Jean-Marie Messier sur la convergence des médias, aux Rencontres de l’Udecam : verbatim

Le banquier d’affaires Jean-Marie Messier, ancien PDG de Vivendi Universal, s’exprimait sur la convergence des médias, soit le rapprochement entre les « tuyaux » et les contenus , qu’il défendait il y a quinze ans, et que Patrick Drahi veut aujourd’hui appliquer à la tête d’Altice.

« Il y a quinze ans, on me voyait comme un doux rêveur, alors qu’aujourd’hui le débat sur la convergence des médias est archaïque, car de nombreuses ruptures technologiques ont eu lieu. L’essence de la convergence, c’est l’ubiquité, qui est aujourd’hui devenue une réalité quotidienne : le consommateur lit, écoute et regarde ce qu’il veut, où il veut, sur tous ses écrans, à tout moment, y compris en décalé. »

Comment la convergence a pu se réaliser

« La vision était juste, mais pour qu’elle prenne forme, il a fallu attendre le développement des technologies, la créativité autour des réseaux sociaux, l’explosion de la R&D en matière de software et le génie d’un Steve Jobs pour offrir aux consommateurs une expérience simple, pas chère, et rapide à utiliser.

Quatre phénomènes alimentent la convergence : la généralisation du haut débit, avec le rapprochement des tuyaux (SFR et Numericable par exemple) ; le développement de l’usage des réseaux sociaux, qui s’accompagne d’un mode de consommation fondé sur le partage et l’usage plutôt que sur la possession ; l’explosion des datas ; et le cloud.

Dans le même temps, le monde des TMT (télécoms, médias et télécommunications, ndlr) a bougé, sans attendre Patrick Drahi : Verizon qui rachète AOL, ComCast qui acquiert NBCU, Vivendi met la main sur Dailymotion, Disney investit dans Vice.com… »

Les conséquences de la convergence

« Le contenu reste roi. Internet n’a pas tué le contenu, car l’exclusivité, le live, le premium sont valorisés dans l’expérience consommateur. Une nouvelle forme distribution est apparue, symbolisée par Uber ou Airbnb. Il y a une déstructuration complète de la distribution organisée. Par exemple, les câblo-opérateurs américains perdent 10 % de leurs abonnés par an.

Dans leur stratégie de contenus, les médias doivent suivre trois règles : s’adapter aux usages mobiles ; se digitaliser, à l’instar du New York Times, d’Axel Springer ou de La Tribune ; se rapprocher du monde des start-up. »

La stratégie de Vivendi

« Je me suis interdit pendant douze ans toutes critiques sur les décisions de Vivendi, et je continuerai sur cette ligne. Mais il y a eu un trou entre 2002 et 2014 dans la stratégie internet et la stratégie digitale. On est passé du rêve d’être en avance à une réalité d’être en retard. L’action de Vincent Bolloré, avec l’appui d’Arnaud de Puyfontaine, est excitante.

Vivendi a beaucoup de pistes à suivre pour rattraper son retard. Pour être bon comme producteur et diffuseur de contenu, il y avait des arbitrages à faire : se séparer de SFR était une bonne décision, car le silo tue. Intégrer plus fortement Canal+ dans Vivendi est aussi une bonne décision. Il peut consolider sa diffusion, aller concquérir de nouveaux territoires. Le groupe retrouve une vision et des moyens humains et financiers de la réussir. »