Accueil > Marques & Agences > Achat média > Comment les agences de création travaillent avec la data Comment les agences de création travaillent avec la data Le travail et le rôle des agences créatives ont été très impactés par le développement du digital et du mode d'achat programmatique. La data prend de plus en plus d'importance dans les campagnes et dans leur business. Quels sont les changements induits pour les agences de publicité ? Comment s'adaptent-elles aux besoins des agences et annonceurs et quels outils mettent-elles en place de manière pro-active ? Quelles stratégies développent-elles pour profiter des effets positifs des données et pour affronter ses aspects plus complexes ? mind Media a interrogé les agences Ogilvy Paris, HumanSeven et FullSIX Paris (Havas) et Chemistry Agency (Publicis Communications) ainsi que Kantar Media. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 19 janvier 2018 à 14h12 - Mis à jour le 19 janvier 2018 à 14h12 Ressources De plus en plus présente dans la publicité en ligne, la donnée vient améliorer la créativité des campagnes digitales aussi bien en aval (tactique), qu’en amont (stratégie). Avec la data, les agences créatives font plus que prouver leurs intuitions créatives. “Grâce aux données, la communication ira massivement vers l’individualisation et la personnalisation”, souligne Bruno Louy, directeur du pôle data chez Chemistry Agency, agence de Publicis Communications qui s’appuie sur le CRM. Mais “on n’arrivera jamais à parvenir totalement à du one-to-one”, nuance Samir Amellal, CEO de Fullsix Paris (Havas). La data, bien que très riche en information émotionnelle, n’est en effet pas pleinement exploitable, au gré des évolutions technologiques pour son traitement. Autrement dit, en l’état, les agences peuvent collecter potentiellement beaucoup plus de données qu’elles ne sont capables de traiter. Fait notable, des modèles mathématiques se développent au sein des agences ou en dehors et deviennent des secrets industriels. Le risque des stratégies court-termistes Ogilvy Paris, HumanSeven, FullSIX Paris et Chemistry Agency, quatre agences créatives interrogées, soulèvent la même menace : le diktat de la data sur la création, qui viendrait être l’unique vecteur de créativité publicitaire. Avec un danger : suivre la loi de la performance via la data permet certes d’optimiser le ROI à court terme, mais on agit alors uniquement sur le bas de l’entonnoir de conversion (le “funnel” consommateur). Et on tombe parfois dans une stratégie de retargeting très court-termiste. Alors qu’une hauteur de vue et la prise de risque induisent, elles, des nouveautés qui vont dynamiser le haut de l’entonnoir de conversion, générant de la notoriété, de la considération et de la préférence de marque. Deux conceptions sur l’impact de la donnée ont cours : “Elle peut tétaniser les créatifs”, prévient Samir Amellal (Fullsix Paris), tandis qu’Hélène Meinerad, directrice générale de Chemistry Agency et par ailleurs vice-présidente de Leo Burnett France (Publicis Communications) souligne que “les idées basées sur la seule intuition peuvent être infirmées par la data”. Comment inventer l’expérience digitale Ces deux conceptions ne sont pas forcément contradictoires. Mais alors comment optimiser l’utilisation des données à des fins publicitaires ? Un postulat ici : les agences doivent avoir opéré leur propre transformation. Jean-Marc Huleux, président de Fullsix Paris a, dès son arrivée en novembre 2016, fusionné la data et la création, soit les agences Fullsix Data et Fullsix Paris. Samir Amellal, alors directeur général de Fullsix Data, devenant CEO de Fullsix Paris. Le duo a décidé de mettre les salariés au contact de la data, avec la mise en place de formations hebdomadaires d’une heure par petits groupes, entre les créatifs et les membres de la filière data. Plus structurellement, des business units sur-mesure ont été créées selon les portefeuilles clients, rassemblant divers métiers de l’agence selon les besoins des clients. Le même mouvement est actuellement amorcé au sein d’une autre agence de Havas, Les Gaulois, rebaptisée désormais HumanSeven. Après la perte au printemps