Accueil > Médias & Audiovisuel > Abonnements en ligne > Altice en passe d’acquérir Molotov : quelle est sa place dans l’univers OTT ? Altice en passe d’acquérir Molotov : quelle est sa place dans l’univers OTT ? L’opérateur télécom se renforce dans la distribution vidéo et OTT et peut envisager des synergies de contenus, techniques, commerciales et publicitaires. Si les chiffres d’usages de la plateforme sont en phase avec ceux de ses concurrents, Molotov n’a pas encore trouvé de modèle économique. Nous avons comparé son utilisation en France avec celles d’autres services vidéo et OTT, via l’outil de mesure de notre partenaire Ogury. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 05 février 2019 à 11h06 - Mis à jour le 05 février 2019 à 11h06 Ressources Molotov, qui propose une plateforme d’agrégation de contenus télévisuels accessibles en direct et en replay, était ces derniers mois à la recherche d’un appui extérieur pour donner un nouveau souffle à son projet. La trentaine de millions d’euros levés depuis la création de la société en 2013 – notamment auprès des fondateurs Jean-David Blanc, Pierre Lescure, Jean-Marc Denoual, mais aussi Idinvest, Orefi (Jacques-Antoine Granjon), Jaïna Capital (Marc Simoncini), Sky, TDF, etc. – ont été en large partie utilisés au développement technique et produit (avec plus d’une soixantaine de salariés) et au versement des rémunérations aux chaînes distribuées sur sa plateforme. Altice : un nouveau rôle de distributeur vidéo La structure tentait depuis début 2018 de lever une nouvelle fois des fonds, Jean-David Blanc, son principal fondateur, avait indiqué en mars à BFM TV chercher “jusqu’à 50 millions d’euros”. Des discussions infructueuses ont eu lieu auprès d’acteurs institutionnels et différents goupes industriels, France Télévisions, TF1 et Orange, notamment. C’est finalement Altice / SFR qui a annoncé mercredi 30 janvier avoir entamé des négociations exclusives pour son entrée majoritaire au capital de Molotov, via une augmentation de capital – souscrite également par les actionnaires déjà présents. Le groupe télécom et média (SFR, Libération, L’Express, RMC, BFM TV, Teads, SFR Presse…) va acquérir 60 % du capital, selon Le Monde. Pour cela, il va injecter “quelques millions d’euros” en cash, selon les propos de Jean-David Blanc aux Echos, l’opération incluant une valorisation des synergies et des contenus qui seront apportés à Molotov – sans doute dans une large proportion. De nombreuses synergies et apports respectifs possibles Car l’objectif d’Altice est bien d’ajouter une brique dans sa stratégie de convergence entre contenus, publicité et capacités de distribution. Le groupe de Patrick Drahi a annoncé dès mercredi 6 février l’intégration de son bouquet payant RMC Sport dans Molotov (19 euros par mois) et vouloir faire de même avec la chaîne TV Altice Studio. Autres synergies envisagées : l’intégration de Molotov dans RED by SFR, l’offre mobile low-cost de SFR – dont les quelques millions d’abonnés sont très connectés -, ou avec Teads, dont les formats publicitaires (display, outstream) pourraient être intégrés au sein de la plateforme. Enfin se posera rapidement l’intérêt de maintenir disctincte son offre SVOD, SFR Play, qui peine à émerger dans un secteur très concurrentiel. Altice veut accélérer le développement de Molotov en France et à l’international. Il se heurtera peut-être à l’hostilité de certains groupes audiovisuels. Molotov s’est en effet vu interdire d’appliquer certaines fonctions payantes par quelques chaînes (l’enregistrement des programmes de TF1) ou de les distribuer gratuitement aux internautes (par M6). Au printemps 2018, l’affaire a été médiatisée par Molotov (plus de détails sur Nextimpact). D’ailleurs, Altice lui-même avait déclenché un contentieux avec la plateforme fin octobre pour lui interdire de donner la possibilité aux utilisateurs d’enregistrer les programmes TV de ses chaînes TV (plus de détails sur Nextinpact). Molotov : un modèle économique à trouver Molotov conservera sa marque et sa stratégie d’ouverture à tous les éditeurs. Rappelons que la structure propose une application à télécharger sur ordinateur, mobile, tablette et TV connectée, qui agrège des chaînes TV avec une navigation par chaînes ou contenus. Son modèle est freemium : le visionnage standard est gratuit, des services supplémentaires sont payants à 3,99 euros par mois (enregistrement des contenus, qualité HD…), ainsi que l’abonnement à des packs de chaînes TV payantes (OCS d’Orange, Ciné+ de Canal+…) commercialisés de 11 à 20 euros mensuels. Molotov est peu dissert sur les chiffres. La société a toujours refusé de dévoiler ses résultats financiers et le nombre d’abonnés payants. Elle a en revanche indiqué – avant l’opération avec Altice – que sa rentabilité a été repoussée après 2021. Fin 2016, ses pertes cumulées s’élevaient déjà à 15 millions d’euros, indiquait en juillet Les Echos. La structure reste également vague sur les usages de sa plateforme. En décembre, elle communiquait sur “sept millions d’utilisateurs”, dont trois millions acquis en 2018, sans préciser ce dont il s’agit ici : des usagers mensuels ? Ou simplement des personnes ayant ouvert un compte, sans nécessairement l’utiliser ? Sollicité par mind Media, Altice n’a pas répondu. Une indication : la direction de Molotov indiquait ces derniers mois qu’entre 40 et 50 % de ces utilisateurs sont “réguliers”. La plateforme semble en effet avoir convaincu un nombre d’utilisateurs suffisament important pour la situer, sur certains métriques de consommation, devant les offres des groupes TV (voir notre étude comparative ci-dessous). MOLOTOV : QUELS USAGES EN FRANCE ? mind