Accueil > Médias & Audiovisuel > Transformation & Innovations > Christophe Montague (5M Ventures) : « La France est en train de rattraper son retard sur le media for equity » Christophe Montague (5M Ventures) : « La France est en train de rattraper son retard sur le media for equity » Le « media for equity », cette pratique qui consiste pour une startup à céder une partie de son capital en contrepartie d’une campagne publicitaire dans des médias afin de booster sa notoriété, connaît un essor en France depuis 2014. TF1, M6, Les Echos, ou encore La Dépêche du Midi ont sauté le pas, et d’autres ont même créé leur propre fonds d’investissement dédié, comme L’Express Ventures et Reworld Media Ventures. NRJ s’apprête à lancer le sien, comme le révélait récemment Satellinet. En 2012, Christophe Montague a cofondé avec Steeve Louzoun 5M Ventures, premier fonds de media for equity en France. Il a noué des accords juridiques avec 20 Minutes, NextRadioTV et Clear Channel. 5M Ventures compte six collaborateurs et a levé 500 000 euros en juillet 2014 auprès de business angels et d’agences de communication, comme Fred & Farid et Ipanema. Par . Publié le 06 novembre 2015 à 15h55 - Mis à jour le 06 novembre 2015 à 15h55 Ressources Pourquoi le media for equity a-t-il mis plus de temps à se développer en France qu’en Scandinavie et en Allemagne, où les éditeurs ont diffusé l’équivalent de plus de 100 millions d’euros de publicités entre 2011 et 2013 pour des start-up ? De premières opérations de media for equity ont eu lieu en France dès la période 1999-2001. Mais en pleine bulle internet, les business plans des start-up étaient trop ambitieux pour un marché pas encore assez mûr, et l’expérience utilisateur qu’elles proposaient était trop pauvre pour convertir leurs prospects en clients. Ces tentatives ont donné des résultats très médiocres, ce qui a échaudé les médias qui s’y étaient essayés. En Suède les groupes de médias ne se sont pas découragés par ces déconvenues, et ont persévéré dès 2002 et 2003, avec des succès probants (en Suède, le fonds Aggregate Media, travaille ainsi avec 12 médias suédois et a conclu 160 opérations depuis 2002, ndlr). Et en Allemagne ? Nos voisins s’y sont intéressés à partir de 2005-2006, mais le media for equity y a vraiment pris son essor en 2008 car, alors que la crise laissait beaucoup d’espaces publicitaires disponibles, les éditeurs y ont trouvé une manière intelligente de les valoriser. Le media for equity leur permet de stimuler des segments de marché et de trouver de nouveaux clients. C’est de cette manière que le groupe de télévision Pro7Sat1 a pris des participations dans des sociétés qui sont depuis devenues des leaders européens, comme Zalando. Lorsque nous-nous sommes lancés en 2012 en France, 20 Minutes et Clear Channel ont été les premiers à nous avoir soutenus. Qu’il s’agisse de groupes dont les actionnaires avaient déjà expérimenté le media for equity sur d’autres territoires – Schibsted en Scandinavie – n’est pas un hasard. En France, le soutien qu’apportent les grands groupes aux start-up laisse encore parfois à désirer. Quelles sont les perspectives du media for equity en France ? En 2014-2015, nous avons vu une accélération de la pratique et la France est en train de rattraper son retard. (M6 a par exemple investi dans monalbumphoto.fr en 2010 et TF1 dans le site de tourisme en ligne Sejourning (les détails sur Satellinet.fr) en 2014. La start-up a diffusé sur TF1 et HD1 un spot de 12 secondes pendant plusieurs mois, ndlr). Même la presse quotidienne régionale s’y intéresse, puisque la Dépêche du Midi a récemment pris une participation dans la startup de fintech Payname. D’autres groupes de PQR devraient bientôt sauter le pas. De façon générale, les grands éditeurs européens en font une stratégie pour se rapprocher de l’innovation, et créer un lien avec de futurs grands annonceurs. Pour les start-up, cela représente une belle opportunité, car les fonds d’investissement n’aiment pas investir dans la publicité à des fins de branding. Or, celles qui s’adressent au grand public n’ont pas d’autre choix que d’investir massivement