BFM Paris utilise des smartphones pour ses reportages : pour quels résultats ?

Retour d’expérience. La chaîne du groupe NextRadioTV née en novembre 2016 a fait le choix de réaliser tous ses tournages à l’extérieur avec des iPhones. Alexis Delahousse, directeur des rédactions de BFM Paris, explique à mind les avantages de ce mode de tournage, qui ne sont pas seulement économiques, mais aussi ses limites.

Objectifs

“L’enjeu initial était de créer une chaîne d’information en continu avec un budget réduit – un peu moins de six millions d’euros au total – et 37 CDI, mais qui ait une vraie identité marquée par l’innovation et le progrès. Les iPhones répondaient à ce double objectif. C’est un outil souple et moins cher qu’une caméra de télévision, d’autant qu’ils ne demandent pas d’avoir des techniciens consacrés à plein temps à leur maintenance. Nous sommes assez fiers d’être la première chaîne française qui utilise exclusivement des smartphones pour tourner ses sujets.”

Dispositif

“Nous avons acheté 20 kits de tournage (10 pour nos journalistes titulaires et 10 pour nos pigistes), qui se composent chacun d’un iPhone 7, d’un pied classique, d’un pied léger en bois qui stabilise le téléphone et peut également être utilisé comme un volant à deux mains pour filmer en mouvement, d’un boitier-son associé à un micro HF, d’un système d’éclairage LED, d’un boîtier permettant d’améliorer la transmission par carte sim sur les réseaux 3G et 4G et d’une coque. (Selon les estimations, chaque kit coûte moins de 2000 euros, ndlr). Le tout tient dans un sac à dos. Avec ce matériel, nos reporters peuvent filmer facilement, y compris en direct en commentant les images, et réaliser des duplex seuls, après un mois et demi de formation. Avant d’être formés, certains étaient déjà JRI, d’autres journalistes rédacteurs en TV et certains venaient de la radio.

Pour filmer, l’iPhone est équipé de trois applications payantes indispensables au journalisme mobile : une pour le son, Mediarecorder et deux applications concurrentes pour le tournage, Dejero et Aviwest.”

Résultats

“La qualité est à la hauteur de nos attentes et nous utilisons cet outil pour tous nos tournages à l’extérieur, le journaliste est la plupart du temps seul, sauf quand on sait que le tournage sera tendu, comme dans une manifestation qui risque d’être agitée. Nous nous en servons pour réaliser des directs sur Facebook, mais cela reste rare. La plupart du temps, les journalistes envoient leurs images à la rédaction, de façon classique. Cet outil léger et souple a plusieurs avantages. D’abord, le rapport avec les gens est facilité : le simple intermédiaire du smartphone crée de la proximité et même de la sympathie. Son aspect discret et immersif permet également de mieux montrer ce qui se passe, d’avancer au milieu de la foule, sans faire face aux mêmes demandes d’autorisation que l’on doit faire avec une grosse caméra. Nous avons aussi observé qu’il est plus facile de faire des compléments de tournage : si un journaliste souhaite faire une image en rentrant chez lui pour illustrer un reportage, il n’a qu’à filmer avec son téléphone personnel.

Mais il y a aussi quelques limites à cet outil : il n’est pas adapté pour filmer un meeting ou du sport, le zoom est déconseillé car beaucoup plus brutal qu’avec une caméra classique, la lumière est parfois compliquée à maîtriser pour les novices et, pour les directs, il faut une très bonne réception 3G/4G. L’autre problème qui se pose est le système de mises à jour automatiques de l’iPhone… le journaliste n’a parfois pas le choix d’attendre qu’elle soit terminée avant de travailler.”

Et après ?

“Nous allons continuer à n’utiliser que ce mode de tournage, qui est devenu le marqueur de notre identité. Les outils du journalisme mobile changent tout le temps et nous évaluons l’opportunité d’utiliser de nouvelles applications spécialisées dans le tournage sur iPhone comme City-Producer.

BFMTV utilise également des iPhones, surtout pour ses correspondants à l’étranger, mais les limites de l’outil font qu’il serait difficile pour une chaîne d’information nationale de n’utiliser que ce mode de tournage”.

Propos recueillis par Marion-Jeanne Lefebvre