Accueil > Médias & Audiovisuel > Audiovisuel & vidéo > Comment les chaînes TV intègrent le replay dans leurs stratégies de programmation Comment les chaînes TV intègrent le replay dans leurs stratégies de programmation Par . Publié le 27 janvier 2017 à 10h37 - Mis à jour le 27 janvier 2017 à 10h37 Ressources Grâce au replay, les téléspectateurs s’affranchissent des contraintes de diffusion des chaînes et visionnent les programmes quand ils le souhaitent. Les diffuseurs – et les annonceurs – se sont donc approprié ce mode de consommation. Quelles sont les contraintes règlementaires du replay en France et comment les groupes audiovisuels font-ils évoluer leurs offres ? Comment l’intègrent-ils dans leurs programmations ? Comment s’appuient-ils sur cette nouvelle consommation pour développer une offre complémentaire de l’antenne ? De quelle façon la monétisation publicitaire est-elle réalisée ? Les téléspectateurs se sont pleinement approprié le replay, également appelé catch-up, télévision de rattrapage, consommation à la demande ou en délinéarisé… Ils regardent les programmes qu’ils ont ratés lors de leur diffusion en télévision, visionnent des bonus ou des extraits de leurs émissions préférées sur les plateformes numériques des diffuseurs (MyTF1 pour le groupe TF1, Pluzz pour France Télévisions, 6play pour le groupe M6, Arte+7 pour Arte, NRJ Play pour le groupe NRJ…) et des fournisseurs d’accès internet (FAI), parfois sur YouTube, Dailymotion ou Facebook… Pour certains programmes de niche, l’horaire de diffusion a de moins en moins d’importance, car ils sont largement consommés à la demande. Selon le baromètre de la télévision de rattrapage du CNC, 4,8 milliards de vidéos ont été vues en catch-up entre janvier et septembre 2016 (+ 33 % en un an), et même 5,6 milliards si l’on inclut les bonus vidéo et la consommation des chaînes en direct sur d’autres supports que la télévision (+37 % en un an). L’offre est de plus en plus large : 21 099 heures de programmes étaient disponibles en septembre 2016 (+ 25 % sur un an), principalement autour de l’information (27,3 %), la fiction (6,8 %), le documentaire (4,5 %) et l’animation (4 %). La consommation se concentre sur trois genres : la fiction (30 %), le divertissement (28,4 %) et la jeunesse (26 %). En novembre 2016, Médiamétrie a recensé 3,7 millions d’utilisateurs du replay par jour, pour une durée d’écoute de 1h18 par téléspectateur. L’évolution des droits d’exploitation Pour prolonger la disponibilité des contenus au-delà de leur diffusion à la télé, les diffuseurs négocient au cas par cas les droits replay avec les producteurs des programmes ou leurs distributeurs. Souvent, deux logiques s’affrontent. Les ayant-droits tendent à limiter la période de replay pour ménager l’exploitation payante en vidéo à la demande (VOD). Les éditeurs de chaînes cherchent, eux, à mieux exposer et mieux monétiser leur offre de programmes en la proposant le plus longtemps possible en catch-up. Finalement, la plupart des programmes sont disponibles gratuitement à la demande pendant sept jours après leur première diffusion. Si les périodes de replay tendent à se rallonger, tous les programmes ne sont pas logés à la même enseigne. Les droits étant souvent plus longs en Allemagne qu’en France, Arte propose souvent des périodes de 30 ou 60 jours sur une partie de sa programmation. Une nouveauté pour la chaîne : l’accord noué en mars 2016 avec deux syndicats de producteurs (SPI et Uspa) va permettre de rallonger les périodes de rattrapage pour les nouveaux programmes français, soit 10 à 15 % de la grille mise à l’antenne, à partir de 2017. Chaque diffusion d’un programme dans une période de 30 jours déclenchera une nouvelle période de replay. Si les quatre passages autorisés sont habilement programmés, le replay pourra donc s’étendre sur 28 jours. Une évolution est également en cours concernant le coût des droits du replay. “De plus en plus souvent, les ayant-droits acceptent que le replay fasse partie du programme, sans surcoût. D’autres estiment