Accueil > Médias & Audiovisuel > Transformation & Innovations > Comment les médias en ligne tentent d’innover Comment les médias en ligne tentent d’innover Pour imaginer de nouvelles offres éditoriales ou formats publicitaires, voire des nouveaux modèles économiques, et ainsi mieux répondre aux usages digitaux de leurs lecteurs, les groupes médias cherchent encore la bonne organisation : « labs » ? Cellules internes ? Relations avec l’externe via des hackathons et ateliers créatifs ? Structuration de liens avec les start-up via le media for equity ? Mais les moyens engagés sont encore limités... Tour d’horizon au Monde, à L’Express, à Prisma Media et à France Télévisions, notamment. Par . Publié le 15 janvier 2016 à 21h50 - Mis à jour le 15 janvier 2016 à 21h50 Ressources Les “labs”, trop désincarnés ? Apparus ces dernières années en France, les rares labs existants au sein de médias français ont souvent pour mission l’évangélisation des autres services au numérique. Celui de Prisma Media a ainsi été créé il y a cinq ans, baptisé PrismaLabs et composé d’une personne, Franck Barlemont, en qualité de directeur. Le rassemblement des équipes sur un site unique, à Gennevilliers, avait suscité le besoin de fédérer et motiver les équipes, et de réfléchir à de nouveaux outils et organisations pour les rédactions. Même si la démarche a été « markétée » avec un nom de marque (PrismaLabs), un logo et une présence sur les réseaux sociaux, la structure avait d’abord un usage interne : diffuser le numérique au coeur du groupe, des ateliers et des formations sur la base du volontariat et la réalisation de quelques prototypes. Une personne à temps plein et un bureau étaient mobilisés. Centre France – La Montagne s’est inspiré de cette configuration, mais Prisma Labs a été fermée fin avril 2015 et certaines de ses activités réparties entre différentes structures internes : Prisma Media Digital (activité numérique), Prisma Media Solutions (la régie) et DRH. « Il faut un animateur dynamique et des idées solides » pour apporter de l’efficacité à ce type de structure, estime Franck Barlemont. Il faut surtout quelques moyens et l’appui de la direction, ce dont ne disposait plus PrismaLabs, le groupe estimant l’utilité d’une structure dédiée avec ce positionnement guère efficace désormais. “La création de ce type de structure autonome était sans doute nécessaire il y a quelques années pour des groupes en retard sur le numérique, afin de prendre le temps de réfléchir et concevoir des projets numériques en évitant les lourdeurs des organisations, mais cela ne correspond plus aux besoins actuels”, estime un cadre au sein d’un média en ligne. Plus assez intégrés au reste des équipes, et pas suffisamment productifs – certains diront qu’ils ont rempli leur mission d’évangélisation – alors que les budgets sont resserrés, les “labs” apparaissent parfois comme des OVNI aux yeux des directions générales, qui veulent les rattacher davantage aux autres services. Notamment aux rédactions. C’est le choix effectué à France Télévisions depuis six mois : Eric Scherer, qui demeure directeur de la prospective pour le groupe, a été chargé de la mise en place et du pilotage d’un « Médialab ». Placé au sein de la Direction de l’information (Eric Scherer est ici sous la responsabilité d’Hervé Brusini, directeur du numérique, de la stratégie et de la diversité au sein de la direction de l’information), ce nouveau pôle s’appuie sur MétaMedia, le blog dédié à l’innovation alimenté par une cellule dont Eric Scherer assure la coordination, avec pour objectif la création de davantage de passerelles entre le numérique et l’ensemble du groupe, notamment l’information. “””Un lab nécessite un animateur dynamique et des idées solides pour apporter de l’efficacité à ce type de structure” Franck Barlemont, ex-Prisma Media” Les cellules éditoriales Ces dernières années, les médias se sont plutôt tournés vers une autre façon d’innover : la création de cellules plus opérationnelles liées ou placées au coeur des rédactions, comme