Accueil > Médias & Audiovisuel > Transformation & Innovations > Ce que Les Echos a appris de ses tests anti-adblocking Ce que Les Echos a appris de ses tests anti-adblocking L’ensemble des éditeurs tentent d’analyser l’adblocking sur leurs sites et testent différents dispositifs pour lutter contre. Les Echos a mis en place plusieurs tests A/B entre février et juin 2016, avant de choisir sa stratégie. Béatrice Lhopitallier, directrice data et directrice marketing régie au Groupe Les Echos, explique pour mind comment le groupe a travaillé, les résultats obtenus et les enseignements tirés : usages et comportement des utilisateurs, sources entrantes, fixe vs mobile, etc. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 25 novembre 2016 à 16h38 - Mis à jour le 25 novembre 2016 à 16h38 Ressources Les enjeux Béatrice Lhopitallier (Groupe Les Echos) : “L’adblocking est un sujet latent qui montait depuis 2013-2014 et qui menaçait déjà les revenus publicitaires des éditeurs, mais on ne savait pas le quantifier. L’évolution s’est produite à la rentrée 2015, en septembre-octobre : on s’est interrogé, au sein du groupe sur la stratégie et les moyens de répondre. La problématique initiale était de mesurer le plus précisément et le plus finement possible l’ad‑ blocking sur nos supports digitaux. Nous l’avons fait entre octobre 2015 et janvier 2016, en posant un pixel intégrant un contenu invisible pour l’internaute mais bloqué par les systèmes d’adblocking. Ce pixel a été posé sur toutes les pages mais la mesure a été réalisée en phase de test sur 3 % des VU mensuels. Nous ne dévoilons pas les résultats de cette mesure, mais les résultats sont conformes à ceux mis en évidence par les études conjointes de l’IAB France et Ipsos, voire légèrement inférieurs (ces sondages mettent en avant un taux d’adblocking moyen de 30 % en France en janvier 2016 et de 36 % en septembre 2016, ndlr).” Les dispositifs expérimentés “Après avoir mesuré le taux d’adblocking sur notre audience, nous voulions évaluer les effets de différentes stratégies pour lutter contre les adblockers : blocage strict des contenus ? Semi-strict, avec une dégradation de l’expérience, par exemple en diminuant la taille de la police ? Dès la première page ? Incluant l’audience issue des réseaux sociaux ou non ? etc. Nous avons proposé plusieurs scénarios au comité exécutif des Echos, qui a tranché et validé le test de trois dispositifs d’A/B testing entre le 19 février et le 11 juin 2016 avec notre prestataire habituel (Optimizely), sur l’ensemble du portail en ligne des Echos, sauf les offres Start – il n’était pas encore lancé – et Bourse car celle-ci est essentiellement gratuite (pas de paywall). Du 19 février au 25 mars, un premier test concernait 5 % de notre audience adblockée (puis 10 % à la fin de cette période) dont la moitié en groupe témoin : hors trafic issu des réseaux sociaux et moteurs de recherche, il prévoyait un blocage strict des contenus dès le deuxième article consulté, avec un message pédagogique (“Pour financer le travail de 180 journalistes qui vous apportent chaque jour une actualité de qualité, le site doit pouvoir compter sur les revenus des abonnements et de la publicité”). Nous proposions deux alternatives pour chaque phase de test : enlever l’adblocker pour notre site (“white listing”), ou souscrire à un abonnement numérique gratuit de trois semaines aux Echos (donc inscription dans notre BDD client), en précisant que les abonnés bénéficient d’un mode de lecture “zen”, avec moins de publicités. A l’issue de ce premier test, nous avons fait une projection avec les résultats obtenus : à périmètre constant, sans augmentation du taux d’adblocking en France, l’adblocking diminuerait de l’ordre de 4 points sur notre site . Une deuxième stratégie, plus dure, a été testée du 25 mars au 19 avril, cette fois sur 10 % des adblockés et toujours avec un groupe témoin (50 %) : sur la même proportion d’internautes adblockés, le bloquage des contenus survenait dès le premier article lu, hors trafic issu des réseaux so‑ ciaux et moteurs de recherche. Comme alternative poussée aux adbloqués à partir de ce deuxième