Media présente quelques chiffres d’usages de Molotov et les compare avec ceux d’autres services vidéo et OTT, via l’outil de mesure de notre partenaire Ogury. Pour tenter de cerner l’usage du service vidéo de Molotov et le mettre en perspectives avec les services d’autres acteurs de l’écosystème vidéo en streaming ou en VOD, mind Media s’est appuyé sur l’outil de tracking Active Insigths d’Ogury, société technologique française spécialisée en marketing sur mobile. Cet outil ne permet de mesurer que les terminaux mobiles et tablettes sous Android (sont donc exclus de notre étude l’ordinateur et la télévision, ainsi que l’environnement iOS), mais ce périmètre nous semble suffisamment important et représentatif pour permettre d’avoir une vision comparative des usages de différents services. Nous avons donc comparé différents métriques d’usages au deuxième semestre 2018 en France de l’application Molotov sur les terminaux mobiles et tablettes Android avec celles d’autres services vidéo OTT et VOD, en considérant que si leurs modèles diffèrent, tous sont concurrents pour capter l’attention de l’utilisateur par des contenus vidéo digitaux de longue durée : Netflix, Amazon Prime Video, OCS (Orange), SFR Play, MYTF1, 6Play et France.tv. Selon l’outil de mesure d’Ogury, Molotov semble avoir trouvé son public, avec des usages réguliers. L’application de Molotov est installée sur 7 % des terminaux mobiles et tablettes Android en France (graphique 1), elle est utilisée au moins une fois par semaine par 20 à 35 % des utilisateurs l’ayant téléchargé (graphique 2). Mais un utilisateur actif lors des sept derniers jours y passe en moyenne moins de temps que les utilisateurs d’autres services (graphique 3). Jean-Michel De Marchi Evolution du taux d’installation des applications OTT / VOD sur les mobiles et tablettes Android durant le 2e semestre 2018 Source : Ogury. Périmètre France. 2e semestre 2018 Taux d’installation de l’application sur les terminaux mobiles et tablettes Android au 31 décembre 2018 : Evolution du taux d’utilisation hebdomadaire des applications OTT / VOD sur les mobiles et tablettes Android durant le 2e semestre 2018 * FilmoTV n’a pu être mesuré Utilisation de l’application au moins une fois lors des 7 derniers jours par les utilisateurs l’ayant téléchargé sur un mobile ou tablette Android. Source : Ogury. Périmètre France. 2e semestre 2018 Taux d’utilisation de l’application installée au moins une fois par semaine au 31 décembre 2018 : Evolution du temps passé moyen hebdomadaire sur les applications OTT / VOD sur les mobiles et tablettes Android durant le 2e semestre 2018 Evolution du temps moyen passé (en heures) par utilisateur de l’application lors des 7 derniers jours, sur mobile et tablette Android, au 2e semestre 2018. Source : Ogury. Périmètre France. 2e semestre 2018 * Amazon Prime Video, OCS, SFR Play et FilmoTV n’ont pu être mesurés. Molotov s’est installé dans le paysage OTT Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ces trois graphiques. D’abord – ce n’est pas une surprise -, la place prépondante prise par Netflix au sein des usages vidéo et OTT en France, loin devant les autres acteurs, tandis qu’Amazon Prime Video semble avoir un potentiel important : l’application est certes relativement peu installée (chez 3% d’utilisateurs d’un OS Android fin 2018), mais le taux d’utilisation de l’application une fois installée est très élévé. Deuxièmement, les offres vidéo en ligne des groupes médias audiovisuels traditionnels (surtout TF1, M6 et France Télévisions…) comme les services de SVOD français (SFR Play, OCS…) n’ont pas véritablement réussi à émerger ces dernières années, sauf peut-être celle de Canal+. Un constat : Molotov fait souvent jeu égal avec les acteurs français de l’audiovisuel concernant l’installation des applications et son taux d’utilisation ensuite, voire les dépasse. “Ce qui est frappant, ce sont les difficultés qu’éprouvent les groupes audiovisuels à séduire massivement le public avec leurs offres vidéo. Ils sont très en retard sur les usages. Molotov s’est lancé bien après eux mais a déjà réussi à s’inscrire dans la consommation vidéo OTT en France et à fidéliser une partie non négligeable d’utilisateurs autour de son offre”, confirme Christophe Bize, chief insights Officer d’Ogury, interrogé par mind Media. C’est dans le temps moyen passé sur le contenu vidéo que Molotov peut progresser : ses utilisateurs viennent y regarder un programme spécifique puis repartent. La capacité à fédérer en ligne dans la durée de large audiences sur des contenus vidéo grand public, sportifs, événementiels, ou exclusifs est encore l’atout des groupes télévisuels et de Netflix. Ce sera l’un des défis pour Altice, qui s’apprête donc à acquérir un service d’agrégation de contenus audiovisuels dont l’expérience utilisateur est de qualité, la technologie robuste, et qui a séduit un réel socle d’utilisateurs. L’opérateur sera confronté à plusieurs enjeux désormais : développer les contenus, notamment en convainquant les chaînes et producteurs audiovisuels de devenir de vrais partenaires de diffusion de leurs contenus voire de business, accélérer l’acquisition clients, et enfin trouver un modèle économique pérenne. Jean-Michel De Marchi OTTStreaming vidéoSVOD Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire OTT : Molotov revendique 500 000 utilisateurs quotidiens Molotov : 35 ans de moyenne d'âge pour ses utilisateurs Molotov.TV lève 22 millions d’euros et fait entrer Sky et TDF à son capital Molotov.TV veut révolutionner la télévision en ligne essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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