Accords avec Relaxnews et NewsCred : pourquoi et comment Publicis Groupe et Havas Media se dirigent vers les contenus

Publicis – Relaxnews : un accord gagnant – gagnant ?

L’annonce par le groupe Publicis, lundi 16 février, de la probable acquisition de Relaxnews n’est qu’une demi-surprise. D’un côté, Publicis multiplie les opérations de croissance externe depuis trois ans, de l’autre, l’agence de contenus fondée par les frères Doncieux cherchait depuis deux ans la façon d’acquérir une envergure mondiale et de se rapprocher des marques, les deux leviers identifiés pour son développement. Surtout, la transaction marque le début de l’intégration plus poussée de la l’utilisation industrielle de contenus dans la stratégie des agences médias. Publicis et Relaxnews sont donc entrés en négociations exclusives jusqu’au 31 mai en vue de l’acquisition de Relaxnews pour un montant d’environ 15 millions d’euros. Les négociations sont terminées et il s’agit maintenant de satisfaire aux conditions suspensives habituelles : rapport d’un expert financier sur l’équité financière de l’accord, attente de la clôture des comptes, respect de la Loi Hamon sur l’information aux salariés et possibilité de proposer une offre. « Le choix de Publicis est la conjonction de trois choses : l’évolution du marché qui tend vers l’alliance des marques et des contenus, le fait que Publicis ne soit pas totalement équipé pour y répondre mais montre une vraie volonté de transformation (notamment numérique) et enfin que notre modèle soit désormais applicable au niveau mondial grâce à une nouvelle plateforme liée aux données. Et puis Maurice Lévy a été très impliqué dans les discussions, ce qui est un gage supplémentaire sur la stratégie du groupe et l’importance de Relaxnews en son sein », explique Jérôme Doncieux, cofondateur de Relaxnews, interrogé par Satellinet. Selon nos informations, Relaxnews discutait depuis de nombreux mois avec différents acteurs, au profil différent mais tous de taille internationale, et avait mandaté la banque Rothschild pour organiser et gérer ces discussions. C’est finalement Publicis qui l’a emporté. Le groupe va créer Financière Relaxnews, filiale à 100 % de Publicis Groupe, pour acquérir un bloc d’actions de Relaxnews (côtée sur Alternext à Paris) représentant au moins 65 % de son capital, essentiellement auprès de Jérôme et Pierre Doncieux, et les fonds Habert Dassault Finances, Sigma Gestion, mais aussi Matthieu Pigasse. Le prix par action proposée est de 9,58 euros, ce qui valorise Relaxnews à environ 15 millions d’euros, soit une prime de 63 % par rapport au cours de clôture du 16 février. Le 17 février, l’action est passée de 5,86 euros à 9,24 euros. Relaxnews était entrée en bourse fin 2011 à 11,75 euros par action. Jérôme et Pierre Doncieux ainsi que Habert Dassault Finances vont immédiatement réinvestir au sein de Financière Relaxnews un bloc d’actions de Relaxnews représentant au moins 30 % du capital de la société, ce qui leur permettra de détenir environ 26 % du capital de Financière Relaxnews. Au terme de ces opérations, la société ne sera plus cotée.

Jérôme et Pierre Doncieux ainsi que Habert Dassault Finances vont demeurer au capital de Relaxnews

Les marques plutôt que les médias

Créée en 1998 par Jérôme et Pierre Doncieux, Relaxnews est une agence de contenus numériques spécialisée dans les loisirs et les tendances. Ses derniers résultats semestriels, publiés le 31 octobre 2014, sont marqués par une diminution de la perte nette de 98 000 euros sur un an, à 55 000 euros. La perte d’exploitation a également été réduite de 12 000 euros, à 556 000 euros au premier semestre 2014. Le chiffre d’affaires, lui, a progressé, passant de 4,1 millions à 4,5 millions d’euros. Composée de 100 personnes, la société compte plus de 200 clients, principalement des médias (Elle, L’Express, Les Echos, Prisma Media, Microsoft, Yahoo! aux Etats Unis, Globo au Brésil, etc.) mais aussi des marques comme Aéroports de Paris. La famille Doncieux estime que c’est du côté des marques que se trouve désormais son levier de développement principal. Son rapprochement avec Publicis va en ce sens. « Nous avons interrogé nos clients ces dernières semaines : tous se sont dits très contents de l’apport que cet accord peut leur apporter au niveau mondial. C’est aussi le cas de l’AFP, notre partenaire stratégique avec qui nous produisons un fil de contenus au niveau mondial depuis 2009 (le fil d’informations ‘’AFP-Relaxnews’’), prolongé depuis, et qui repose sur un partage de revenus après la mise à disposition mutuelle de contenus éditoriaux, de moyens commerciaux et de technologies. Ce partenariat va être amplifié », souligne Pierre Doncieux. Pour rassurer les clients médias de la société sur la non-intervention des marques dans la production des contenus, Relaxnews crée d’ailleurs le poste de « déontogue », confié à Denis Jeambar, ancien directeur de L’Express, qui est en charge d’un « audit des pratiques internes actuelles » et de de s’assurer de leur respect dans le futur ». Pour Publicis, cette acquisition marque à la fois la poursuite de la transformation numérique du groupe et un mouvement stratégique vers les contenus, qui prennent de plus en plus de place dans les stratégies de communication des marques. Le rapprochement avec Relaxnews va permettre « de marier notre leadership dans le numérique avec leur expertise unique dans cette nouvelle révolution des contenus. Les synergies entre ces deux piliers transformeraient les plateformes médias au service de nos clients » explique ainsi Sébastien Danet, global managing Partner du réseau ZenithOptimedia, à qui Jérôme et Pierre Doncieux reporteront. Outre l’utilisation du fil AFP-Relaxnews, Publicis va ainsi mettre à disposition de ses marques clientes la nouvelle solution globale de l’agence de contenu, baptisée « Relax content manager », qui propose une veille sur les tendances qui émergent en ligne (grâce à un outil baptisé « Radar ») et celles qui vont faire l’actualité. Cette plateforme a été développée avec la start-up Trendsboard, cofondée par Benoît Raphaël. L’idée est d’associer cette expertise sur les données aux contenus du fil d’actualité pour offrir des solutions complètes et clé en main. Trendsboard et l’AFP percevront alors une partie des revenus générés auprès des marques. En mai dernier, avant cette opération mais avec ces offres déjà en cours de mise en place, Jérôme Doncieux indiquait viser un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros en 2016, contre 9,2 millions en 2013.