encore que chaque nouvelle exploitation doit enclencher un paiement. Or, ce que nous devons payer pour le replay d’un programme réduit d’autant des sommes que nous pouvons consacrer à la création”, observe Alain Le Diberder, directeur des programmes d’Arte GEIE. Le J+7 reste souvent la règle pour la fiction, les séries et l’animation. Si les négociations sont plus difficiles pour les séries américaines, les lignes commencent à bouger. La série Quantico (22 épisodes) a été archivée sur 6play au fur et à mesure de sa diffusion sur M6. Elle a battu les records de replay pour une série américaine avec 1,2 million de vidéos vues en moyenne sur chaque épisode. Pour certaines séries françaises, le groupe TF1 intègre pleinement le délinéarisé dans la stratégie de programmation. “Depuis quelques mois, nous nous attachons à ce que MyTF1 contribue à la proposition éditoriale du groupe avant, pendant et après la diffusion des programmes les plus emblématiques, précise Nicolas Lemaître, directeur des contenus digitaux et de MyTF1. Le dispositif mis en place pour La vengeance aux yeux clairs montre par exemple que la diffusion TV sert l’audience digitale et inversement. Cela a été un vrai succès, notamment sur les taux de transfert entre les antennes et MyTF1.” Pour cette série diffusée à la rentrée 2016, le groupe a mobilisé les antennes de TF1 et HD1, le preview, le replay et les bonus en gratuit sur MyTF1, le payant sur MyTF1VOD… Avant sa diffusion sur TF1, le premier épisode a été proposé gratuitement sur MyTF1, en même temps que la mise en vente de l’intégralité de la saison sur MyTF1VOD. Il a été visionné 250 000 fois. Les huit épisodes ont été programmés le jeudi soir sur TF1, puis le vendredi soir sur HD1. Ils sont restés en replay entre leur date de première diffusion et le J+7 du dernier épisode. Les téléspectateurs pouvaient ainsi commencer à regarder la série à n’importe quel moment sans rater aucun épisode, ou visionner l’intégralité de la série en “binge watching”. A la fin de la saison, une vidéo proposant une ultime révélation sur myTF1 a été visionnée 1,2 million de fois. Au final, la série a été vue par 23,6 millions de personnes sur TF1 et HD1 et 13 millions de vidéos ont été visionnées entre le replay, le preview et les bonus. Chaque épisode a été vu en moyenne par 6,6 millions de téléspectateurs, avec un gain consolidé sur l’ensemble de la saison de 700 000 de téléspectateurs par rapport à la diffusion antenne. MyTF1 revendique la première place sur le marché de la vidéo en replay, avec “175 millions de vidéos vues en octobre et 155 millions en novembre.” Les programmes jeunesse sont très consommés en replay, d’autant que les enfants aiment revoir des programmes qu’ils ont déjà vus… Grâce à une stratégie de programmation qui mêle les univers payant et gratuit, Lagardère Active multiplie les fenêtres de replay sur les players de ses chaînes. “Nous cherchons à créer des cycles autour d’un programme avec des mises en avant, l’animation de l’écosystème digital et des liens vers le replay. Sur le payant, le marché commence à s’habituer à la dimension premium et comprend la nécessité de différencier l’offre replay de ce qui existe sur le gratuit”, indique Guilhem Ravet, directeur adjoint aux nouveaux usages et social media de Lagardère Active. Généralement, la diffusion d’un programme commence en payant, sur Canalj ou Tiji, ce qui déclenche une première fenêtre de replay, idéalement de 30 jours et parfois avec l’intégralité d’une série. Le programme est ensuite exploité en VOD payante et en SVOD (VOD par abonnement). La diffusion en gratuit sur Gulli relance un replay de sept jours, au fil de la diffusion des différents épisodes, ce qui revalorise la diffusion de l’intégralité du programme en SVOD. Les différents univers peuvent se répondre. La websérie Les tactiques d’Emma, initialement conçue pour YouTube, a été diffusée par la suite sur Gulli et a généré 5 millions de vidéos vues depuis la rentrée. Donner de la visibilité et fidéliser Pour les programmes de flux (émissions