Accueil > Médias & Audiovisuel > Transformation & Innovations > Agences médias : comment le numérique impacte les organisations pour l’achat média Agences médias : comment le numérique impacte les organisations pour l’achat média L’évolution du marché de la publicité en ligne s’accélère : la part du programmatique doit bientôt atteindre 30 % des investissements médias, la vidéo affiche une croissance de 38 % et les campagnes cross-média se généralisent, tandis que les régies font évoluer leurs offres commerciales et leurs formats publicitaires. En parallèle, les agences médias doivent acquérir et proposer à leurs clients annonceurs davantage de flexibilité et d’expertises. L’ensemble des grandes agences sont passées pour cela par une réorganisation et la fin des silos traditionnels par support. Comment ont-elles intégré le digital et ses constantes évolutions dans l’achat média ? Quels nouveaux pôles ont été créés au sein des agences ? Comment créer et fluidifier les relations et la communication et créer des synergies entre les services, parfois nombreux ? GroupM, Havas Media, Dentsu Aegis Network et Starcom Mediavest Group détaillent à Satellinet leur organisation liée au mediaplanning, la préparation qu’elle a nécessitée et en font un premier bilan. Par . Publié le 13 novembre 2015 à 17h22 - Mis à jour le 13 novembre 2015 à 17h22 Ressources Cela ressemble à un passage obligé pour les agences médias. Toutes ont mis en place ces deux dernières années une réorganisation complète de leurs équipes pour mieux répondre aux exigences des annonceurs, aux KPI toujours plus précis et surtout aux nouvelles expertises que demandent le digital et ses cycles d’innovations. «Les régies se réorganisent, les annonceurs font également face à beaucoup de questionnements sur leurs propres organisations, et il en est de même pour nous, agences conseil, qui devons faire preuve d’encore plus d’agilité sur ces sujets afin d’embrasser la problématique et agir en tant que vrais conseils auprès de nos clients » résume Alexandra Chabanne, co-présidente de GroupM Connect, l’entité « transverse » dédiée au digital de GroupM France. L’objectif de ces réorganisations profondes : intégrer le numérique, et notamment la data, au sein de tous les départements, mieux s’adapter au cross-média et aux modes d’achat programmatiques, et enfin former l’ensemble des équipes aux nouveaux enjeux de l’achat média. Pour cela, la première étape consiste à casser les silos traditionnels qui plaçaient les expertises TV, radio, presse, affichage et digital dans des départements séparés. « C’est le nerf de la guerre : le marché évolue extrêmement rapidement, nous sommes dans des processus en évolution quasipermanente, notamment avec la progression du programmatique », explique Benjamin Grange, directeur général délégué de Dentsu Aegis Network France. “L’organisation est le nerf de la guerre : nous sommes dans des processus en évolution quasipermanente” Benjamin Grange, Dentsu Aegis Network France Dentsu regroupe les équipes média de ses agences Le groupe est l’un des premiers à avoir amorcé ce mouvement. Il a commencé son processus de réorganisation fin 2012. Après cinq mois de réflexion, sur la base de groupes de travail de 40 collaborateurs – parmi lesquels l’ensemble des directeurs de pôle -, Dentsu Aegis a commencé la mise en oeuvre d’une nouvelle organisation, opérationnelle en octobre 2013. Baptisée Amplifi, cette nouvelle entité réunit les équipes médias des agences Carat et Vizeum. Elle repose sur quatre pôles : un pôle multiscren qui regroupe télévision, TV de rattrapage, vidéo, cinéma, etc., – il représente la plus grande partie d’Amplifi, avec 70 personnes en son sein-, le pôle publishing qui comprend l’ensemble du display dans un contexte éditeur et la partie presse, le pôle proximity où sont placés la radio, la radio numérique, l’affichage et l’affichage digital, et enfin le pôle story lab, incluant les contenus et les opérations spéciales. Le programmatique n’a pas été intégré à Amplifi, mais dépend d’Amnet, le trading desk de Dentsu Aegis. Ces changements ont concerné environ 150 personnes. « Depuis deux ans, l’organisation est stable mais nous apportons tous les trois mois un mouvement d’amélioration continu », précise Benjamin Grange, directeur général délégué de Dentsu Aegis. Pour faire le lien entre les quatre départements, Dentsu compte sur les consultants de ses deux agences, ainsi que des collaborateurs en interne dans les pôles. « ce sont des profils qui servent de relais et permettent de faire le lien entre les différentes expertises », détaille Benjamin Grange. GroupM distingue les expertises digitales « matures » et « non matures » Chez GroupM, la réorganisation est plus récente et date de juin 2015. À l’occasion de son déménagement, le groupe a réparti équitablement une partie des équipes digitales (environ 200 personnes) au sein de ses quatre agences : Mindshare, MEC, Mediacom, et KR/Maxus. Il s’agit des expertises considérées comme matures : le display, le search et le tracking. Tandis que les expertises « non matures » sont restées regroupées au sein de GroupM Connect, entité