Comment les éditeurs peuvent utiliser Pinterest

Alors que la génération de trafic et l’engagement via Facebook sont de plus en plus aléatoires, certains éditeurs se tournent vers Pinterest. Les récents efforts de la plateforme d’agrégation de photos, qui revendique 100 millions d’utilisateurs mensuels dans le monde, attirent médias et marques, et de premières opérations de brand content voient le jour sur des thématiques précises : mode, beauté, décoration… mind a interrogé Pinterest France, ainsi que Lagardère Active, le Groupe L’Express et Condé Nast pour comprendre comment les éditeurs français utilisent la plateforme et quelles sont les retombées à en attendre.

Aux côtés de Facebook, Twitter, Instagram et Snapchat, un autre réseau social se fraie une place : Pinterest. La plateforme de découverte et de partage de photographies est certes plus discrète, avec “seulement” 100 millions d’utilisateurs dans le monde, mais elle veut améliorer sa monétisation en vue d’une éventuelle entrée en bourse. En France, alors que les sites d’actualité privilégient généralement Facebook et Twitter, Pinterest est devenu une priorité pour certains médias spécialisés dans les univers lifestyle, mode et décoration. En août, Vogue Paris 920.000 abonnés pour 30.000 épingles, ELLE France – présent depuis début 2014 – 900.000 abonnés pour 8.000 épingles et Côté Maison comptait ainsi 79.000 abonnés et environ 15.000 épingles. Dans l’Hexagone, la plateforme comptait 2,7 millions de VU en septembre 2015, selon Médiamétrie//Netratings.

Apport de trafic

Arthur Fouvez, éditeur digital de Côté Maison, la publication du Groupe L’Express dédiée à la décoration, tire un bilan positif de sa présence sur la plateforme. “Pinterest représente désormais 80% du trafic du site en provenance des réseaux sociaux, contre seulement 20% pour Facebook, car notre contenu très visuel convient bien à ses utilisateurs”. Les réseaux sociaux représentent 10% du trafic de ce site de décoration (1,8 million de VU en juin dernier). Les boutons de partage Pinterest sont d’ailleurs davantage mis en avant sur cotemaison.fr que ceux de Twitter. Chez Condé Nast aussi – les cinq marques du groupe (Vogue, GQ, Vanity Fair et AD) possèdent un compte sur la plateforme -, elle est devenu un apporteur de trafic important. Elle représente par exemple 15% du trafic total d’AD (décoration), qui comptait 370.000 abonnés en juillet, et 10% à Glamour (beauté, mode), qui en avait plus de 860.000. La bonne audience de ces sites médias s’explique par la typologie des utilisateurs de la plateforme lancée en 2010, qui sont souvent dans une phase de recherche d’idées pour des projets de vie et l’utilisent comme un catalogue qu’ils feuillettent en faisant défiler les contenus par un scroll infini vers le bas de la page.

“Les catégories les plus populaires au niveau mondial sont la cuisine, la décoration, la mode, la beauté et l’univers parental. Plus d’1,2 million d’idées sont enregistrées sur Pinterest en France chaque jour”, précise Emilie N’Guyen, partner manager de Pinterest France (sa fiche Linkedin). Ouvert en juin 2013, le bureau français qu’elle dirige compte “un peu moins d’une dizaine de personnes”.

Hausse de l’engagement en France

Les éditeurs français ont observé une augmentation des niveaux d’engagement sur la plateforme depuis le dernier trimestre 2015, moment où Pinterest a changé son algorithme afin de favoriser les contenus locaux. La société californienne a beaucoup communiqué pour faire croître sa communauté française, parfois avec l’aide des éditeurs. A partir du 29 septembre, et pour trois semaines, l’application s’associe par exemple au magazine ELLE dans le cadre d’un échange de visibilité. “Nous proposerons à nos lecteurs et à leurs utilisateurs des contenus exclusifs autour de la thématique “Slow Life”. La collaboration sera mise en avant par les équipes numériques et magazine de ELLE et par celles de Pinterest”, explique Lucia Lagarrigue-Aumonier, directrice marketing audience et social management de ELLE. “Chaque article portant sur Pinterest nous y apporte du trafic supplémentaire. Le mettre en avant dans nos contenus suscite un cercle vertueux”, confie Maxime Bicard, en charge des réseaux sociaux chez Condé Nast. Pour suivre leurs performances, les éditeurs utilisent Pinterest Analytics. “Le principal indicateur que nous surveillons est le nombre moyen d’impressions par jour, c’est-à-dire le reach de notre profil sur la plateforme, et le trafic redirigé vers le site. Nous pouvons aussi voir les sujets qui fonctionnent le mieux sur la plateforme, car Pinterest nous indique les tableaux et épingles qui ont eu la meilleure performance au cours des 30 derniers jours. Cela nous permet d’adapter notre production éditoriale et de faire descendre ou monter des tableaux”, explique Arthur Fouvez (Groupe L’Express).

Comment organiser ses équipes pour utiliser Pinterest ? Au sein de ELLE, une équipe de trois community managers est chargée d’adapter le format et le ton du magazine à chaque plateforme sociale. Lucia Lagarrigue-Aumonier explique la stratégie éditoriale appliquée à Pinterest : “Alors que sur le site nous affichons beaucoup de photos d’agences et de shootings mode, nous privilégions ici les contenus originaux, en publiant par exemple les créations de notre illustratrice. Nos community managers y cherchent aussi des tendances qui peuvent être déclinées sur les autres plateformes.” Comme une grande partie du trafic du magazine depuis Pinterest est naturel, c’est-à-dire généré spontanément par les utilisateurs qui y partagent des images de son site, ELLE met en place des outils pour faciliter l”‘épinglage”. “Pinterest nous offre des outils pour engager efficacement les communautés de nos titres, et permet à ces communautés de s’emparer elles-mêmes de nos contenus”, remarque Violaine Degas, directrice générale adjointe chez Condé Nast Paris, en charge des activités digitales.

Développement brand content

Pour tirer des revenus de leurs comptes sur le réseau, Pinterest n’interdit pas aux éditeurs de réaliser des opérations de brand content avec des annonceurs. “Nous n’avons pas de règles spécifiques sur ce type de partenariat et nous n’imposons pas la validation des dispositifs. Mais pour rester cohérent avec notre politique en tant que marque, il faut que ces opérations restent dans l’authenticité propre à la plateforme”, explique la responsable des partenariats de Pinterest en France, Emilie N’Guyen. Condé Nast a ainsi réalisé sa première opération de brand content sur Pinterest en juin 2016, en mettant en avant une nouvelle ligne de make-up de Chanel sur le compte de Glamour, où un “tableau” a été spécialement créé pour la marque (voir en ligne). Approchée par des annonceurs avec lesquels elle travaille déjà, la régie de Côté Maison s’apprête à proposer une offre d’extension de visibilité pour diffuser leurs contenus au sein de ses 50 boards thématiques, après validation par la rédaction pour conserver sa cohérence éditoriale. La première campagne se déroulera courant septembre. “L’objectif est de faire profiter nos annonceurs de notre bonne visibilité sur Pinterest”, justifie Arthur Fouvez, son éditeur digital. Les éditeurs n’ont pas voulu partager avec mind les revenus qu’ils espèrent générer avec ce type d’opération. Une incertitude : ils s’interrogent désormais sur ce que changera – pour l’engagement et la monétisation – le lancement par Pinterest en France, dans les prochains mois, de ses propres épingles sponsorisées ; un format disponible depuis longtemps aux Etats-Unis et depuis avril au Royaume-Uni.