a lancé un magazine dédié aux RP et à l’influence”, illustre Ambre Frandsen. Elle cite aussi Orange Business qui a mis sur pied un blog d’employee advocacy, où les employés partagent leur expertise au service de la marque. “Sortir des réseaux sociaux pour communiquer autrement auprès de cibles communautaires très identifiées est particulièrement adapté puisque les enjeux sont très différents en termes de KPI’s”, commente notre experte. D’autres entreprises comme Swile, qui vient juste de lancer The Daily Swile, choisissent pour leur part de reprendre la main sur les échanges en créant un média en ligne ciblant à la fois les DRH en B2B, mais aussi les salariés en B2C. Les newsletters Les newsletters sont également un bon moyen de renouer directement le contact avec sa communauté. C’est ce que pratique Lush pour communiquer sur son actualité à la fois auprès de la presse ou de sa communauté d’influenceurs. Qu’elles soient rédigées à des fins B2B ou B2C, certaines newsletter sont un vrai succès à l’image de Flint (entre 15 000 et 20 000 abonnés), une newsletter créée par l’IA, ou encore de Spoune, la très qualitative newsletter de Virgil. Celle-ci aborde des thèmes décalés par rapport à la proposition business de Virgil qui est un acteur de l’immobilier, avec un apport des neurosciences par exemple. “Chez Swile, nous touchons notre cible DRH via le biais de notre newsletter. Celle-ci leur permet de faire leur veille en recevant de l’information directement sur leur mail professionnel”, illustre Anthony Bober, Lead Social Media & Influence de l’entreprise de titres-restaurants dématérialisés. Les plateformes décentralisées et les jeux vidéos Le recours aux plateformes décentralisées est une autre option à exploiter. Le code de ces plateformes est en open source, et le contenu est généré par les utilisateurs plutôt que les marques. “Le User Generated Content est une tendance que nous poussons dans la stratégie de nos clients. Les avantages des plateformes décentralisées sont nombreux : pas de censure, pas de lien de subordination entre les marques et les utilisateurs, et un stockage des données décentralisé, point important depuis le scandale Cambridge Analytica”, affirme Ambre Frandsen. Dans le Web3, Mirror (l’équivalent de Medium, 85,9K abonnés à l’heure actuelle sur Twitter) et Minds (réseau social) semblent être les alternatives les plus plébiscitées (en 2020, Minds comptait déjà 2,5 millions d’utilisateurs). Autre stratégie dans la même veine : le recours aux jeux vidéo. Par exemple, Lush a choisi de développer un espace au sein d’Animal Crossing. Une stratégie de plus en plus utilisée par les marques, les jeux devenant des réseaux sociaux à part entière. Le marketing d’influence Une autre stratégie pour contourner le paid consiste à utiliser le marketing d’influence nouvelle génération. Par exemple, Lush n’est pas présent directement sur les réseaux mais collabore régulièrement avec des influenceurs de renom (ces derniers sont libres de relayer ou non les actualités de la marque en fonction de leurs envies puisqu’il n’y a pas contrepartie financière). “Nous misons surtout sur notre communauté de clients très fidèle et alignée avec nos engagements”, affirme Chloé Chazot. La marque a également créé des collaborations avec des grosses licences comme Stranger Things, One Peace ou Lazy Oaf. Chez Swile (qui est présent sur les réseaux sociaux), la stratégie d’influence a aussi été très développée : “nous consacrons peu d’investissement au paid sur les réseaux sociaux. Par contre, nous misons sur la cocréation de contenus avec des influenceurs. Cela nous permet d’avoir une audience qui touche à 50% un bassin extérieur à notre communauté. Ce qui est essentiel pour nous, c’est d’être ancrés dans les usages. C’est-à-dire d’utiliser les plateformes comme des utilisateurs, et non pas de vouloir pousser à tout prix notre marque”, explique Anthony Bober. Des campagnes en physique Pour en revenir au cas de Lush, il a été décidé de renforcer l’expérience des clients en magasin, soit un investissement de 9,8 millions d’euros annoncé en 2022. A cela se sont ajoutés des événements comme des happenings dans les vitrines, ou des rendez-vous comme “Des mains pour demain” en partenariat avec des associations. Autant de campagnes que les clients pouvaient retrouver via des campagnes d’affichage dans les magasins avec des QR codes. Quels résultats ? Pour Lush, les résultats de cette prise de position très forte ont été payants. “Sur le Noël qui a suivi notre retrait des réseaux sociaux, nous avons continué à enregistrer une forte progression des ventes. De manière générale, cela nous a poussés à challenger nos propres canaux, à commencer par notre site internet. Les retours de notre communauté ont été très positifs, ils ont compris notre démarche. Mais je crois que la clé de tout cela est la cohérence entre nos actions et notre discours”, analyse Chloé Chazot. Pour Swile, la stratégie d’influence s’est aussi avérée gagnante puisqu’en 4 mois, la marque a réussi à toucher 2,5 millions d’utilisateurs. Sur une communauté de 6,5K abonnés sur Instagram, l’entreprise a multiplié par 75 son reach. Toutefois, il existe bien entendu une porosité entre les stratégies déployées et les réseaux sociaux. Un point souligné par Ambre Frandsen : “par exemple, Yvon Chouinard, le PDG de Patagonia a communiqué sur le transfert des parts de sa famille à un fond fiduciaire et une ONG pour lutter plus encore contre la crise écologique, sur Instagram”. Au final, pour de nombreuses marques, annoncer qu’elles quittent les réseaux sociaux relève davantage du coup de communication que d’une stratégie de long terme tant il est difficile de se couper d’une audience toujours importante. En revanche, il est évident que les usages doivent évoluer vers une communication beaucoup plus horizontale des marques. A ce titre, il sera intéressant de se pencher dans les prochains mois sur la solution Retail Média de Veepee qui va lancer sa communauté en France basée sur ses 23 millions de membres actifs et ses 4,5 millions de visiteurs uniques par jour sur son site. L’objectif ? Transformer ses clients engagés en ambassadeurs à travers un espace d’interaction et collaboration. A suivre ! Paulina Jonquères d’Oriola Social Media Club Besoin d’informations complémentaires ? 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