transverse et dédiée au digital du groupe. Il s’agit des compétences en programmatique (regroupées au sein de la programmatic business unit), en performance marketing (l’entité est baptisée Quisma), en mobile (Joule) et le search marketing (Quiyad, société spécialisée rachetée par groupM en septembre 2014). « Ce sont des expertises non matures dans le sens où le marché auquel elles sont associées n’est soit pas suffisamment structuré, soit pas suffisamment normé/ outillé. Les courbes d’expériences sont encore en train de se construire sur ces métiers, d’où ce besoin de verticalité. Chaque entité rassemble environ une quinzaine de personnes, le but étant à terme de les réintégrer à nos agences lorsqu’elles auront atteint une taille critique suffisante et dès lors que le marché se sera assaini. Nous sommes amenés à repenser nos organisations tous les six mois, ce que nous ferons très certainement de nouveau début 2016 », indique Alexandra Chabanne. GroupM Connect accueille également des « champions d’expertise » pour chacune des compétences « matures » (display, search et tracking). Ces « ultra-seniors » sont des patrons métiers, regroupés physiquement au même endroit, qui viennent en soutien à toutes les agences et sont chargés de faire le lien avec les différentes équipes d’expertise. Cela passe notamment par des réunions régulières avec les équipes réparties dans les quatre agences. Le « champion » intervient également au début du brief. « Par exemple, pour le lancement d’un plan vidéo, notre champion display négocie en amont toutes les grilles achat avec les partenaires médias de manière à structurer l’approche groupe. Ensuite, l’intelligence du mediaplanning et son exécution sont complètement opérées par les videoplanners de l’agence », explique Alexandra Chabanne. “Nous sommes amenés à repenser nos organisations tous les six mois” Alexandra Chabanne (GroupM Connect Havas compte sur ses connexion managers Chez Havas, on ne parle pas de « champions », mais de « connexion manager ». Ils sont apparus lors de la nouvelle organisation mise en place en janvier 2015. Celle-ci a abouti à la création de cinq départements (qui ont remplacé les traditionnels silos) : le département vidéo, qui regroupe la télévision et les extensions vidéo digitales, le département audio (radio et extensions digitales audio), le pôle Publishing (presse et display), le département Out Of Home (affichage), et enfin le département Search. En parallèle, neuf « connexion manager », des « super experts digitaux », travaillent en binôme avec des data analyst et sont affectés à des clients. Ces 18 personnes sont regroupées physiquement au même endroit. Ils apportent une vision digitale transversale, élaborent la stratégie aux côtés des équipes conseils (une centaine de personnes) et « transforment la problématique client en solution mediaplanning digitalisée », explique Régine Tournier, codirectrice expertise et trading media chez Havas Media aux côtés de Stéphanie Robelus, avec qui elle a géré cette réorganisation. Enfin, cinq pôles de « spécialités pures digitales » sont séparées des départements : le programmatique, le social, le mobile, la performance et la géolocalisation. Ces cinq spécialités représentent environ 80 personnes. « Cette organisation correspond à notre volonté d’intégrer le digital et la data au coeur de l’organisation des équipes conseil et experts, ce que nous avons appelé le projet DDOG : Data Driven Organic Group. En 2008, nous avions déjà été les premiers en France à intégrer les achats on & off au sein d’un management commun, avec des outils et process identiques », explique Régine Tournier. Starcom en mode « projet » Il a fallu un an et demi à Starcom pour mettre en place une nouvelle organisation. Le mediaplanning de l’agence est aujourd’hui organisé en six pôles : le pôle multi-screen, qui comprend la télévision et la partie vidéo ; les pôles radio 2.0, presse 2.0 et affichage 2.0 qui achètent chacun leur média et leurs déclinaisons digitales ; le département precision marketing, qui regroupe display et programmatique ; le pôle SEA (paid search) ; et enfin le pôle social, qui comprend l’ensemble des plateformes social media. 70 personnes au total travaillent au sein de ces équipes, la majorité est spécialisée dans le digital. Parallèlement, une équipe d’une cinquantaine d’« architectes » composent l’équipe conseil et jouent le rôle de « chef d’orchestre » entre les différents départements. Ce plan de réorganisation, baptisé NGR, pour Next Generation Ready, est un projet de longue haleine. « Il a fallu six mois de préparation, avec notamment l’organisation de groupes de travail collaboratifs, pour conceptualiser la nouvelle organisation, puis un an de mise en place des changements structurants. Cela fait environ trois mois que nous sommes entrés dans une phase d’optimisation, où l’on s’adapte quasiment constamment aux évolutions du marché. Il faut du temps pour changer une culture d’entreprise : il fallait que nos équipes passent en mode « projet » , qui est de plus en plus caractéristique de nos organisations.», explique Raphaël Grandemange, directeur général de