de plateau, magazines, téléréalité…), le replay tend à s’allonger à 30 jours. “Le digital contribue à faire vivre et à donner de la visibilité à nos marques programme de manière pérenne, au-delà de leur moment de diffusion à l’antenne”, note Nicolas Lemaître. Le premier épisode de la téléréalité La villa des cœurs brisés a été proposé en preview (500 000 vues) sur MyTF1, sans que les scores à l’antenne ou en replay n’en pâtissent. Toutes les prestations de Koh-Lanta ou Danse avec les stars peuvent être visionnées sur la plateforme pendant la saison en cours et même au-delà. Les émissions de The Voice, The Voice Kids, Danse avec les stars… peuvent être visionnées toute l’année. Depuis deux ans, le groupe M6 a aussi progressivement abandonné la règle du J+7. Toute la saison du Meilleur pâtissier reste sur 6play jusqu’à un mois après la diffusion de la finale. Les magazines restent accessibles pendant environ six mois. Les programmes coproduits par le groupe M6 sont disponibles en délinéarisé pendant 42 mois, ce qui permet tout à la fois de booster l’audience en différé, de fidéliser à la marque programme et à la chaîne concernée. Le cinéma reste le parent pauvre du replay. Arte est presque la seule chaîne à proposer des films, mais pas de cinéma américain. Ce genre représente 10 % de la consommation sur Arte+7, loin derrière le documentaire (45 %), les magazines (22 %), les séries (14 %), mais devant les concerts (2 %). “Nous sommes la chaîne européenne qui diffuse le plus de cinéma. Grâce aux liens noués au fil du temps, les producteurs nous confient les droits des films de patrimoine ou des films d’auteurs européens, pour lesquels le replay est une vitrine d’exposition supplémentaire”, souligne Alain Le Diberder. Arte Cinéma propose en permanence 4 à 5 films de cinéma muet. Les 14 films du festival “Arte fait son cinéma” ont été proposés sur Arte+7. Gulli Replay propose aussi une dizaine de films par an : des longs métrages d’animation (Kirikou, Pokemon…) ou de patrimoine (films de Chaplin…). Recommandation et diversification La data qui remonte via le replay permet de pousser des recommandations. Depuis décembre 2015, 6play a placé la personnalisation et la recommandation au cœur de sa nouvelle offre. Pour accéder au replay sur le site et sur l’application 6play, les téléspectateurs internautes doivent désormais s’identifier et signaler leurs programmes préférés. Ce tournant stratégique semble avoir été couronné de succès puisque 6play comptait 14 millions d’inscrits fin 2016. La plateforme a enregistré l’an dernier une moyenne de 125 millions de vidéos vues par mois et 1,5 million de vidéos vues sur l’année (+ 54 % sur un an, un record de croissance depuis cinq ans). La plateforme affine ses propositions au fil de l’eau. “La data est essentielle mais le machine learning ne sera jamais suffisant pour sélectionner tous les bons programmes. Il y a aussi un important travail d’éditorialisation de l’offre, fait valoir Tom Rouyres, directeur marketing de 6play. Nous développons aussi notre CRM avec l’emailing et des réseaux sociaux pour nous adresser aux téléspectateurs. Sur certaines cibles, c’est une autre manière de segmenter la population. Grâce au CRM et au travail effectué sur des programmes plus feuilletonnants, nous avons réussi à développer la couverture mais aussi l’engagement des utilisateurs. Le temps moyen de visionnage par vidéo a aussi progressé.” Le service Refresh, qui se consomme sur mobile et sur les réseaux sociaux, permet d’aller sur une offre de snacking de contenus courts. Les usages nés sur les plateformes numériques ont incité les éditeurs à proposer des offres spécifiques. Grâce à un player qui peut être embarqué sur d’autres supports, la plateforme Arte Concert est devenue le premier diffuseur de musique Métal en Europe. Quelque 5 millions de vidéos ont été vues en 2016 autour de sa programmation des festivals Hellfest en Vendée et Wacken Open Air en Allemagne. Le concert d’Iron Maden, diffusé en direct le 3 août, a réuni sur Arte Concert une