le sont les équipes des nouvelles écritures et de datavisualisations du Monde et de Libération. Il s’agit ici d’innovations éditoriales, mais cela nécessite un réel investissement humain. Les pays anglo-saxons vont plus loin dans ce registre avec, très souvent, un directeur chargé de l’innovation éditoriale, en surplomb, disposant d’un vrai pouvoir hiérarchique et d’une équipe dédiée. Cette configuration est encore très rare en France, où les médias sont plus prudents sur les nouveaux formats, même si de premières initiatives semblent se mettre en place. L’Obs a certes son responsable éditorial des développements numériques, Aurélien Viers, depuis plus d’un an, mais l’hebdomadaire manque de moyens pour passer à la mise en application. Ces derniers mois, Le Monde est peut-être le média le plus ambitieux dans ce registre, sous l’impulsion de son directeur, Jérôme Fenoglio. A côté de Luc Bronner, directeur des rédactions, Nabil Wakim a ainsi été nommé directeur adjoint des rédactions chargé des innovations éditoriales. Il travaille avec une adjointe, Cécile Prieur, elle aussi très tournée vers l’innovation – notamment vers les abonnés – et doit porter l’ensemble des innovations éditoriales sur le numérique. Nabil Wakim est en charge du projet vidéo, de la mise en place de futures chaînes thématiques et de la création d’une cellule pour la R&D et les nouveaux usages du public. “On devient en quelque sorte une entreprise de technologies, souligne Jérôme Fenoglio. Il faut désormais disposer d’une cellule de R&D qui sera un laboratoire pour créer de nouveaux formats éditoriaux et de nouvelles manières de s’adresser au public, notamment sur les réseaux sociaux, par exemple Facebook. Sur cet aspect-là, on aura peut-être besoin de nouveaux profils, dont des social media editors. L’objet de cette cellule sera bien sûr également d’améliorer nos différents produits. Il faut garder un esprit start-up au sein du Monde.fr.” Par ailleurs, dans la nouvelle organisation du journal impulsée par son directeur, à côté de la rédaction en chef – tournée vers l’actualité et composée de Vincent Fagot et Philippe Le Coeur – un troisième rédacteur en chef, Michaël Szadkowski, va travailler étroitement avec Nabil Wakim et Cécile Prieur sur des sujets de R&D. Ce sera lui l’animateur de cette cellule R&D. Au sein du Monde, il a été social media editor (SME, responsable des médias sociaux) pendant plusieurs années sur la veille et les nouvelles manières d’utiliser les réseaux sociaux. Les cellules technologiques Des cellules peuvent également être créées dans un rôle technique. Ce sont alors une ou quelques personnes directement intégrées au sein des directions numériques. Le Monde a par exemple mis en place, il y a près de quatre ans, une cellule « Nouveaux écrans » de trois personnes (chef de projet et développeur) dirigée par Edouard Andrieu, pour réfléchir et tester de nouvelles offres numériques (offres en mobilité, applications pour montres connectées….). L’Express avait tenté cette approche en 2013 avec une ambition plus grande : cinq personnes recrutées avec des profils complémentaires (marketing, développeurs, data analyst, chef de projet…) pour créer une cellule ex nihilo chargées de concevoir des projets à moyen et long terme. L’expérience, non concluante et coûteuse, a été abandonnée en 2014 et les compétences ont été réparties dans les différents services numériques. Mais l’initiative a eu le mérite de rapprocher les équipes et de les faire travailler ensemble. Car c’est bien un manque de moyens et une réelle frilosité qui empêchent les médias français d’investir pour innover. Un manque d’innovation qui s’explique par des moyens insuffisants et une certaine frilosité Les relations avec les start-up Face aux contraintes budgétaires, L’Express se concentre depuis sur une autre façon d’innover : la mise en place de relations étroites avec les start-up via sa structure de media for equity – des plans médias en échange de parts de capital de la start-up -, L’Express Ventures. Mise en