Comment les nouveaux médias 100 % vidéo et réseaux sociaux veulent s’imposer

Brut, Brutus, Explicite, TF1One… la campagne présidentielle a été l’occasion pour de nouveaux pure player médias d’émerger, notamment ceux qui ont fait le choix de traiter l’actualité uniquement sous formes de vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. Comment se distinguent-ils ? Sur quoi repose leur modèle économique ? Quelles sont leurs ambitions ?

En octobre 2016, MinuteBuzz était le premier éditeur français d’envergure nationale à fermer son site pour basculer entièrement sa diffusion sur les réseaux sociaux. Depuis, plusieurs médias ont été créés en s’appuyant en priorité sur Facebook, mais aussi sur Twitter, Youtube, Instagram, Snapchat, Youtube et Dailymotion. Brut diffuse ainsi depuis octobre 2016 des vidéos sur les réseaux sociaux. Brutus, programme politique diffusé sur la page Facebook de France 24, a vu le jour en novembre 2016. Deux mois plus tard, naissait Explicite, fondé par les anciens salariés d’iTélé, puis TF1One, né de l’acquisition de MinuteBuzz par TF1. Tous proposent des vidéos autour de l’actualité, postées nativement sur les plateformes et invitant à l’interactivité et à l’engagement autour du contenu.

TF1 One et Brut misent sur la vidéo courte

Deux médias se sont positionnés sur la vidéo courte, rythmée et conçue pour être visionnée sans le son, grâce à des sous-titres et des visuels très explicites : TF1One et Brut, qui comptent respectivement 13 000 et 367 000 abonnés sur Facebook, misent sur le partage pour développer leur audience. “Nous avons cumulé 50 millions de vues en avril sur toutes les plateformes, mais ce que nous regardons le plus comme indicateur est le taux d’engagement de notre page (en janvier, il était de 1 122 % sur nos vidéos selon le classement établi par Stratégies avec NukeSuite) et le taux de partage dans la première heure après la publication”, explique Guillaume Lacroix, cofondateur aux côtés de Renaud Le Van Kim (producteur) et Roger Coste (ex-Canal + Régie) de Together Studio, société éditrice de Brut (Luc Besson est également associé).

Ce média, qui poste sur Facebook trois à quatre vidéos par jour, souhaite se distinguer en créant des contenus autour de questions d’actualité, “faites pour engager la conversation” et pour “donner des clés d’entrée sur la société”, explique Guillaume Lacroix. Depuis fin mai, la société a également développé deux déclinaisons avec les pages Brut Sport et Brut Pop (divertissement). Elle souhaite également dupliquer ce modèle aux États-Unis grâce à des vidéos produites depuis la France. Cette première internationalisation était espérée en mai mais a pris un peu de retard (lire l’interview de Guillaume Lacroix à mind Media) L’ensemble des vidéos créées est aujourd’hui commercialisé par France TV Publicité, avec qui le média social a passé un accord publicitaire et de diffusion.

MinuteBuzz, de son côté, assume pour sa part un positionnement axé davantage sur le divertissement et l’info-divertissement. “Pour l’offre TF1One, nous nous appuyons sur les images produites par les rédactions de TF1, mais nous n’allons pas traiter de sujets brûlants ou polémiques”, explique Maxime Barbier, fondateur de MinuteBuzz, qui chapeaute TF1One. Les vidéos sont relayées sur les pages de TF1One, LCI et MinuteBuzz. Depuis sa création en mars, environ 100 vidéos ont été créées sur TF1One, totalisant 40 millions de vues. “Notre objectif principal est d’augmenter la production et le nombre de vues par vidéo. Plus nos vidéos seront vues, plus nous agrandirons la communauté”, explique Romain Duvivier, responsable éditorial de TF1One. Le média s’appuie pour cela avant tout sur la plateforme sociale Facebook, sur lequel elle consacre, jusqu’en septembre, l’essentiel de ses moyens. Une vidéo par jour y était publiée en mai, plus rarement deux.