test, à côté du white listing, l’offre d’abonnement annuel aux Echos a été proposée à – 50 % (soit 192 euros), car la proposition d’abonnement gracieux du premier test n’a pas suffisamment performé. Cette offre promotionnelle a été beaucoup plus performante et a permis de générer une centaine d’abonnements depuis le 25 mars. C’est ce scénario qui a été retenu pour la généralisation. Le taux de white listing a progressé de 4 points. Une projection de la généralisation de ce dispositif donne une baisse du taux d’adblocking de 5 points, soit un point de mieux que la stratégie intermédiaire.” “Du 19 avril au 11 juin, un dernier test a été réalisé, toujours sur 10 % des adblockés, en durcissant encore les condition d’accès, puisque les internautes adblockés provenant des moteurs de recherche et des réseaux sociaux étaient également confrontés à notre blocage dès le premier article lu. Cet élargissement du test permettait d’agir sur le volume d’individus et donc sur le volume de pages vues “libérées”. Entre le test 1 et le test 3, le volume de VU entrant dans le test était multiplié par 2,5. Le taux de white listing a été un peu dégradé mais le volume de désadblockés a été plus important.” La stratégie retenue “Dès le 19 mai, nous avons pris la décision de généraliser cette troisième stratégie, qui a été effective le 11 juin, le temps de mettre en place techniquement le dispositif “en dur” sur l’ensemble du site, donc pour chaque internaute entrant. Elle s’est avérée performante en white-listing, puisqu’une projection nous indiquait une diminution de l’ordre de 4 à 5 points du taux d’ablocking et environ 1 million de pages vues “désadblockées” par mois. Au 11 juin, nous avons donc généralisé ce dispositif à l’ensemble du portail : soit environ 9 millions de VU par mois hors Bourse (VU cookies AT Internet). Depuis le 11 juin et jusqu’au 21 novembre, nous avons essayé d’analyser finement les résultats de nos tests, en regardant différents KPIs autour du taux d’adbloking, la mise en whilte list, le taux de revisites, etc. D’un point de vue global, le procédé général a été un vrai succès : le taux d’adblocking a baissé de 3 points entre janvier 2016 et novembre 2016, et même de 5 points entre novembre 2015 et novembre 2016. Des résultats très satisfaisants qu’il faut analyser au regard de la hausse du taux d’adblocking en France. Il faut souligner qu’il est très délicat de tirer des conclusions générales sur l’adblocking à partir d’une moyenne ; il y a trop de différences dans les comportements utilisateurs et dans les causes, et donc de très fortes disparités en fonction des variables et des facteurs.” Et maintenant ? “Généraliser et pérenniser le dispositif anti-adblocking à tous les internautes peut sembler être un vrai risque de perdre une partie de l’audience pour les éditeurs, mais nous avons eu raison de le faire car nous avons infléchi nettement et de façon pérenne les comportements de la part de l’audience en accès direct (au regard du taux de white listing qui est élevé et stable sur les internautes en accès direct) et généré des revenus publicitaires supplémentaires : nous avons “libéré” les inventaires publicitaires de plusieurs millions de page vues lors de nos tests. Nous sommes maintenant sur une tendance à un million de pages vues désadblockées sur un total d’environ 50 millions sur sites ordinateur et mobile (audience groupe, offre Bourse exclue). Nous avons aussi identifié nos marges de progression : l’adblocking sur le trafic issu des réseaux sociaux et dans une moindre mesure les moteurs de recherche (lire notre encadré, ndlr). Autre enjeu à venir, l’adblocking sur mobile : il est de 7 points inférieur à celui sur ordinateur actuellement, mais il va devenir un défi de plus en plus important pour les éditeurs. Il faudra anticiper dès maintenant et prioriser l’expérience publicitaire sur smartphone, car ce sera encore plus difficile d’infléchir l’adblocking sur mobile que sur ordinateur, le taux de white listing sur mobile est deux fois plus faible que sur fixe. Nous n’avons pas mesuré sur la durée les comportements des utilisateurs d’adblockers après qu’ils ont