audience plus large que celle de l’antenne d’Arte ! MyTF1 a développé un canal MyTF1 Xtra avec des séries, des documentaires et du e-sport, notamment. Christine Monfort Le replay comme espace d’expérimentation pour la publicité La publicité diffusée en pré-roll et/ou en mid-roll fait partie du “contrat” implicite, qui permet au téléspectateur d’accéder gratuitement à un programme du replay. D’où l’importance de la mesure d’audience. Médiamétrie a intégré dès octobre 2014 la catch-up sur téléviseur dans le Médiamat. Depuis janvier 2016, les audiences intègrent les programmes visionnés en live, en différé et en catch-up sur un jour donné, quelle que soit la date de diffusion initiale en live des programmes rattrapés. L’univers du replay reste toutefois plus difficile à évaluer que celui du linéaire, du fait de la multiplication des terminaux, des plateformes ou des situations de consommation… Les données globales restent de moins bonne qualité que sur le linéaire, notamment car les sources sont plus hétérogènes. Pour le marché publicitaire, le replay présente plusieurs avantages en termes de mémorisation, de secteurs annonceurs (le délinéarisé n’est pas soumis à certaines interdictions de la télévision linéaire, notamment pour le cinéma), ou de remontées de data. La connaissance du profil des consommateurs permet aux régies de proposer une publicité plus ciblée, notamment via le programmatique. Cet univers est aussi propice aux expérimentations et aux nouveaux produits. TF1 Publicité La régie a lancé en octobre avec Orange plusieurs expérimentations. Un test de publicité adressée a été lancé auprès des abonnés IPTV ayant donné leur accord pour recevoir une publicité adaptée à la zone géographique dans laquelle ils habitent. Le panel va s’élargir début 2017 aux abonnés volontaires de Bouygues Telecom, ce qui va permettre au test d’entrer dans une phase d’industrialisation. La régie a aussi testé l’apport de couverture du replay sur une cible de consommateurs de délinéarisé peu ou pas exposés à une publicité sur la télévision linéaire. Les conditions générales de vente (CGV) 2017 de la régie intègrent une offre Geolife, avec 11 profils déterminés sur critères des socio-économiques (taux d’activité, la densité commerciale, le revenu des foyers, la composition des ménages…). Autre nouveauté : dans une logique événementielle, un annonceur peut privatiser une coupure de publicité diffusée en midroll sur le replay. Seul dans son écran, l’annonceur peut proposer des contenus plus longs (jusqu’à une ou deux minutes). Cette opportunité est particulièrement prisée du cinéma, mais aussi par les annonceurs du luxe ou de marques high-tech premium, qui ont parfois des créations longues… M6 Publicité Un format de Breakvertising a fait son apparition dans les CGV 2017. Depuis décembre 2016, les annonceurs peuvent proposer un format display fixe non intrusif et contextualisé, qui apparaît lorsque l’utilisateur fait une pause sur 6play. Il repose sur la notion de “wait marketing”, qui augmente la capacité de mémorisation dans les temps de creux. A l’occasion du lancement du nouveau 6play, la régie avait étendu sur PC et tablette son format Parallax de publicité intégrée et immersive, déclinable en version horizontale et verticale. A la rentrée, elle avait lancé sur 6play une pré-home sur IPTV, qui répond à des objectifs de visibilité, de qualité et de confort de visionnage. France Télévisions Publicité Alors que France Télévisions travaille à la refonte, prévue pour mai 2017, de sa plateforme Pluzz, la régie publique a lancé en novembre une nouvelle offre, Sovisibility, autour de ses offres vidéo : l’annonceur bénéficie d’une visibilité garantie à 100 % sur l’intégralité de sa campagne. La visibilité des formats préroll est certifiée selon la norme IAB – MRC (50 % de la surface vue pendant au moins 2 secondes) et mesurée par la société française Integral Ad Science (IAS). Transformation de l'audiovisuel Besoin d’informations complémentaires ? 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