dans la communication pour créer une large communauté et émerger sur leur marché. Avec les médias, c’est donc gagnantgagnant. En France, les start-up ont tendance à privilégier une approche d’ingénieurs, en misant sur une croissance organique fondée sur un super produit. Mais elles courent le risque de se faire griller par de plus gros acteurs qui sont meilleurs en marketing et en communication. Avez-vous des concurrents en France ? Notre spécificité, c’est de faire de la syndication, en réunissant des acteurs médias différents, dans l’affichage avec Clear Channel, la presse avec 20 Minutes, dans la télévision et la radio également, avec deux groupes qui souhaitent garder l’anonymat. Le partenariat avec ces médias est simple : ils ne sont pas actionnaires de 5M Ventures, mais liés par des accords juridiques, par lesquels ils s’engagent parfois sur les montants qu’ils investiront. C’est ainsi que Clear Channel s’est engagé à investir 15 millions d’euros en trois ans à travers 5M Ventures dans des opérations de media for equity. Cela nous permet de lancer des campagnes plurimédias, avec la capacité de les géolocaliser et de proposer des cibles pertinentes. Sur ce créneau, nous n’avons pas de concurrents directs et je ne pense pas que nous en aurons. A l’instar d’Aggregate Media en Suède et de German Media Pool en Allemagne, nous considérons qu’un seul acteur national peut tenir ce rôle. Depuis la création de 5M Ventures, en 2012, quels investissements avezvous réalisés ? Nous avons signé près de 5 millions d’euros d’engagements de financement auprès de start-up. Et notre objectif, en accord avec nos partenaires, est d’arriver à plusieurs dizaines de millions d’investissement. Nous communiquons officiellement sur ceux que nous avons réalisés dans six jeunes sociétés, qui s’adressent toutes au grand public : YouBoox (plateforme pour ebooks), JobAroundMe (offres d’emploi géolocalisées), E-Loue (location de biens entre particuliers, qui a bénéficié de publicités dans 20 Minutes et d’affichages avec Clear Channel, pour une valeur de 600 000 euros, ndlr), Albert Learning (cours de langue sur Skype), Easy Cartouche (vente de cartouche d’encre en ligne) avec NextRadioTV, pour des campagnes sur RMC et BFMTV. En juillet, nous avons réalisé notre plus gros investissement dans la plateforme de mise en relation entre professionnels et particuliers SeFaireAider.com, qui a besoin de s’imposer comme le numéro un du marché des compétences. Le site mène ainsi depuis septembre une campagne d’affichage sur le réseau de Clear Channel, et a aussi été soutenu par TF1. Quelle est la participation de 5M Ventures ? Nous prenons entre 5 et 15 % de participation dans les start-up. Nous pourrions monter davantage au capital, en investissant 300 000 à 5 millions d’euros par ticket, mais nous souhaitons que les fondateurs restent majoritaires et donc fortement impliqués dans l’entreprise. Comment avez-vous sélectionné ces start-up ? Nous recevons environ six dossiers de qualité par semaine. Comme nous n’avons pas un rôle d’incubation mais d’accélération, nous nous attachons, au-delà de la qualité du management et du concept, à ce que ces start-up disposent déjà d’une bonne création publicitaire (concept, message, visuels…), rodée par une première expérience de la publicité, au moins en ligne, et la capacité de convertir leurs clients potentiels puis de les retenir. Dans le cas contraire, il pourrait y avoir une grande déperdition entre les moyens mis en oeuvre pour la campagne et les résultats sur le chiffre d’affaires. Pour nous assurer de la qualité de leur projet et de leur expérience utilisateur, nous menons des pré-tests avec nos groupes médias, parfois auprès de panels de 6 000 personnes. Nous essayons d’industrialiser ce processus pour optimiser les chances de réussite des campagnes. Quels sont vos premiers résultats ? Nous n’avons pas encore eu de sortie, notre échéance maximum est de cinq ans. Globalement, les campagnes que nous avons menées ont obtenu des résultats très positifs. Lorsqu’elles ont été moins efficaces, les partenaires médias ont beaucoup travaillé pour que cela