du budget Citroën, son client historique, l’agence a acté sa réorganisation pour associer plus étroitement création des campagnes, data et exécution. “Il y a des enjeux de plus en plus forts autour des liens entre création et data, innovation et production. Nous devons mieux accompagner nos clients dans cette transformation. Il faut donc une interconnexion plus forte entre conception et création en interne. L’objectif est que 100 % des créatifs puissent être capables de créer et produire”, affirme Elisabeth Billiemaz, présidente de HumanSeven. Pour mieux répondre aux besoin de ses clients (Crédit Mutuel, Intersport, Transavia, Hoop, Krys, Acadomia, Marques Avenue, certaines marques de L’Oréal…), l’agence a fait évoluer ses méthodes de travail, de la conception à la production, pour gagner en efficacité, avec 110 collaborateurs réorganisés en 7 activités (les détails sur notre site). Au niveau opérationnel, les bonnes pratiques sont parfois simples. Chez Chemistry Agency (Publicis Communications), le département data (12 analystes) produit des statistiques qui alimentent notamment les planeurs stratégiques. Ces derniers se servent désormais d’outils digitaux connectés à différentes sources de data. Afin de clarifier la data, en début de projet pour un client, Chemistry Agency met systématiquement en perspective les données disponibles, qui “à 90 %” sont “du bruit inutile”, souligne son directeur data, Bruno Louy. De son côté, Ogilvy Paris (WPP) a repensé son organisation autour du client. L’agence a lancé, depuis 18 mois, un programme ambitieux de formation nommé “LeapFrog Academy”, qui vise rassembler des expertises de l’agence au contact de tous les collaborateurs et ainsi apprendre à mieux travailler ensemble. Plus spécifiquement sur la data, l’agence a mis tous les outils insights à disposition de ses salariés dès 2011, pour casser les silos médias, data et création. L’agence est maintenant en train de réorganiser ses bureaux pour que le pôle data (plus de dix personnes) soit situé au centre dans ses open spaces. L’agence a la spécificité d’avoir des planneurs stratégiques spécialisés dans l’engagement et la performance. Ce rôle hybride de digital scénarist (2 salariés) fait le pont entre la gestion des campagnes médias et le planning stratégique. Depuis 2009, Ogilvy Paris développe également des “consumer intent modeling”, un dispositif en ligne évolutif accessible à tous les collaborateurs dans tous les pays, qui vise à comprendre les attentes consommateurs. Basées sur un travail statistique, ces études prennent en compte les requêtes search (depuis 2009), les conversations dans les médias sociaux (depuis 2011) et les données e-retail (depuis 2015). Pour Nestlé Nutrition Infantile, l’outil donne ainsi une idée des grands sujets de conversation des parents selon l’âge de l’enfant, et des recherches des futures mamans sur la grossesse, la nutrition, le développement d’un bébé, etc. “Lorsqu’on fait un consumer intent modeling, l’objectif est de développer des insights pour le client, soit une analyse de la donnée client qui sera partagée avec l’ensemble des agences partenaires de la marque, souligne Guillaume de la Flechère, managing director de neo@Ogilvy. Par exemple pour Nestlé Nutrition Infantile, cela nous permet de savoir ce que recherchent les mamans. Pour ce client, la donnée est partagée avec Publicis qui travaille sur ses campagnes de marque. Tout le monde est aligné.” La data émotionnelle : l’avenir ? L’émotion compte aujourd’hui parmi les types de données les plus recherchées par les annonceurs. Mais l’efficacité des données sur la dimension émotionnelle instantanée des individus avec une marque, soit les éléments explicatifs de la préférence de marque et de l’adhésion d’un consommateur, reste encore à défricher. Pour tenter d’y répondre, les agences expérimentent. Fullsix Paris réfléchit notamment à des dispositifs reposant sur des algorithmes visant à reconnaître des mots, des images, des sons, des émoticons… et donc à récolter en temps réel de la data émotionnelle. “Ce projet n’est pas encore abouti, puisque nous n’arrivons pas encore à avoir la data liée à l’instantanéité”, admet