Explicite et Brutus s’appuient sur le direct

Axés en priorité sur le direct, Brutus et Explicite sont tous les deux nés pendant les campagnes des primaires pour la présidentielle. Le premier, Brutus, s’est dès le départ spécialisé dans un format long et participatif, avec l’interview de responsables politiques par une vingtaine de Français, pendant une à deux heures. Une dizaine de vidéos ont été produites et diffusées via la page Facebook de France 24 ainsi que sur un site hébergé chez Free et une application disponible sur la Freebox Revolution. Elles ont généré au total près de 2,5 millions de vues, selon Emery Doligé, cofondateur aux côtés de Pierre Abruzzini.

Ce format d’interview s’est toutefois arrêté depuis la fin de l’élection. Le média s’apprête à renaître avec un nouveau concept : “des directs longs, voire très longs”, non plus autour de l’information, mais “des modes de vie et du divertissement, avec toujours une notion de rencontres des Français”, explique Emery Doligé. Ce média s’appuiera sur les réseaux sociaux mais aussi sur un partenaire média, qui assurera publicité et diffusion.

Explicite, association fondée par les anciens journalistes d’iTélé, évolue – avec plus de retard – vers un modèle entrepreneurial, qui pourrait être officialisé dans les prochaines semaines. Le média s’est jusqu’ici spécialisé dans les vidéos en direct avec des angles décalés lors de grands événements, des interviews d’experts, et poste également des reportages courts et longs. “Explicite est aujourd’hui un grand labo dans lequel nous testons des formats et des durées variés”, explique Olivier Ravanello, cofondateur.

Les vidéos sont diffusées sur la page Facebook d’Explicite, qui compte près de 56 000 abonnés, ainsi que sur le portail de Yahoo Actualités. L’une des vidéos les plus populaires concernait la Guadeloupe : elle a généré 150 000 vues et atteint une portée d’1,2 million de personnes. “Je regarde assez peu le nombre de vues, mais plutôt combien de gens ont cliqué sur la vidéo et combien de temps ils y sont restés”, indique Olivier Ravanello, qui n’en dévoile cependant pas plus sur l’audience des contenus.

 Explicite a réussi en février une campagne de crowdfunding qui lui a permis de récolter 150 000 euros, mais le média compte dans les prochaines semaines s’éloigner du concept 100 % réseaux sociaux pour se lancer dans un modèle de média classique payant. Brutus aussi souhaite à l’avenir s’appuyer sur d’autres supports que Facebook. Le modèle 100 % réseau social est-il viable pour l’ensemble des acteurs ? ? Pour l’instant, aucun de ces jeunes médias n’est rentable : Brutus est à l’équilibre grâce à sa diffusion et sa monétisation via Free, et assure qu’il sera “rentable en 2017”, mais “hors coûts de développement”.

Brut mise pour sa part en grande partie sur le brand content, que Guillaume Lacroix préfère appeler “formats natifs”, et qui sera développé grâce à l’appui de la régie France TV Publicité Le média est également en train d’investir le marché américain et souhaite dépasser d’ici la fin de l’année les 250 millions de vues par mois.

 TF1One est le seul acteur qui compte uniquement sur les réseaux sociaux pour se développer économiquement, grâce au brand content et au sponsoring de formats. Une dizaine de commerciaux, partagés avec MinuteBuzz, y travaillent. “L’information se prête historiquement moins à ce type d’opérations publicitaires que le divertissement mais nous travaillons à changer le regard des annonceurs sur ce sujet. Nous devrions être rentables d’ici la fin de l’année : les premières campagnes auront lieu en juin et il ne suffira que de quelques opérations et de bonnes idées chaque année pour que le modèle soit viable”, affirme Maxime Barbier.

Tous souhaitent tester les publicités vidéo mid-roll sur Facebook lorsqu’elles seront mises en place en France, mais ils ignorent encore l’accueil qui leur sera fait par les utilisateurs.

Marion-Jeanne Lefebvre

Panorama des médias 100 % vidéos sur les réseaux sociaux

*Déclaratif. Mis à jour le 5 juin 2017