Starcom Mediavest Group (SMG). Préparation humaine Ces réorganisations radicales ne se font pas sans préparation et notamment auprès des salariés. Chez GroupM, la nouvelle organisation a été pensée près de six mois en amont. « Nous voulons insuffler une dynamique collective qui favorise la mobilité des employés, interexpertise, inter- agence. Le nouvel immeuble dans lequel nous venons d’emménager en est l’illustration puisqu’il a été pensé sans cloisons, sans coutures, afin de favoriser cet esprit de mobilité et de partage. Des notions de bureau sharing, de télé-travail commencent d’ailleurs à être implémentées dans chacune des agences. Nous voulons favoriser cette agilité et insuffler cet état d’esprit aux collaborateurs afin qu’ils commencent à appréhender leur travail davantage comme une mission, plutôt que comme un statut définitif. Nous y allons tout doucement mais cela correspond mieux à la réalité et aux enjeux liés de nos métiers », détaille Alexandra Chabanne. Au sein d’Havas Media également, la réorganisation s’est concrétisée par l’abattement des cloisons. « Nous voulons que les modes de communication soient plus fluides et réactifs. Par exemple, nous avons mis en place un grand open space pour réunir tout le management opérationnel (partners en charge des comptes, manager expertise…). Notre philosophie depuis le 1er janvier : plus aucune porte, des espaces ouverts, beaucoup de petites salles de réunion », explique Régine Tournier. La nouvelle organisation a été pensée à l’été 2014, déployée dès octobre et mise en place officiellement en janvier 2015. Les derniers ajustements ont eu lieu lors du premier semestre. « Et nous ajustons tous les jours notre organisation pour s’adapter à la vitesse d’évolution du numérique », indique Régine Tournier. La nécessité d’outils collaboratifs Starcom a pour sa part énormément misé sur la formation des salariés : son budget consacré à ce poste a quadruplé en 2015 par rapport à une année standard. Un plan de communication interne a aussi été déployé pendant plusieurs mois. « Pour ne pas tomber dans la ‘’réunionite aiguë’’, nous avons renforcé l’utilisation d’outils collaboratifs, notamment Yammer, un réseau social pour les professionnels. Notre système intranet SMG Source permet aussi de communiquer avec les 8 000 collaborateurs de SMG à travers le monde. Plus spécifiquement, pour mieux collaborer sur un compte client, nous avons par exemple mis en place des systèmes de dashboarding, appelés Connected Intelligence chez SMG, qui unifient l’ensemble des points de collecte de données et permet une exploitation plus simple grâce à des outils de data visualisations », détaille Raphaël Grandemange, directeur général de SMG. Chez Dentsu, c’est justement l’implémentation des outils de système d’information qui a pris le plus de temps. « Nous avons mis en place des espaces partagés, automatisé au maximum les relations avec le tracking et nos partenaires médias, standardisé les gabarits de brief… Tout cela a permis de gagner du temps en qualité et en perfection mais demande un investissement initial important », indique Benjamin Grange. La phase de conception de l’organisation a été longue, environ quatre mois « il faut accepter de prendre du temps pour que tout le monde partage et contribue au schéma cible, et ainsi gagner du temps en implémentation plus tard ». Presque deux ans plus tard, Benjamin Grande tire un premier bilan : « Nous sommes copiés par la concurrence, signe que nous étions probablement un peu visionnaires avec cette nouvelle organisation. » Raphaël Grandemange, de SMG, souligne que le principal enseignement positif est que « nous avons une efficacité plus forte dans nos dispositifs, ainsi qu’une meilleure cohésion des plans : il y a moins de travail d’allers-retours avec les clients, on touche plus vite juste. ». Du côté d’Havas Media, Régine Tournier relève que l’organisation « a donné du sens à certaines expertises et installé une très bonne dynamique dans l’agence. Nous continuons d’ajuster notre organisation tous les jours, mais le préalable est que les collaborateurs aient envie de s’inscrire dans cette démarche collective et de mettre en place ces intégrations. ». L’étape suivante sera de répliquer ce mode d’organisation dans les agences étrangères d’Havas. S’il est un peu tôt pour faire un bilan de l’organisation chez GroupM, Alexandra Chabanne est convaincue que la structuration est nécessaire : « Il y a un turnover important dans les équipes digitales. Nous avons donc plus que jamais besoin de créer des organisations agiles et attractives pour y faire face », explique-t-elle. La suite : une restructuration au sein des agences qui composent GroupM. Mediaplanning Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Entretiens Anne-Sophie Cruque (Starcom MediaVest Group) : “Le marché français n’est pas en retard sur la question de la visibilité publicitaire” Entretiens Pierre Conte (GroupM France) : « La digitalisation du lien commercial entre les agences médias et les régies est inéluctable » essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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