Jean-Marc Huleux (Fullsix Paris). L’algorithme ne peut en effet actuellement pas traiter les informations en moins de 96 heures. Dans le même temps, la direction de l’autre agence d’Havas, Humanseven, a annoncé souhaiter “réconcilier émotion et data”, et “donner une opinion à la data”. La data émotionnelle reste donc en large partie à construire au sein des agences, même si des acteurs spécialisées se positionnent avec un certains succès, comme la start-up française MindLytix (lire nos articles). http://www.mindnews.fr/recherche?q=MindLytix Marianne Tournery, content strategy manager EMEA chez Kantar Media, estime qu'”en intégrant les données émotionnelles, en plus des données démographiques, transactionnelles et de géolocalisation, les agences vont atteindre le dernier degré de la personnalisation et de compréhension des consommateurs.” Selon elle, la data émotionnelle rejoint la question du neuromarketing, qui va prendre de l’importance dans la publicité. La DCO concilie création, programmatique et performance Au niveau opérationnel, de plus en plus d’acheteurs sollicitent la dynamic creative optimisation (DCO) pour associer création et data. Ce procédé consiste à personnaliser en temps réel des campagnes digitales en fonction de l’audience, et donc réaliser de façon automatique des formats publicitaires personnalisés. Pour Hélène Meinerad (Chemistry Agency), la data peut servir le storytelling d’une marque en permettant la personnalisation des messages tout au long d’une expérience client, et cela grâce au programmatique. Chez Ogilvy Paris, on va plus loin en parlant de “scénarisation créative”. L’enjeu est de taille puisque selon Ogilvy Paris, la DCO permet une croissance des performances de campagnes de l’ordre de 15 à 30 % sur un critère business. Mais un risque a déjà été identifié ; la DCO, si elle est trop individualisée et trop répétée, peut devenir intrusive pour le consommateur. Et finalement rejetée. En réaction, les agences doivent s’imposer des contraintes strictes de capping (répétition) qui vont dépendre des objectifs de campagne, des autres canaux utilisés et du contexte du message. La DCO peut permettre de générer et de diffuser jusqu’à 5 000 formats différents tous leviers confondus, ou 500 sur une campagne display. Il est cependant impossible de démultiplier à l’infini les scénarios, puisque les agences doivent respecter les exigences des annonceurs en termes de validation. Pour faire du contenu one-to-one, il faudra être capable de produire et d’acheter des contenus différenciés en masse et que les annonceurs confient à un algorithme le soin de créer un contenu, sans validation. FullSIX Paris souligne la difficulté actuelle des annonceurs à lâcher prise. Mais la technologie n’est encore pas au point non plus. Marianne Tournery, content strategy manager EMEA, chez Kantar Media, soulève la création de contenu assistée ou automatique, proposée par exemple par la société “Narrative Science”, qui nécessite encore aujourd’hui des validations client. Un croisement des données sous conditions Quelle gestion des données et dans quelle mesure la croiser et la partager ? Systématiquement, Chemistry Agency analyse et orchestre pour ses clients la totalité des bases de données, auxquelles l’agence aura la permission et la possibilité d’accéder, afin de montrer la façon dont elles se convertissent finalement en business. Chemistry Agency propose la coordination de la data entre les services de ses clients. L’agence met en place des data monitoring meetings mensuels chez ses clients, en mettant autour de la table les services média, marketing, CRM… et ses propres experts, qui permettent de faire de la pédagogie autour des données auprès de ses annonceurs, et parfois partager, dans une même vision globale, les enseignements de la data avec les autres agences de leurs annonceurs. Chez Ogilvy Paris, pour Nestlé Nutrition Infantile, la donnée est partagée avec Publicis qui travaille sur les campagnes de marque. Jean-Michel De Marchi Agences créativesDonnées personnellesOrganisationStratégies annonceurs Besoin d’informations complémentaires ? 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