désactivé leur outil pour consulter le contenu, car c’est compliqué techniquement, mais la proportion d’entre eux qui le réactivent (ré-ablocking) est sans doute élevée. C’est pour cela que ce type de protocole anti-adblocking doit impérativement s’inscrire dans la durée afin de lutter contre le ré-adbloking. Faire des “coups” sur une courte période n’a pas beaucoup de sens.” Adblocking : 5 enseignements sur les usages 1 – L’actualité Béatrice Lhopitallier (Les Echos) : “L’actualité a un impact très fort sur le taux de white listing, notamment sur les internautes qui arrivent depuis les réseaux sociaux : le Brexit, l’élection de Trump aux Etat-Unis et plus récemment les résultats de la primaire de la droite et même les débats de l’entre-deux tours, nous ont montrés que les grands événements d’actualité incitent fortement les internautes à désactiver leur adblocker. Et ici, le fait de bloquer le contenu dès la première page joue beaucoup : nous avons battu des records, avec par exemple un taux de white listing de 19 % en juin au moment du Brexit, par exemple, et même de 22 % lors de la victoire de Trump via les réseau sociaux. Les résultats ont été encore meilleurs mercredi 23 et jeudi 24 novembre, juste avant la finale de la primaire de la droite.” 2 – Une particularité après 18h et le week-end “Les taux de white listing et d’adblocking diffèrent selon les moments de la semaine : ils sont plus élevés le week-end et après 18h, parfois de 3 points. Ce sont les mêmes internautes, mais les ordinateurs au travail semblent moins équipés d’adblocker que les terminaux personnels qu’on utilise le soir à domicile et le week-end.” 3 – Les sources de trafic “Les internautes qui viennent en accès direct sur notre portail, le taux d’adblockés est plus faible de 5 points sur le taux moyen et notre dispositif a permis de faire diminuer encore ce chiffre de 6 points entre le 11 juin et aujourd’hui. Il y a eu jusqu’à + 28 % de taux de white listing à certains moments sur ce type de trafic. Les internautes provenant des moteurs de recherche ne semblent pas réceptifs au dispositif, mais il sont les plus réceptifs à l’actualité, avec jusqu’à – 6 points sur le taux moyen d’adblocking au moment du Brexit. Les internautes issus des réseaux sociaux sont ceux qui reflètent le mieux l’usage des adblockers aujourd’hui, avec + 10 points de taux d’adblocking sur la moyenne. Avec ceux venus des moteurs de recherche, ce sont des internautes dont le comportement lié à l’adblocking est très sensible à l’actualité : il faut créer des moments d’actualité forts pour les convaincre de retirer leur outil. Victoire de Trump : meilleur taux de Whiste listing sur les réseaux sociaux à 22 %. C’est notre source de trafic la plus faible aujourd’hui aux Echos, mais elle a une importance croissante et elle préfigure en quelque sorte ce que sera l’adbloking dans le futur, c’est une valeur étalon.” 4 – La typologie des contenus “Nous avons particulièrement travaillé sur nos rubriques majeures : industries et services, finances et marché, tech et médias. Sur les contenus tech et médias, il y avait un taux d’ablocking initialement supérieur de 2 points à la moyenne. On a réussi à le faire baisser de 4 points, et même de 6 points le week-end, de manière constante. Ici, les meilleurs résultats ne sont pas forcément liés à l’actualité, mais ils restent très bons malgré des publics avertis et équipés : le meilleur taux de white listing a atteint 25% et il y a eu – 10 points d’adblocking sur la moyenne.” 5 – Les navigateurs “Il y a de très grandes différences de comportement selon les navigateurs : le taux d’adblocking sur Mozilla Firefox est de 27 points plus élevé que la moyenne et le taux de white listing est très faible. sur Chrome, c’est + 8 points. A contrario, les utilisateurs de Safari, le chiffre est bien inférieur à la moyenne, de – 8 points. Peut-être que cela tient aux facultés techniques de l’adblocking dans certains navigateurs, il est encore difficile de dresser des explications très claires.” Jean-Michel De Marchi Adblockers Besoin d’informations complémentaires ? 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