place dès septembre 2012, elle a réalisé une demi-douzaine d’investissements (10 % du capital acquis au maximum) dans des start-up liées à l’immobilier, l’envoi de box alimentaires, la vente d’article de mode, etc. De premières sorties devraient avoir lieu en 2016. Depuis, le media for equity a été lancé également par Les Echos, TF1, M6 et Reworld Media notamment. Outre le media for equity, l’innovation au contact des start-up peut se concrétiser de façon plus directe par l’installation d’un incubateur, comme l’a fait Canal+ en 2014 (CanalStart), puis en 2015 TF1 et le Groupe Amaury. Celui-ci a lancé « Amaury Lab » en mars 2015. Quatre start-up sont ici encadrées : Omnilive, qui propose un player vidéo multicaméra communautaire pour regarder en direct ou en rattrapage, sur le web et sur mobile, un événement filmé, Glory4Gamers, plateforme de compétition de jeux vidéo en ligne, Nunki, une application pour iPhone qui repère, agrège et organise en temps réel les meilleurs contenus visuels qui font l’actualité sur les réseaux sociaux, et enfin, Ownpage, qui a développé une technologie de recommandation de contenus. Il est encore un peu tôt pour faire le bilan de ces incubateurs et apprécier l’intérêt réel pour les médias, mais les premiers retours de certains d’entre eux sont mitigés, de par le temps consacré et la difficulté parfois à orienter les projets encadrés. C’est finalement les nouveaux formats éditoriaux et publicitaires que les médias français semblent privilégier pour innover, en avançant là aussi avec une prudence extrême. Depuis dix mois, 20 Minutes, Libération et Le Figaro ont par exemple testé la production de contenus sur WhatsApp ou Snapchat – avec des résultats mitigés -, tandis que Le Monde met actuellement en place un studio créatif interne et prépare son arrivée sur Snapchat Discover pour séduire les jeunes : enfin une innovation ? Côté formats publicitaires aussi, des innovations apparaissent timidement. Le Groupe Le Monde veut d’ailleurs organiser un workshop baptisé “Demain, la pub” pour imaginer et prototyper des nouveaux formats autour de ses marques en régie (Le Monde, M Le Magazine, l’Obs, O, Télérama, Courrier international…). Pendant trois jours en février, des groupes pluridisciplinaires associant ses équipes et des contributeurs externes – UX designers, concepteurs– rédacteurs, équipes commerciales et marketing, développeurs, journalistes – tenteront d’“inventer de nouvelles expériences publicitaires”. Parmi les objectifs : le lecteur au coeur de l’expérience, un message qui se décline en fonction des supports de lecture… Les résultats seront présentés à un jury composé de personnalités : Anne-Sophie Cruque (Starcom), Louis Dreyfus (Groupe Le Monde), Thomas Jamet (Mediabrands France) etc. Dans la lignée des hackathons, auxquels tous les médias ont participé (et organisés par certains), ces ateliers offrent aussi, là encore, l’avantage de ne pas nécessiter beaucoup de moyens. L’Express, M6, TF1, Les Echos, Reworld Media… Le media for equity s’est beaucoup développé en 2014 et 2015, mais ses effets tardent à se concrétiser. Une méthode différente au Figaro Dautres acteurs médias préfèrent ne pas isoler l’innovation. « Nous n’avons pas organisé l’innovation au sein d’un département, d’une cellule, ou de relations avec l’extérieur. Nous la vivons au quotidien et collectivement de façon à ce que chaque service s’en empare », indique Bertrand Gié, directeur des nouveaux médias du Figaro. A l’image du Figaro, certains groupes préfèrent dont mettre en place des équipes avec de compétences complémentaires et des projets précis. Un procédé qui n’est d’ailleurs pas incompatible avec l’installation pérenne de cellules ou la création de hackathons. Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Le Groupe Figaro accélère sur le programmatique et annonce un studio de création Facebook teste un navigateur web intégré à son application mobile essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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