Havas Media choisit l’option du partenariat avec le fournisseur de logiciel NewsCred

Pour répondre à l’annonce de Publicis, Havas Media a également annoncé, mardi 17 février, sa propre opération. Il ne s’agit pas d’une acquisition mais d’un partenariat commercial stratégique au niveau mondial avec NewsCred. Cette société de marketing de contenus en ligne, composée de 210 personnes et basée à New York, a été fondée en 2010 par son président fondateur, Shafqat Islam. La société propose aux entreprises et aux marques un logiciel pour gérer leurs publications de contenus sur tous les canaux numériques dans le cadre de campagnes de communication. « La publicité à ses limites. Il faut également des contenus originaux, différents. Et leur utilisation et leur diffusion sont très importantes. Tous ces éléments sont réunis par NewsCred. Cela fait deux ans et demi que je suis la progression de cette société. C’est l’une des trois grandes plateformes mondiales de content marketing avec Percolate et Contently. Ces outils d’automatisation de contenus vont être de plus en plus importants dans l’univers de la communication. Le logiciel de NewsCred permet de trouver des contenus originaux, de les mettre en forme, les valider et les traduire puis de les publier sur les bons canaux numériques. C’est le futur de la communication », souligne Dominique Delport, global managing director de Havas Media Group, interrogé par Satellinet. Les marques clientes de NewsCred, parmi lesquelles figurent Procter & Gamble, Sprint, Xerox, Visa, Bank of America, AIG, Hearst Corporation, Time Inc… souscrivent des licences pour exploiter les contenus fournis par des éditeurs comme New York Times, Reuters, The Economist, Bloomberg, Gizmodo, TheNextWeb, AP, Al Jazeera, BBC, et, en France, Les Echos et l’AFP, mais aussi des plateformes de vidéos et de photographies comme Shutterstock et Getty Images. Le nom du média éditeur demeure sur le contenu diffusé. NewsCred propose également du contenu sur mesure pour les marques via son propre pôle de rédacteurs baptisé « Newsroom ». Pour ces contenus sur mesure, un post de blog peut atteindre 500 dollars et un long article 1 000 dollars, selon son fondateur. 1,2 million de contenus seraient disponibles.

NewsCred propose également du contenu sur mesure dont les marques peuvent optimiser la distribtion par la data

Havas va apporter son expertise liée aux données

Dans la pratique, cet accord étend et industrialise un partenariat déjà en place avec Havas. Havas commercialise le service de NewsCred dans une logique de conseil et d’implémentation pour ses marques clientes, sur la base d’un forfait annuel auquel s’ajoute des revenus mensuels. Selon nos informations, deux briefs viennent déjà d’être remportés par les deux partenaires, l’un pour un annonceur du secteur informatique, l’autre pour une entreprise de services aux entreprises et collectivités publiques. Depuis sa création, NewsCred a levé près de 50 millions de dollars en trois tours de table, auprès notamment de InterWest Partners, Mayfield Fund, FirstMark Capital et IA Ventures. De la même façon que Relaxnews a ajouté une brique data à son offre de contenus, NewsCred associe les données et la recommandation à la production de contenus : la société propose aux marques des outils d’analyse et de collecte pour trouver le contenu le plus adapté à leurs besoins éditoriaux, de quelle façon il faudra le proposer et comment le pousser auprès des bonnes cibles. Pour enrichir encore cette personnalisation, l’accord avec Havas Media Groupe prévoit que Socialyse, « pure player » mondial de Havas dédié aux réseaux sociaux, soit intégré à l’outil utilisé par NewsCred afin d’améliorer la pertinence des campagnes sur les médias sociaux. Par ailleurs, les différentes « social newsrooms » de Havas, ses pôles de rédacteurs situés à Paris, Londres et New York, sont en passe d’être connectées aux plateformes de NewsCred. Précurseurs dans le rapprochement avec des fournisseurs de coutenus automatisés, Havas et Publicis devraient être rapidement imités parmi les agences tant les besoins des marques en contenus sont grands.