fonctionne, puisque leurs intérêts sont liés. L’une de nos start-up a par exemple doublé sa valeur depuis que nous l’accompagnons en l’espace de 12 mois, et toutes sont en croissance. Easy Cartouche, avec qui nous travaillons depuis mars, a déjà enregistré une augmentation sensible de son chiffre d’affaires. Notre apport ne se limite pas à la communication en échange de capital, nous coachons aussi ces start-up et leur ouvrons notre réseau. Le président d’un groupe de médias a par exemple reçu celui de l’une de nos start-up pour l’aider à développer ses contacts. Les fonds de media for equity corporate se développent en France avec la création en 2014 de L’Express Ventures et de Reworld Media Ventures. NRJ va bientôt lancer le sien. Que pensez-vous de ces initiatives ? Ce sont d’excellentes nouvelles pour les startup, mais ces initiatives tardives illustrent la lenteur des groupes de médias à mettre en place ce genre d’innovations. Les fonds adossés à un seul média présentent le défaut de limiter les points de contacts avec la cible, d’amoindrir la puissance de la campagne, et d’introduire un biais dans l’audience touchée. Par exemple, les opérations menées uniquement par un titre de PQR présentent le risque de toucher des lecteurs plus âgés que la moyenne nationale. Par ailleurs, les groupes de médias n’ont pas toujours les compétences pour juger la maturité opérationnelle d’une start-up, dont dépend la réussite de sa campagne. N’y a-t-il pas un risque, pour les start-up, de surpayer des emplacements publicitaires qui ne soient pas premium ? A certaines périodes de l’année, comme les mois d’octobre et novembre, qui précèdent les fêtes, les médias ont beaucoup d’annonceurs et c’est vrai qu’il est difficile d’obtenir des deals intéressants en media for equity. Mais à d’autres moments, des espaces publicitaires de qualité sont disponibles. Des médias utilisent peut-être parfois le media for equity pour écouler certains inventaires, mais il n’est pas dans leur intérêt que la campagne d’une start-up où ils ont pris des parts soit un échec. Si l’opération réussit, les patrons de ces sociétés seront leurs meilleurs porte-parole. Mais ce n’est pas une science exacte et l’exemple allemand nous montre qu’il y a aussi des échecs. ProSiebenSat1 a ainsi investi dans myparfum. de, mais cette start-up, qui proposait au grand public de réaliser des parfums sur-mesure, n’avait pas un modèle suffisamment récurrent. Et en France ? M6 a réussi de très belles opérations, notamment avec monalbumphoto.fr et Leetchi, mais certaines ont été un peu moins couronnées de succès. D’une certaine façon, sa revente de MisterGoodDeal à Darty en 2014 pour 2 millions d’euros en fait partie. Mais il faut peut-être plutôt y voir la conséquence de la concurrence de grands acteurs du e-commerce, comme Amazon et Price Minister. Comment se prémunir contre les échecs ? Nous demandons toujours aux sociétés que nous accompagnons de vérifier les tarifs publicitaires proposés, pour nous assurer qu’elles achètent à la valeur de marché. Jusqu’à présent, nous n’avons jamais eu de contestation de leur part, car nous n’investissons qu’en valeur nette, avec des conditions excellentes par rapport au marché. Et les médias qui investissent vont souvent au-delà de leur engagement, en menant des réflexions sur les meilleurs créneaux horaires de diffusion publicitaire et de qualité des emplacements. Par ailleurs, le media for equity est souvent actionné en même temps que l’entrée au capital de fonds d’investissement classiques, qui injectent du numéraire et sur une même valorisation. Quels sont vos projets ? Dans les six prochains mois, nous devrions ajouter de nouveaux partenaires, notamment des groupes médias et des acteurs qui soient suffisamment proches des start-up pour renforcer notre sourcing et juger de leur qualité. Un axe d’amélioration sera de passer des alliances avec des agences d’achat d’espace. Nous sommes déjà partenaire de Fred & Farid, mais son point fort se situe plutôt du côté de la création. Media for equity Besoin d’informations complémentaires ? 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