Comment Alain Weill veut relancer L’Express

Trois et demi après avoir acquis L’Express auprès du groupe Roularta avec d’autres magazines – déjà cédés – Altice, détenu majoritairement par Patrick Drahi, a confirmé mardi 12 février le projet de cession de 51 % de son capital à Alain Weill. L’opérateur en conservera 49 % et Alain Weill demeurera président d’Altice France. L’hebdomadaire est en grande difficulté depuis plusieurs années et Altice n’a pas réussi à le redresser. Le titre a réalisé 40 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018 pour 10 millions d’euros de pertes.

Le nouveau projet, préparé par Alain Weill et Clément Delpirou, directeur général de L’Express (et de Libération) succède à celui d’avril 2018 de Guillaume Dubois, qui a été abandonné quatre mois plus tard.

“L’objectif est de revenir à l’équilibre dès 2020. Notre projet est sans compromis et radical, car il faut prendre des décisions rapidement”, a indiqué Alain Weill lors d’une conférence de presse, au cours de laquelle un plan d’économies et d’investissements a été présenté. Il sera mis en place cet été. La suppression de 30 à 40 postes sur les 180 salariés (hors régie publicitaire, logée chez Altice Media) dont 127 journalistes (110 en CDI) sera proposée en interne, via l’ouverture d’une clause de cession qui permettra des départs volontaires dans la rédaction avec des indemnités.

Un modèle plus “premium”

Alain Weill entend redresser l’hebdomadaire de la même façon qu’il redressé RMC il y a 15 ans avant de développer un groupe autour, c’est-à-dire en abordant l’actualité avec un point de vue très affirmé : “On s’abonne à un journal comme on milite dans un parti politique”, estime-t-il.

Alain Weill veut positionner L’Express sur un public plus haut de gamme, à la manière de The Economist au Royaume-Uni, et sa ligne éditoriale évoluera vers la transformation de la France, la liberté d’entreprise et le progrès. Les sujets seront plus sélectifs et traiteront de l’économie, des nouvelles technologies, des finances, des sciences, du développement durable et de la culture,

Au niveau commercial, L’Express veut simplifier son offre et proposera un abonnement unique, compris entre 10 et 15 euros par mois. Ce tarif donnera accès au papier ou au numérique, ou aux deux ensemble, au choix de l’abonné. Le paywall en ligne sera resserré avec seulement quelques contenus accessibles gratuitement par mois pour un internaute non abonné.

Concernant le papier, pour économiser des coûts d’impression, la pagination sera réduite mais la maquette sera revue pour densifier les contenus par page. L’hebdomadaire ne paraitra plus en milieu mais en fin de semaine, sans doute le vendredi.

Deux temporalités pour la rédaction

Concernant le numérique, l’accent sera mis sur l’audio et la vidéo : une chaine L’Express TV sera mise en place (et distribuée sur YouTube, notamment), tandis qu’un journal audio d’information quotidien de 20 minutes sera proposé en podcast. Pour cela des synergies techniques avec BFM TV et RMC seront déployées.

L’organisation éditoriale va évoluer, avec trois équipes qui géreront deux temporalités de contenus : les contenus d’analyses, de reportages et de décryptage, à valeur ajoutée, issus du magazine papier (environ 76 journalistes dans le projet envisagé), les contenus produits en direct à partir de l’actualité chaude (10 journalistes) en accès gratuits ou payants, et enfin des contenus lifestyle, gratuits (10 journalistes).

Parmi les autres évolutions changements liées à l’organisation, le directeur général délégué, recruté en novembre 2018, Philippe Jannet, dont la nomination à la direction de la rédaction avait été rejetée à son arrivée par les journalistes lors d’un vote obligatoire, ne figure pas dans le projet de reprise d’Alain Weill. “Nous avons mal géré son arrivée, il y a désormais une défiance en interne”, explique le futur propriétaire de L’Express, qui dirigera le titre avec Clément Delpirou, confirmé dans le rôle de directeur général de L’express (et Libération).

20 millions d’euros seront investis dans ce projet, dont un peu plus de la moitié par Alain Weill à travers sa société News Participation. “Altice prendra en charge le passé (les dettes, ndlr), et les nouveaux actionnaires l’avenir”, a-t-il souligné. Celui-ci veut aussi miser sur un rayonnement éditorial à l’international en s’appuyant sur les populations francophones. Un réseau d’une dizaine de correspondants dans les principales capitales mondiales sera créé.

Crédit photo : Visual Press Agency